Le Toucher

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Drago rentre à l'appartement de Granger, encore groggy par son échange avec Weasley. A vrai dire, dans l'état dans lequel il se trouve, il serait bien incapable de déterminer ce qui affecte le plus son jugement : leur discussion, ou les trois verres de Whisky Pur Feu qu'ils se sont enfilés à la suite.

La vision du salon déserté lui fait néanmoins l'effet d'une douche froide. Le brusque rappel qu'Hermione s'est tenue dans cette pièce avec lui peut-être une heure plus tôt, et qu'elle n'y est plus. Hermione s'est barricadée dans sa chambre, hantée par le souvenir de sa mère, insensible aux suppliques de Weasley.

Luttant pour ne pas tituber, Drago s'aventure à son tour dans le couloir étriqué qui mène à la chambre de Granger. Est-ce l'alcool qui le désinhibe ainsi ? Il n'en ressent peut-être pas le goût, mais son influence reste bien réelle malgré tout. Drago frappe à la porte de la jeune femme, sans peur, mû uniquement par son inquiétude pour elle :

– Hermione, murmure-t-il. C'est bon, il est parti.

Pas de réponse. Drago ne s'attendait pas à une victoire facile, de toute façon. Mais il sait quelles paroles pourraient faire sortir Granger de sa désolation. A cet instant précis, il visualise ses propos comme une clé, qu'il revient à lui seul d'utiliser ou non :

– Il ne t'en veut pas, tu sais, se décide-t--il, et c'est comme si un serpent mordait son propre cœur. Il me l'a dit. Il comprend pourquoi tu lui as caché la situation, et il veut revenir auprès de toi, peu importe les conséquences.

La porte de la chambre s'entrouvre. Drago respire une bouffée du parfum de Granger : un mélange de l'odeur de fleurs qu'elle émane naturellement, et de la fraîcheur qui imprègne son linge de maison. Un œil d'un joli brun noisette se dessine dans cette embrasure :

– Vous vous êtes battus ? demande la voix étouffée de Granger.

– Non, répond Drago. Crois-le ou non : il m'a payé un verre.

Le panneau s'écarte un peu plus. Cette fois, c'est le visage tout entier de Granger qui se révèle à lui, et Drago ne peut retenir une brève poussée de fierté, aussi ridicule que déplacée. La pensée futile que Granger a ouvert la porte pour lui, alors qu'elle l'a laissée fermée pour Weasley. La faible remarque que oui, il a su déverrouiller son cœur, là où son rival a échoué.

Ce sentiment se dissipe très vite :

– Il t'a payé un verre ? répète Granger, incrédule, sans retenir un sourire timide sur son beau visage triste.

– Oui, confirme Drago. Ça a pris de longues années, mais je suis forcé de te donner raison sur ce coup-là : ce n'est pas un sale con. Et il veut vraiment être avec toi. Il a appris de ses erreurs, je crois. Comme j'ai appris des miennes.

Drago se passe la langue sur les lèvres. L'alcool brouille ses pensées. Crée des connexions dans son esprit là où elles n'ont pas forcément lieu d'être.

En face de lui, Hermione sèche une larme solitaire qui coule sur sa joue, et Drago reste pétrifié par la beauté de ce seul geste.

– Je suis désolée, s'excuse la jeune femme. Pour tout à l'heure. Je n'aurais pas dû craquer comme ça, et vous abandonner tous les deux... Vous laisser tous seuls face à face comme ça sans prévenir, c'était totalement irresponsable.

Drago secoue la tête :

– C'était compréhensible, vu ta situation.

Il ajoute en écartant un peu plus le battant :

– Tu ne peux pas toujours être parfaite en toute circonstance, Hermione. Tu es humaine, toi aussi. Tu as le droit de t'en rappeler de temps en temps.

Elle esquisse un petit rire. La hanche appuyée contre le chambranle de la porte, sa silhouette forme une courbe délicieuse, sur laquelle Drago ne peut empêcher son regard de glisser encore et encore.

– J'ai encore du mal à vous imaginer Ron et toi en train de prendre un verre sans vous étriper, finit par plaisanter la jeune femme d'un air gêné.

– Oh, ne te méprends pas. Ça a été une torture de bout en bout, et j'ai dû faire semblant de m'intéresser à ce qu'il racontait, mais... Grosso modo, ça a été étonnamment sympa. Peut-être même qu'on se refera ça, un de ces quatre.

– Arrête.

