Chapitre 2: Les coéquipiers de Daniel

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Sitôt l’homme parti, l’atmosphère se détendit un peu. Un sifflement retentit et le train roulait maintenant à toute allure vers la mer. Le paysage des landes défilait sous les yeux des voyageurs, morne et monotone. Jacques regardait ces prairies qu’il connaissait par cœur. Parfois les herbes devenaient vertes et hautes, c’était un marais. Parfois la prairie faisait place à de grands espaces couvert de petits arbustes aux aiguilles jaunies. C’était là le Mirgor, une lande déserte.

– Nous en avons pour quinze heure de train pour aller à Pepo, le port où nous embarquerons vers la citadelle du Sud, alors tu sais nous avons le temps de discuter !

Daniel se retourna et vit son voisin souriant lui tendre la main.

– Je m’appelle Adrien et toi ?

– Daniel Ducoin, lui répondit-il machinalement comme il le faisait à tous les adultes auxquels ses parents le présentaient.

Daniel et Adrien restèrent silencieux pendant un long quart d’heure. Dans sa tête, ils cherchaient tout deux le sujet de conversation qui allait rompre la monotonie du voyage. Daniel finalement fini par poser une question qui était par nature actuellement sans réponses :

– Sais-tu ce que l’on va faire à la Citadelle du Sud ?

Adrien réfléchit un instant.

– Non, je n’en ai aucune idée.

La réponse était prévisible mais Daniel ne perdit pas espoir et tenta de nouveau de lancer une conversation :

– Mes parents étaient super contents pour moi quand je leur ai dit que je partirai au jeu.

– Moi pas, dit Adrien. Ils étaient trop surpris pour se réjouir. Mon père a des ennuis à son travail et il dit que cela a un rapport avec…

Et Adrien baissa son regard comme s’il avait commit une faute et se tut. Daniel ne put jamais savoir ce qu’avait fait le père d’Adrien mais le contact entre les deux jeunes gens était créé.

– Coucou.

Adrien leva la tête.

– Ah Christian, tiens voilà Jacques. Jacques, Christian.

On se serra la main et tout de suite Adrien s’enquit :

– Tu vas bien ?

– Bah je me demande ce que je fous là quoi.

Daniel écarquilla les yeux, en voilà un deuxième qui ne semblait pas satisfait d’être invité à un jeu et … à quel jeu ! Au Grand Jeu du Mirgor !

– Euh je voudrais pas être indiscret, mais tu n’as pas l’air d’être très content de…

– Content de quoi ? Quand on a une mère qui a fait de la propagande pour…

– Chut.

Adrien sévère leur montra Henri Service qui remontait l’allée centrale du wagon tout sourire tirant derrière lui un chariot qui dégageait une bonne odeur de pâte.

–Il vient, assied toi sinon, tu vas te faire attraper.

Christian se dépêcha de venir s’assoir sur le siège juste devant Daniel qui était libre.

Henri Service leur donna à tous une boite remplie de pâte et une orange. C’était la nouvelle mode des « emporte-repas » comme on disait dans la région de Step-pé. Quand il arriva à leur niveau, il ne put s’empêcher de dire :

– Ah ces emporte-repas, c’est aussi rangé que bon.

C’était un slogan qui circulait pour vendre ces produits. Daniel le reconnu, il l’avait assez entendu pour cela, son père travaillait pour une agence publicitaire. Daniel se sentit soudain mal à l’aise. Il avait comme l’impression d’être menacé de toute part. Partout l’Etat semblait avoir une emprise sur eux en envoyant ces serviteurs.

– Ils sont chic quand même de nous donner de la bonne bouffe !

C’était Arthur qui parlait. Il était plus à l’aise maintenant qu’il avait le ventre rempli et son langage volontiers fleurie le rattrapait. Il ne se méfait plus. On ne traite pas comme des invités de marque des prisonniers ou des condamnés.

Daniel en avalant ses pâtes constata qu’elles avaient refroidies. Pas de chance ! Mais qu’elles étaient encore excellentes. Tant mieux !

Soudain une autre pensée lui vint à l’esprit. Et lui que faisait-il ici ? Ses parents étaient de bon citoyen et n’avaient jamais eu de problème. Adrien et Christian semblait avoir des parents peu prudent et enclin à braver les lois. Bien sûr il en était pas certain mais si cela s’avérait vrai, ce pourrait -il que ce ne soit qu’un seul hasard? Peu crédible, l’administration se renseigne toujours. Mais il ne voyait pas d’autre réponse.

