Le Remède

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Drago transplane dans la rue directement en face de sa boutique. A la seconde où la vieille devanture lui apparaît, avec sa calligraphie sobre qui énonce simplement « Artisan Mémoriel » sans même mentionner son nom, il regrette sa décision. Que s'imagine-t-il exactement ? Que Granger ne le suivra pas jusqu'ici ? C'est sans doute le premier endroit au monde où elle songera à le rechercher. Alors, dans l'obscurité et sous la pluie battante, Drago ferme les yeux et transplane à nouveau.

Cette fois, il ne choisit pas vraiment sa destination. C'est son inconscient qui choisit pour lui : toute la souffrance qui hurle en lui, en quête d'un refuge.

Mais il n'a pas de refuge sur cette Terre. Pas même l'appartement de Granger. Et encore moins son étreinte.

Drago rouvre les yeux. Il pleut ici aussi, mais c'est une averse plus douce, très froide, qui tombe comme des larmes sur son visage incapable de pleurer. A mesure qu'elles le recouvrent, le contact de ces milliers de gouttelettes se brouille sur la peau de Drago ; il n'en ressent plus ni la froideur, ni la morsure. Elles disparaissent dans l'immense vide blanc qui ensevelit son esprit. Au loin, dans cette campagne anglaise perdue dans la nuit, une vague lumière transparaît à la fenêtre d'un haut manoir de pierres brutes. Le manoir Malefoy. Une fois encore, il semblerait que tout ramène Drago à ses origines. Face au rejet de Granger, son premier réflexe aura été de revenir à une source plus ancienne de malheur, une douleur plus sombre et plus forte, qui a façonné tout ce qu'il est devenu aujourd'hui.

Perplexe, Drago reste immobile à quelques centaines de mètres de la demeure, indifférent au déluge. Il se sent stupide et seul. Il ignore ce qu'il est venu rechercher ici. Il ne peut rien changer aux événements qui se sont déroulés entre ces murs dix ans plus tôt, pas plus qu'il ne peut confronter l'adolescent qu'il était et le prévenir de tout le mal qu'il était sur le point de s'infliger. A quoi bon se torturer ainsi avec des regrets ?

Depuis l'aggravation de sa maladie, ces questions tournent en boucle dans l'esprit de Drago. Alors que ses sens plongent lentement dans l'oubli, pourquoi son esprit continue-t-il à s'accrocher ? Cela fait dix ans qu'il vivote sans même savoir ce qui le maintient en vie. Dix ans qu'il hait l'existence qui est la sienne. Certes, c'est un châtiment juste, une punition à la mesure des crimes qu'il a commis. Mais à présent que son propre corps le trahit, que le sort semble s'acharner toujours un peu plus contre lui... Peut-être a-t-il suffisamment payé, en fin de compte. Peut-être la tourmente peut-elle enfin arriver à son terme. Il n'avait pas le courage de l'envisager auparavant : une petite part de l'adolescent qui restait en lui espérait peut-être toujours être sauvé. Mais il se rend bien compte aujourd'hui qu'il n'y aura pas de rédemption miracle, et qu'il ne reste plus rien à sauver...

Non, désormais, la seule sentence qu'il lui reste encore à subir repose au bout de cette longue agonie qui souffle ses perceptions une à une comme une bougie, et peut-être est-ce un sort charitable.

Drago relève les yeux sur la demeure en face de lui. La lumière qui danse aux carreaux cassés du deuxième étage lui apprend que Lucius Malefoy s'accroche toujours à la vie lui aussi, quelque part, dans ce navire à la dérive que l'orage aura tôt fait d'engloutir. Est-ce vraiment cela que Drago souhaite devenir ? Un vieillard en haillons, sénile, torturé par ses démons, tellement obsédé par sa propre survie qu'il ne se demande même plus pourquoi il survit ?

Non. Il doit rester un semblant de dignité dans le sang des Malefoy. Si Lucius a tout perdu, Drago, lui, veut conserver au moins cette fierté jusqu'à la fin. Il ne combattra plus sa maladie contre vents et marées, c'est terminé. Il ne luttera plus. Il s'est fait des illusions une dernière fois en embrassant Granger, mais c'était une lubie vouée à l'échec dès le départ. Bon sang, qu'espérait-il exactement ? Son refus était pavé d'avance, aussi limpide que l'amour que Granger éprouve pour Weasley.