Joueuse, Hermione gratifie Drago d'un petit coup de poing amical dans l'épaule, qui résonne jusqu'au creux de ses os. Ce n'est pas de la douleur. Bien sûr que non. Granger n'aurait jamais cherché à lui faire volontairement du mal. Non, c'est quelque chose de bien plus profond que cela, quelque chose qui remonte des tréfonds de ses entrailles, exacerbé par l'alcool, libéré de toute barrière. Un contact humain. Une chaleur qui prend Drago en défaut, alors que déjà son corps privé depuis si longtemps d'émotions en réclame plus.

Le jeune homme se racle la gorge. Une petite voix, quelque part tout au fond de lui, reste suffisamment lucide pour lui rappeler qu'il déraille complètement :

– Comment tu te sens ? demande-t-il plus sérieusement.

Hermione comprend instantanément ce qu'il veut dire. Bien sûr. Elle n'est pas idiote. Et elle n'a jamais fait semblant de l'être :

– Je me sens stupide, avoue-t-elle, abandonnant tout faux-semblant. Je ne sais pas à quel résultat je m'attendais, exactement. A retrouver ma mère telle qu'elle était, tout de suite, dans l'instant ? Peut-être que j'ai attendu ce moment depuis trop longtemps...

– Nous avions prévu que les effets de notre traitement pourraient être spectaculaires.

– C'est vrai... Mais je n'avais pas imaginé à ce point-là. La revoir parler, c'était...

Granger enfouit son visage entre ses mains :

– C'était merveilleux, et affreux en même temps...

– Je comprends.

Drago lui prend la main, pour la forcer à le regarder à nouveau :

– Mais nous devons considérer ce premier essai pour ce qu'il est, insiste-t-il. Une victoire.

Face à lui, Hermione n'ose pas l'affronter. Ses traits oscillent encore entre le chagrin et le doute, trop habitués à avoir été déçus.

– Ta mère n'a pas rejeté les souvenirs que nous lui avons implantés, Hermione, lui assure doucement Drago. Nous devons nous mettre à sa place. D'une seconde à l'autre, nous lui avons rempli la tête de souvenirs qui, pour elle, n'étaient plus les siens depuis longtemps. Sa réaction était prévisible. Violente, bouleversante, traumatisante pour elle comme pour toi, sans aucun doute, mais... Prévisible.

– Je sais, admet la jeune femme comme si elle se sermonnait elle-même. J'en ai conscience, je t'assure, j'ai eu tout le temps de me raisonner dans cette chambre, mais... Je n'arrive pas à m'enlever son visage de la tête. La terreur et l'effroi qu'elle a ressentis... C'est nous qui lui avons infligé ça.

– La terreur et l'effroi, c'est mieux que le vide.

– Vraiment ? Et si ces émotions ne la quittaient jamais ? Et si nous l'avions condamnée à vivre avec ce doute ignoble enfoui en elle, la sensation que rien de ce qui l'entoure n'est vrai, que nous lui mentons tous, depuis toujours ?

Drago presse plus fort ses doigts entre les siens :

– Il est encore trop tôt pour se prononcer sur ce genre d'effet secondaire, déclare-t-il.

– Peut-être, mais si...

– S'ils adviennent, alors nous aviserons à ce moment-là. Mais tu ne peux pas lutter sur tous les fronts en même temps, Granger. Tu ne peux pas toujours avoir une longueur d'avance sur tout. Tu ne peux pas tout contrôler.

A nouveau, la jeune femme esquisse un rire :

– Si tu avais dit ça à l'adolescente que j'étais à Poudlard... Je crois que c'était ce qui me terrorisait le plus.

Abandonnant sa main, Drago se risque à ébouriffer ses boucles brunes :

– Je sais, sourit-il avec indulgence.

Puis, avec davantage de douceur :

– Un seul problème à la fois, Hermione. Tu dois apprendre à savourer les petites victoires, si tu veux remporter les plus grandes. Pour l'instant, c'est une jolie réussite que nous venons d'accomplir. Et nous avons encore beaucoup de travail devant nous.

Hermione se détend, imperceptiblement. Un peu de couleur semble retrouver ses joues :

– Heureusement que tu es là, souffle-t-elle.

Cette fois-ci, elle le regarde. Et Drago ne peut se détacher de ce seul regard. Il lui fait presque mal :

– Je suis sincère, tu sais, poursuit-elle. Rien de tout ceci n'aurait pu être possible sans toi.

– Oh, avec ta témérité, je suis sûr que tu aurais pu débusquer un autre spécialiste des souvenirs qui aurait pu faire aussi bien que moi. Voire même devenir spécialiste toi-même.