Ils arrivèrent le soir à la ville de Pepo. M.Service hurla quelques mots à travers la porte du train. Des employés de la gare se dépêchèrent de faire descendre les jeunes garçons et leurs valises ; Ces dernières furent mises sur des chariots. Les enfants sortirent avec M.Service de la gare. Un car les attendait. Ils embarquèrent tous dans le car. Déjà les employés chargeaient les dernières valises. Bientôt le car partit en trombe vers le port de la ville qu’il atteignit en un clin d’œil. Les joueurs passèrent du car à un bateau accosté là.

Embarqués sur un petit bâtiment, ils devaient atteindre, au lueur de l’aurore, les rives de l’île du Nord où était située la Citadelle du Sud. Brusquement Daniel sentit une sorte de boule lui serrer la gorge. L’embarquement avait eu lieu si rapidement qu’il n’avait même pas pensé qu’il quittait pour quelques temps sa terre natale pour une terre nouvelle. Une terre que l’on disait belle et sauvage. Le Mirgor l’avait en partie conquise plusieurs siècle avant et y avait construit la citadelle du Sud, symbole de la puissance du royaume.

Il se demanda soudain s’il allait un jour revoir les côtes qui déjà disparaissaient au loin sur l’horizon.

– Je ferai tout mon possible pour revenir, se dit-il, j’espère que le séjour là-bas sera court.

Il gagna sa cabine qui venait de lui être attribuée. Il avait faim et soif mais il était tellement fatigué qu’il n’alla pas dîner au restaurant du paquebot et s’endormit bien vite laissant son esprit courir de jeu en jeu, d’épreuve en épreuve.

Il se réveilla très tard. Il était allongé dans un petit dortoir où Christian et Adrien dormaient également ; Ce n’était pas une des cabines du navire. C’était une petite chambre proprette d’où l’on pouvait voir par la fenêtre nord plusieurs grandes montagnes derrières lesquelles on distinguait quelques sommets bleutés.

Daniel se leva, s’habilla et réveilla ses amis. Ils s’abîmaient dans la contemplation du paysage quand la porte s’ouvrit. Un homme très maigre, le visage sévère, entra dans la chambre. Il était habillé d’une livrée jaune et noir à la façon des domestiques des vieilles maisons. Avec une voix sèche il lâcha ces quelques mots :

– Ces messieurs ont ils bien dormi ? Le petit déjeuner est servi au rez de chaussé. Si vous voulez bien me suivre.

Ses paroles étaient polies mais le ton que le serviteur prenait les rendaient glaciales et méprisantes. Mais Christian, Adrien et Daniel furent bien obligé de suivre s’ils voulaient avoir quelque chose à manger, celui qu’il nommait déjà avec dégoût le domestique. Ils croisèrent beaucoup de valets semblables mais ils continuèrent pendant la durée de leur séjour à l’appeler ainsi.

Au fur et à mesure de leur marche dans les couloirs sans fin de ce qui ressemblait de plus en plus à une immense bâtisse, Daniel se mit à se poser de nombreuses questions qui s’accumulaient dans sa pauvre tête sans pouvoir les évacuer faute de réponses : Où était-il ? Car il était clair que lui et ses amis n’étaient pas dans le bateau de la veille. Qui était-ce ces serviteurs les accompagnant vers le somptueux repas qui les attendait en bas ? Le Jeu était-il imminent ? En quoi consistera-t-il ?

Il en était là dans ses réflexions quand ils débouchèrent sur une immense salle ornée de splendides tapisseries représentants des héros d’un autre âge. A l’intérieur plusieurs rangées de longues tables en bois avaient été installées pour l’événement. Trois bonnes dizaines d’adolescents qui avaient pris le même navire que Daniel étaient déjà attablés et de leur main droite, frappaient en cadence le manche de leur cuiller sur le bois de la table, en faisant résonner toute la table, pour signifier aux cuisiniers la présence d’eux même et l’absence de tout objet susceptible d’être ensuite assimilé comme nourriture par l’organisme.

Le domestique prit congé des trois jeunes hommes en les invitant à s’asseoir pour prendre part au tumulte ambiant. Daniel s’assit en bout d’une table et fut brusquement attiré par un petit papier jaune coincé juste dans un coin de la table. Sur ce papier, quelques lignes avaient été inscrites à l’encre bleu :

Bonjour à vous candidats au Grand Jeu du Mirgor.

Aujourd’hui le grand jour est arrivé vous allez vivre l’expérience la plus extraordinaire de votre vie. Aussi de brèves instructions vous serons communiqués pendant ce repas.