Drago soupire. Repérant une borne en pierre le long de la route qui mène au manoir, il s'y assoit lourdement, et laisse ses pensées se dénouer sous le murmure paisible de la pluie.

Son rythme cardiaque s'est apaisé depuis son départ de l'appartement de Granger. Il éprouve encore un vague sentiment de honte à l'idée de la folie qui l'a pris, mais cela appartient au passé, comme tout le reste : il ne peut plus rien y changer. La peine que la jeune femme lui a infligé s'est également adoucie, disparue presque en même temps que ses espoirs fantasmagoriques. Comme si tout en lui avait d'ores et déjà pressenti sa réponse, bien avant qu'il ne se penche pour lui donner ce baiser.

Ce baiser...

Drago voudrait s'interdire d'y repenser, mais il n'y parvient pas. Il le brûle encore de façon bien plus tangible que la pluie glaciale. Le bonheur absolu qu'il a ressenti, suivi du désarroi le plus total...

« Pendant quelques secondes, elle t'a rendu ton baiser », murmure la voix de sa conscience qui ne manque décidément jamais une occasion de le faire souffrir.

Même dans cette situation, seul comme un imbécile devant les ruines de son enfance, il cherche à prolonger son calvaire, à trouver un prétexte auquel se retenir, un faux-espoir de plus pour transpercer son cœur en charpie...

Granger lui a rendu son baiser, oui, mais elle n'était pas elle-même. Elle était complètement perdue, éprouvée par le traitement de sa mère et par le débarquement inopiné de Weasley. Dire que Drago l'a embrassée juste après lui avoir annoncé que Weasley voulait encore d'elle... Peut-on manquer encore davantage de tact ?

Drago secoue la tête, fatigué de se fustiger. Il commence seulement à réaliser, après des années de pratique, à quel point il est épuisant d'être constamment en guerre contre soi-même. Pour une fois, il décide de lâcher prise. Il contemple la silhouette de son père au loin qui se détache dans l'encadrement de la fenêtre. Sans doute s'éclaire-t-il à la lueur d'une bougie, mais Drago n'y distingue que des nuances de gris. Le monde lui apparaît tel une immense aquarelle en noir et blanc, une peinture à l'encre de Chine qui déteindrait lentement sous ses yeux. Bientôt, son dessin lui deviendra totalement impénétrable. Il n'en ressentira plus ni la texture, ni l'odeur, ni les sons. Drago observe ses sens mourir, comme autant de portes qui se referment l'une après l'autre, plongeant son esprit dans l'obscurité.

Il ferme les yeux, même s'il n'en a pas besoin. Le vide grandit autour de lui et l'enveloppe. Déjà, la silhouette de ses vieux démons se profile à l'horizon, sous toutes leurs formes : cadavres vengeurs, hurlements de tous ceux dont il a causé la mort, griffures de leurs ongles dans sa chair, putréfaction omniprésente...

Mais dans le vide, il y a également l'apaisement. Plus rien. Plus d'angoisse, ni d'inquiétude, ni de souffrance, plus de préoccupations pour son existence misérable, ou pour un avenir qui ne veut même pas de lui. Alors que l'horreur des remords qui le hantent se rappelle à lui, les monstres restent malgré tout à l'écart, cette fois-ci. Ils ménagent un cercle autour de lui qui le laisse prendre véritablement conscience de la sérénité qui l'habite. Quand il y réfléchit, la guerre n'a jamais vraiment cessé pour lui. Elle ne s'est pas arrêtée lorsque Lord Voldemort s'est écroulé mort sur le sol de la Grande Salle de Poudlard : elle a simplement pris une forme différente. Drago est entré en guerre contre lui-même, contre tout ce qu'il ne pouvait pas se pardonner, mais à présent, c'est terminé. Il est tellement plus simple d'accepter son sort. Tellement plus simple de renoncer, lorsque tout nous encourage à le faire. Oui, pour la première depuis trop longtemps, Drago se sent à sa place, dans ces ténèbres au fond de lui. Il n'a plus le désir de les repousser : il est légitime qu'elles l'envahissent, qu'elles le fassent disparaître, un jour ou l'autre. C'est tout ce qu'il a toujours mérité, et il l'a toujours su. Il n'a plus peur de s'y soumettre à présent. Il le souhaiterait presque.