– Peut-être. Mais je n'aurais pas eu la force de traverser tout cela sans toi.

Drago incline la tête. C'est étrange : voilà que c'est lui qui ne supporte plus de la dévisager... Au fond de lui, la petite voix qui a toujours été habituée à souffrir susurre à l'adresse de Granger : « Pas maintenant. S'il-te-plaît, pas maintenant. C'est déjà suffisamment difficile pour moi de te savoir aimée d'un autre, et éprise de lui... »

Drago secoue la tête :

– C'est moi qui n'aurais pas pu traverser tout cela sans toi, dit-il.

Elle ne comprend pas. C'est normal : comment pourrait-elle deviner les pensées folles qui lui viennent à l'esprit ? Mais Drago est incapable de s'arrêter :

– Si tu n'étais pas venue me trouver dans ma boutique il y a quelques mois, si tu n'avais pas décidé de m'aider toi aussi, je serais encore... Si ça se trouve, je ne me serais même pas encore rendu compte de ma maladie. Je me serais éteint lentement, comme des braises qu'on laisse mourir. Et j'aurais fini par mourir, tout seul dans mon arrière-boutique, sans personne pour remarquer mon absence. On n'aurait sans doute pas retrouvé mon corps avant des semaines.

– Drago, ne parle pas comme ça...

C'est au tour de Granger de lui saisir le bras, de le toucher. Drago reste surpris par l'acuité avec laquelle il ressent ce contact. Comme s'il ne vivait plus que pour cette sensation.

– Pourquoi ? entend-il le Serpentard en lui rétorquer. C'est la vérité. Depuis des années, je me suis laissé mourir, et je crois que... Quelque part, je le souhaitais. Je le souhaitais sans oser me l'avouer. Sans oser passer à l'acte non plus.

– Drago, tu vaux tellement plus que ce que tu...

– Je sais. Nous avons déjà eu cette discussion, tu te souviens ? Je ne suis pas là pour jouer à nouveau les suicidaires qui s’apitoient sur leur sort.

Granger garde le silence. Dans l'attente de ses prochaines paroles, indubitablement. Lui-même n'est même pas sûr de la direction où le mène ce petit discours :

– Mais depuis que tu es entré dans ma vie, je n'ai plus... Autant envie de souffrir. Je n'ai plus autant envie de me faire du mal. Je veux te faire du bien, à toi. Je veux...

Drago se perd dans ses propres mots. Le sens qu'ils revêtent vraiment :

– Je veux, répète-t-il simplement, comme une évidence. Tu m'as permis de vouloir quelque chose à nouveau. D'attendre à nouveau quelque chose de cette vie. Je veux... que tu ailles bien. Je veux que tu sois heureuse.

Cette fois, peut-être pour la première fois dans sa vie, Granger ne trouve rien à lui répondre. Drago peut ajouter cela à la liste de ses petits satisfactions personnelles : avoir rendu muette celle que Rogue appelait autrefois « Miss Je-Sais-Tout »...

Il n'y a pas d'angoisse dans ce silence : rien que la gêne de sa confession. Mais qu'a-t-il confessé, après tout ?

C'est Hermione qui finit par rompre leur silence, ne supportant peut-être plus l'intimité de l'instant :

– Moi aussi, je veux que tu ailles bien, promet-elle. Nous trouverons ce que tu as.

Drago a du mal à cacher sa déception. Ces mots ne sont qu'une manœuvre de repli pour détourner cette discussion trop intense. Granger en a-t-elle conscience ? Prend-elle ainsi ses distances à dessein ?

« Et que voudrais-tu qu'elle fasse d'autre, imbécile ? », tranche la conscience de Drago. « Elle est amoureuse de Weasley. Et toi, tu lui tiens la jambe sur le pas de sa porte, en espérant quoi, qu'elle te tombe dans les bras ? »

Plus que jamais, Drago se sent rougir de stupidité. Pour cacher son trouble, il se contente d'acquiescer :

– Weasley a émis une hypothèse à ce sujet, d'ailleurs, déclare-t-il, acceptant ainsi lui aussi de battre en retraite. Il pense que mes symptômes sont psychologiques. Que je fais une sorte de dépression magique.

– Oui... C'est la meilleure explication qui semble se dessiner.

– Mais il m'arrive d'aller mieux, pourtant !