Mais peut-être vous demandez vous encore : Dans quel endroit suis-je donc ? Vous êtes dans le lieu le plus chargé d’histoire du Mirgor, maints rois ont foulé le sol de la pièce où vous vous tenez. Maints fois nos ancêtres du haut des remparts ont vaillamment résistés aux invasions ennemies du maudit peuple de Proveris, ces barbares du nord sans cultures ni lois.

Je vous souhaite comme vos ancêtre le succès dans votre entreprise, dans ce jeu et un bon et long séjour dans la Citadelle du Sud.

M. Kermann, ministre de l’Intérieur du royaume de Mirgor.

Daniel fit passer le message à toute la table et il vit que sur les autres tables, des garçons avaient trouvé d’autres messages jaunies qui se révélèrent après comparaison être semblable à celui qu’il avait trouvé

Les domestiques (ils avaient l’air de plus en plus d’en être vraiment) apportèrent le lait généralement chaud et chocolaté (ceux qui aime le lait froid sont rare que l’on soit en France ou en Mirgor) et des tartines finement beurrées. Une longue clameur d’approbation et de satisfaction retentit dans la salle.

Sitôt servi, tout le monde se mit à manger, et à parler avec vivacité du jeu imminent. Celui-ci malgré les messages ne semblait pas devoir se produire immédiatement et l’impatience grandissait dans le cœur de ces jeunes garçons.

Tout à coup une porte s’ouvrit et le silence se fit dans la salle. Un homme très grand, habillé en noir entra dans la salle suivit d’Henri Service. Le grand homme s’arrêta devant les nombreux garçons qui l’observaient et ne put s’empêcher d’esquisser un sourire tel qu’il donna des sueurs froides à Daniel, mais il sembla qu’il fut le seul à voir l’expression de l’homme, aucun de ses voisins ne sembla rien remarquer et l’homme prit la parole :

– Bonjour messieurs, heureux candidats à notre jeu, le Grand jeu du Mirgor. Je suis M.Kermann, simple ministre sous les ordres de notre très illustre roi (ici il se signa) , son altesse sérénissime Théodore IV. Pour cette première édition de notre jeu, j’ai tenu à être présent.

Il s’arrêta un instant et aperçu un garçon qui tenait un message jaune dans la main, il poursuivit son discours :

– Je vois que vous avez trouvé et lu nos petits messages. Amusant non ? Mais comme vous attendez impatiemment que je vous dise ce qu’il va se passer, j’abrègerai ce discours qui vous paraîtrait long et ennuyant.

« Vous allez donc participer à notre jeu qui sera une série d’épreuves toutes réunies dans un parcours souterrain. Vous serez répartit en équipe, et je laisse la parole à notre cher Henri Service qui va nous donner les noms et les membres de toutes les équipes de ce jeu. Je vous demanderai ensuite de rester dans cette salle par équipe jusqu’à ce qu’on vienne vous chercher.

Henri Service alors sortit de son veston un longue liste couvert d’écriture et se mit à déclamer la constitution des équipes :

– Mirgor Jaune I : André Papol, Jules Tropal et Jean Tépaboh (…) ; Mirgor Bleu XIII : Daniel Ducoin, Adrien Polisson et Christian de Laville-bleue.

Daniel et ses compagnons se donnèrent des coups de coude, ils étaient dans la même équipe ! S’il n’y avait pas tant de personne ils auraient crié de joie, se seraient roulés par terre, auraient fait mille folies, mais là il fallait conserver un peu de dignité quand même ! Un futur gagnant du grand Jeu du Mirgor ne se roule pas par terre, c’est comme ça ! Henri Service, les yeux plongé dans sa feuille continua à énumérer d’une voix lasse toute les équipes. Au total il y en avait 39 et 117 joueurs !

Pendant ce temps, M. Kermann les regardait tous un par un, un peu comme s’il vérifiait une liste sur un trombinoscope (il est fort probable que c’était ce qu’il faisait). Son regard se posa sur Daniel et y resta longtemps. Il semblait dire : Que fait tu là mon garçon ?

Daniel leva les yeux et vit le ministre qui le regardait et alors une foule d’hypothèse envahit son esprit. Adrien coupa court à ses réflexions en lui soufflant :

– Tu sais, j’aimerais bien gagner la récompense. Comme ça mon père pourrait avoir assez d’argent pour partir et nous emmener en dehors du royaume et nous mettre en sécurité.

Daniel ne répondit pas. Il songeait aux révélations d’Adrien et au fait que beaucoup de personnes présentes dans la salle avaient ce désir dans un coin de leur âme et il se demanda si sa présence avait une autre raison que celle du hasard. Peut-être était-il l’exception parmi tant de personne qui avaient été opprimé par l’Etat.



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