Une seule chose le retient, en vérité, et c'est peut-être le seul prétexte valable qui l'ait jamais animé en dix ans. Granger. Pas son amour pour elle, non. Cela, Drago sait bien que c'est vain. Mais l'aide qu'il lui a promise. A cela, Drago ne peut pas se dérober. Comment pourrait-il s'enfoncer dignement dans cette longue nuit, en laissant derrière lui la seule promesse de pénitence qu'il ait jamais conclue sur cette Terre ? Sa seule occasion de laisser un peu de lumière derrière lui, peut-être...

Drago expire longuement, reprenant conscience de son corps, et ouvre les yeux. La souffrance en lui a disparu. Il ne reste plus qu'un indescriptible sentiment de plénitude : la sensation d'avoir passé un pacte avec lui-même, une trêve temporaire, qui le laissera en état de fonctionner jusqu'à ce que sa dernière mission soit accomplie. Le monde prend toujours pour lui des nuances de gris, et le froid n'a pas de prise sur sa peau, mais cela n'a pas d'importance. Il n'en a pas besoin pour aider Granger à récupérer ses parents. Tout ce qu'il lui faut, c'est un esprit en état de marche, et un corps capable de communiquer. Tant qu'on ne lui dérobera pas cela, il pourra se concentrer sur la guérison de Jonathan et Edith Granger...

Drago se relève et, sans un dernier regard pour le manoir Malefoy, il transplane à nouveau jusque chez lui. Il n'a plus peur d'y trouver Granger. Il a l'étrange impression que sa poitrine vient d'être inondée d'un liquide qui le remplit d'assurance, un concentré d'aplomb qui donne force à sa démarche, confiance à ses gestes. Voilà donc ce qu'il lui manquait depuis toutes ces années. Une certitude. Une prise de décision, enfin. Drago a choisi. Il connaît son destin ; il n'a plus à s'en préoccuper. La voie devant lui est toute tracée, sans peine, sans obstacle, sans incertitude, et il l'embrasse avec joie. Ne lui reste plus qu'à accomplir son devoir dans le maigre laps de temps qui lui est imparti.

En pénétrant dans la cave qui lui sert de foyer, Drago sait instantanément que Granger s'y est rendue avant lui : son parfum flotte encore dans l'air. Il se surprend à pouvoir le sentir encore, et une petite pointe de mélancolie lui titille le cœur. Elle disparaît vite. Comme l'odeur de Granger, d'ailleurs. Sans se poser davantage de questions, Drago s'allonge sur son matelas défoncé d'humidité et dit adieu à cette longue et terrible journée, en espérant qu'elle le rapprochera un peu plus de la dernière.

Le lendemain matin à la première heure, comme il s'y attendait, Granger se présente à nouveau chez lui. Elle ne prend même pas la peine de frapper : puisqu'elle est à sa recherche, elle transplane directement dans sa cave obscure, et le trouve occupé à boutonner une chemise propre à la place de ses vêtements trempés de la veille.

Dès qu'elle l'aperçoit, elle se précipite sur lui, incapable d'en croire ses yeux :

- Drago ! s'exclame-t-elle. Je t'ai cherché toute la nuit !

- Je sais, répond-il posément. Je suis désolé. J'avais besoin de réfléchir un peu, c'est tout.

- Ecoute, à propos de ce qu'il s'est passé hier soir, je...

- Je te dois des excuses. C'était stupide et déplacé de ma part. Est-ce qu'on peut tout oublier, s'il-te-plaît ?

Hermione secoue la tête, ses grands yeux larmoyants remplis de sollicitude pour lui :

- Ce n'était pas stupide, et tu n'as pas à te sentir désolé. J'ai conscience du choc que tu as dû ressentir hier soir, et...

- C'est toi qui étais choquée par ce qui est arrivé à ta mère. Moi, je n'ai aucune excuse.

- Je parlais de ma réaction.

Hermione se tait quelques instants, et Drago reste plongé lui aussi dans cette distance qui s'est créée entre eux deux. Il sent la douleur qui le harcèle, qui cherche à se creuser à nouveau une place au fond de son coeur. Il ne la laisse pas faire. Il songe aux résolutions qu'il a prises quelques heures plus tôt, au silence qui l'attend dans l'annihilation de ses sens, et il ne la laisse pas faire.