– Ce serait intéressant d'essayer d'analyser ces instants où tu te sens mieux. Est-ce que tu as remarqué des détails particuliers à leur sujet ? Des points communs dans... Ce que tu étais en train de faire, ton état d'esprit... ? Est-ce que tes émotions reviennent dans des instants où tu te sens plus heureux ?

Drago prend le temps de réfléchir quelques secondes. Mais la réponse est évidente. A quoi bon la lui cacher ?

– Je me sens mieux quand je suis avec toi, révèle-t-il.

Et à nouveau, le silence se glisse entre eux deux. Un silence plus profond, plus pénétrant. Lorsqu'il aperçoit la compréhension dans les yeux de Granger, Drago réalise l'ampleur de ce qu'il vient de lui dire, et il se détourne instantanément. L'alcool le fait hésiter ; il se rattrape au chambranle de la porte avant de reculer dans le salon.

– Drago...

Derrière lui, Granger fait mine de le suivre, mais toutes les fibres de son être lui crient de la fuir, de la fuir pour ne pas souffrir :

– Je ne sais pas pourquoi j'ai dit ça, excuse-moi, bredouille-t-il. C'est la faute de Weasley. Je suis bourré, n'y fais pas attention...

– Drago, tu n'as pas à t'excuser...

Elle finit par l'attraper par la manche de sa chemise, et il n'a d'autre choix que de s'immobiliser, comme un imbécile, la bouche pleine de déclarations qu'il n'a pas le droit de dire. Il est allé trop loin cette fois, et il le sait. Weasley a lu en lui comme dans un livre ouvert dans ce bar : sa maladie est le reflet physique de ses pensées, une véritable carte pour déchiffrer ses émotions, et il vient de la tendre à Granger avec une immense croix tracée en plein cœur.

A quoi bon nier ? Elle est trop intelligente pour se laisser berner, et de toute façon, il ne veut pas lui mentir. Il vient encore de tout gâcher entre eux, comme il l'a toujours fait. Pourquoi ne pouvait-il pas fermer sa grande gueule ? Garder ses sentiments pour lui quelques semaines de plus, le temps que le mal ait rongé tout ce qu'il restait de lui ? A présent, il n'y a plus de retour en arrière possible... Il est amoureux de Granger, et Granger le sait. Il vient de se priver à tout jamais du regard qu'elle portait sur lui. Car plus jamais elle ne pourra le considérer comme avant, plus jamais elle ne pourra aborder ses rapports avec lui sans craindre d'arrières pensées, ou le prendre en pitié...

Alors, parce que cela lui brise le cœur et qu'il est inutile de repousser l'évidence plus longtemps, Drago redresse la tête pour contempler une dernière fois Hermione, et lui chuchoter le secret qui éclaire à lui seul la malédiction qui le frappe :

– Je suis heureux quand je suis avec toi.

Il attrape son manteau qu'il ne se rappelait même plus avoir jeté sur le dossier du canapé :

– Je vais partir.

– Drago...

A nouveau, Hermione le retient. Par la main, cette fois. Le jeune homme reste sans bouger, pétrifié par ce lien qui refuse de se briser, malgré tous ses efforts, pétrifié par le poids du regard de Granger sur lui. Dans l'air se dessine une profonde confusion, mais rien qui ne lui soit hostile. Hermione ne veut pas qu'il parte. Ses doigts semblent si fins entre les siens. Elle reste figée elle aussi, comme au seuil d'une décision qu'elle est incapable de prendre, totalement déstabilisée et perdue. Ses grands yeux s'agitent comme s'ils cherchaient frénétiquement la réponse en lui.

Alors, puisqu'il ne supporte pas de la voir en proie à de tels tourments, Drago consent à s'incliner vers elle, son visage très proche du sien. Deux petites larmes semblent poindre à nouveau au coin de ses yeux. Il en essuie une du bout de ses doigts et ainsi, lui caresse la joue. Il ne la quitte pas. Leurs lèvres se rapprochent telles deux aimants, et alors, avant qu'ils ne le réalisent tous les deux, ils s'embrassent, d'un baiser chaud au goût de sel.

Drago ressent tout. Le parfum d'Hermione, la cascade de ses cheveux, la chaleur de son corps contre le sien, et le grain de sa peau, la douceur de ses lèvres, son souffle aux arômes sucrés, sa langue...

Il en veut plus, toujours plus. Pris d'une frénésie telle qu'il n'en a pas connue depuis des années, Drago embrasse Hermione, comme si sa vie en dépendait, et la jeune femme se perd dans l'intensité de cette passion. Elle s'abandonne entièrement entre ses bras : il le sent, telle une créature sans défense. Et lui l'embrasse encore et encore, tel un profanateur s'abreuvant au nectar des dieux, incapable de renoncer à l'extase dont il vient de s'emparer.

C'est coloré, délicieux, enivrant, doux et harmonieux. C'est plus que tout ce qu'il a ressenti dans sa vie entière. Un instant de sublime, un moment de grâce qui éclate dans le désert stérile qu'ont été ces dix dernières années pour lui. Il l'embrasse comme il respire, comme s'il ne pouvait plus jamais s'arrêter. Et soudain, tout paraît prendre sens. Chaque chose tombe à sa place et sonne juste au fond de lui dans une perfection étourdissante. Le monde retrouve ses textures, ses formes, sa profondeur. Il en fait à nouveau partie, enfin, et il est capable de le sentir, d'agir. Il vivait dans l'obscurité et voilà que désormais, une lumière implacable vient de tout dévoiler, déchirer les ténèbres pour lui révéler autre chose, lui rendre tout ce qu'il a perdu, la vie telle qu'elle aurait dû être vécue.

Drago se raccroche à Hermione comme au seul instant de beauté, de bonheur et d'espoir qu'il a connu dans son existence toute entière. Tout est limpide à présent, il le sait : il l'aime et il a besoin d'elle, il l'aime, elle est le seul remède dont il ait besoin dans la noirceur de ce monde abject.

Pourtant, quelque chose meurt un peu plus à chaque baiser. Le doute se glisse dans l'interstice entre leurs deux âmes, et Hermione finit par rompre l'étreinte qui les unit tous les deux :

– Drago, Drago, articule-t-elle, le souffle haletant.

Il lui laisse le temps de respirer, même s'il sait qu'il ne devrait pas. Chaque seconde qui passe creuse un peu plus l'abîme entre eux deux. Les plus hauts sommets s'abattent dans un gouffre sans fond :

– Drago, on ne peut pas faire ça..., murmure Hermione. Je...

Elle cherche visiblement ses mots, confuse et désespérée, se rattrapant à ses mains pour ne pas lui faire de mal, mais il est déjà trop tard :

– Je t'aime, articule Drago, la voix rauque. Je sais que je ne devrais pas, mais je m'en fous. Je t'aime.

– Drago, je...

– Dis-moi que tu ne ressens rien pour moi.

Il la met au défi, la transperçant du regard :

– Si tu dois me briser le cœur, vas-y, mais sois sincère. Dis-moi que tu ne ressens rien pour moi.

– Je suis ton Médicomage, Drago, répond-elle, avec sur le visage une terrible nuance d'excuse et de honte.

– Et alors ? Ça n'a rien à voir avec...

– Si tu fais vraiment une dépression, alors, je ne suis pas la bonne réponse à t'apporter. Je ne suis qu'une diversion, rien de plus.

– Une diversion ? Mais qu'est-ce que tu...

– Une diversion pour ne pas soigner la cause réelle de tes souffrances ! Un placebo pour te sentir mieux, mais ça ne durera pas, crois-moi. Pour te guérir, tu dois rechercher la solution en toi-même. Pas en moi. Pas en qui que ce soit d'autre.

– Mais si c'est toi qui me rends heureux ?

– Tu devrais d'abord te rendre heureux toi-même, Drago. Trouver la paix dans ton cœur, avant de l'offrir à quelqu'un d'autre. Ne pas conditionner la valeur de ton existence à l'amour d'un autre.

– Alors je devrais rester tout seul, c'est ça ? Tu vas me laisser tomber, pour que je m'en sorte par moi-même ?

– Bien sûr que non, ce n'est pas du tout ce que j'ai dit... Bien sûr que je serai toujours là pour t'aider et pour te soutenir.

D'un pas, Hermione se recule. Cette distance poignarde Drago en pleine poitrine :

– Mais pas comme ça, regrette-t-elle. Je ne peux pas être cela pour toi, ce serait mal... Je suis désolée, Drago.

Drago recule à son tour. Le rejet est si intense, si instantané et si imprévu, qu'il se cristallise en haine tout au fond de son cœur. Il ne sait pas comment réagir autrement. Il ne l'a jamais su. Il doit sortir d'ici et tout de suite, fuir ce monstre d'horreur qui déjà le rattrape pour lui arracher toute raison.

Drago agrippe à nouveau son manteau. Hermione tente de le retenir mais cette fois, il ne se laisse pas faire. Il transplane sans même prendre la peine de sortir, destination inconnue, tout droit vers la nuit noire.

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