- J'ai peur de t'avoir donné une mauvaise impression, reprend Hermione, avec toute la douceur dont elle est capable. Je ne veux pas que tu t'imagines que je ne veux d'aucune relation avec toi, que je te considère uniquement comme mon patient, alors que... Tu es mon ami.

- Je sais.

- Et j'aimerais être une amie pour toi aussi.

- Tu l'es déjà. Tu n'as aucune inquiétude à avoir à ce sujet.

- Mais j'ai laissé le lien qui se nouait entre nous entraver ta guérison. Je t'ai laissé me voir comme le remède à ta maladie, alors que je ne suis que la main tendue vers ce remède. Est-ce que tu comprends ce que je veux dire ?

- Oui. Tu l'as dit toi-même hier soir, et tu avais raison. Le remède est au fond de moi...

Hermione sourit :

- Oui. Exactement.

En songeant qu'elle n'a aucune idée de ce à quoi il fait réellement allusion en disant cela, Drago éprouve un soupçon de remords. Mais il ne peut pas le lui avouer. Jamais elle n'accepterait qu'il ait baissé les bras : elle voudrait le pousser à continuer la lutte, encore et toujours, sans comprendre qu'il n'en a plus l'envie. Il ne peut pas lui infliger cela. Elle qui doit déjà vivre en voyant ses parents dépérir, il ne peut pas en plus lui imposer le poids d'un ami qui ne veut plus vivre. Même s'il est convaincu que c'est ce qu'il y a de mieux pour lui.

Aussi se contente-t-il de sourire à son tour, dans un effort pour la rassurer :

- J'avais un peu trop bu, hier soir, déclare-t-il. Je n'avais pas les idées claires après mon face-à-face avec ton petit ami. J'ai eu un accès de désespoir, j'ai voulu... Me reposer sur toi. Je n'aurais pas dû, c'était injuste de ma part. Mais tu n'as rien à te reprocher. D'accord ?

Il écarte les bras pour se présenter sous son meilleur jour : peigné, rasé de près, sa chemise immaculée tendue sur son pantalon de velours noir.

- Je suis en pleine forme. Ce dont nous devons vraiment nous préoccuper à présent, ce sont tes parents. Est-ce que tu as eu des nouvelles de ta mère ?

Hermione le dévisage, indécise. Pour la première fois depuis longtemps, Drago maudit son intelligence : se laissera-t-elle prendre au piège aussi facilement ? Acceptera-t-elle de lâcher l'affaire sans plus discuter ?

Elle doit voir à son regard qu'il ne supportera pas d'en reparler pour l'instant, car elle choisit finalement de le suivre dans cette nouvelle direction :

- Je pensais justement passer à l'hôpital après t'avoir cherché, énonce-t-elle. Tu veux venir avec moi ?

Drago saute sur cette occasion de s'enfuir :

- Allons-y.

Par réflexe, il tend la main à la jeune femme, pour qu'ils transplanent ensemble. Hermione hésite une fraction de seconde avant de la saisir. Rien qu'une fraction de seconde, mais cela suffit à résumer ce qui s'est brisé entre eux la nuit dernière. Pour la énième fois, Drago se traite d'imbécile... Et puis, il se force à ne plus y réfléchir. A présent que sa décision est prise, sa séparation définitive d'avec Granger interviendra très bientôt. Peu importe que ce baiser l'ait rendue méfiante à son égard. Il doit apprendre à lâcher prise, se résoudre à lui dire au revoir, avant qu'il ne soit trop tard.

Les deux jeunes gens transplanent devant l'hôpital, et se rendent immédiatement à l'étage où l'on prend soin de la mère de Granger. Dès leur arrivée, ils sont accueillis par un groupe d'infirmières aussi stupéfaites qu'excitées :

- Mage Granger ! s'exclament-elles. Mage Granger ! On dirait que ça marche !

Hermione s'immobilise aussitôt. Drago voit à sa posture qu'elle redoute une déception identique à la veille. D'un ton calme et mesuré, elle interroge le personnel :

- Expliquez-vous, demande-t-elle.

L'une des infirmières se fait aussitôt la porte-parole du cortège :

- Votre mère a passé une nuit agitée, répond-elle en tâchant de se montrer la plus professionnelle possible. Les souvenirs ont jeté la confusion dans son esprit pendant plusieurs heures. Elle a eu de la fièvre : nous avons dû l'attacher pour éviter qu'elle ne se fasse du mal... Et puis, petit à petit, elle a fini par se tranquilliser. Et ce matin, quand elle s'est réveillée, elle parlait toujours ! Elle restait très confuse bien sûr, mais elle parlait, avec le vocabulaire d'un tout jeune enfant ! Elle nous a demandé où était sa maman, et si elle pouvait avoir son ours en peluche dans son lit...

- Nono ?

- C'est ça, oui. Nono.

- Elle a dit le nom de son doudou ?

- Oui !

L'infirmière ne cache pas sa joie :

- Je crois que les souvenirs ont pris, mage Granger ! Il lui faudra sans doute un certain temps pour les emmagasiner, les trier et les assimiler correctement, mais ils ont pris !

Hermione presse une main contre ses lèvres. A côté d'elle, planté au beau milieu de ce couloir sous des dizaines de paires d'yeux qui les observent, Drago reste attentif à la moindre de ses réactions. Prêt à la soutenir en cas de besoin. Prêt à être pour elle le pilier sur lequel elle pourra toujours compter, en toutes circonstances, à travers les difficiles étapes qui s'annoncent. Il n'a plus d'autre vocation.

Au bout de quelques secondes, Hermione inspire à fond, puis demande à voir sa mère. Drago et elle remontent le couloir jusqu'à la petite chambre de Jonathan et Edith, et, sans entrer, la jeune femme observe sa mère à travers le hublot de la porte. Edith regarde autour d'elle, avec l'air curieux et effrayé d'un enfant seul qui ignore où il se trouve. Elle serre l'un des coins de son drap blanc dans son poing pour s'en faire un doudou, et balance ses jambes dans le vide, assise de travers sur son lit. Visiblement, la présence de Jonathan allongé sur la paillasse d'en face, inerte, la perturbe.

Hermione se détache lentement de cette vision. Passant en revue tous les membres de son service qui attendent sa réaction, elle se met à distribuer des ordres à la volée :

- Il va falloir changer ma mère de chambre, décrète-t-elle. Désormais, Jonathan et Edith ne doivent plus se voir, jusqu'à ce que leurs souvenirs aient rejoint l'instant où ils se sont véritablement rencontrés à l'école de médecine. Ils ne devront plus me voir non plus, au risque de provoquer d'importantes contradictions dans leur mémoire. A mesure que nous les ferons grandir, nous nous montrerons patients, nous leur expliquerons qu'ils ont été victimes d'un accident qui leur a fait perdre la mémoire, mais que nous avons bon espoir de les guérir. Il faudra retirer tous les miroirs, toutes les surfaces réfléchissantes, éviter qu'ils aient un choc en apercevant leurs corps trop vieux pour un esprit trop jeune. Dès aujourd'hui, nous commencerons également le traitement sur mon père.

Hermione s'arrête. Drago peut dire, à sa respiration et à son teint rougi, qu'elle est exaltée. C'est donc cela, l'espoir ? Sur elle, cela semble si joli...

Drago chasse cette pensée de son esprit. Se tournant vers lui, Hermione lui saisit les mains, cette fois-ci sans aucune crainte :

- Tout ça, c'est grâce à toi ! se réjouit-elle sans oser encore y croire.

Drago fait non de la tête :

- Tes parents ont de la chance d'avoir une fille aussi tenace que toi. Personne d'autre n'aurait pu y arriver.

- Ne crions pas victoire trop vite... Il reste encore beaucoup à faire.

- Oui, mais c'est en bonne voie.

Hermione presse ses mains entre les siennes :

- Je te le rendrai, Drago, promet-elle avec une ferveur qu'il ne lui a encore jamais vue. Je te le rendrai, je te le promets.

- Tu ne me dois rien du tout.

- Je te dois mon aide. Nous allons te guérir toi aussi, je te le promets. Nous allons trouver ce remède ensemble au fond de toi.

Drago sourit, mais ne répond rien. Le remède, il l'a déjà trouvé. Il le possède depuis tellement longtemps qu'il lui aura fallu dix ans pour le voir. A présent que Granger est sur le point d'obtenir enfin ce qu'elle désire le plus au monde, il ne lui reste plus qu'à le laisser agir. Le laisser agir, jusqu'à la toute fin.







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