15. Évasion

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Qu’est-ce qu’il fait ? Il reste là les genoux à terre en me fixant comme si j’étais la huitième merveille du monde. Mais je suis loin de l’être, la preuve… En apprenant la nature de James, je n’ai qu’une seule envie, celle de disparaître, de m’enfuir loin de tout ce bazar qui résume ma vie. En attendant, je suis face à un nouveau gardien, un nouveau loup qui semble aimer le sol.

En voyant que je ne réagis pas, Louis sort du véhicule et d’un pas décidé en fait le tour pour se planter devant James. Puis en un regard vers moi, il attrape le chasseur par le col de son t-shirt et il le soulève telle une poupée de chiffon avant de le plaquer contre l’habitacle. Un grognement roque lui sort de la gorge. Les voilà qui recommencent leur duel de mâles enragés.

Bien sûr, ça se termine avec un jeu de main. Mais c’est bien connu, jeu de mains, jeu de vilain ! Enfin… C’est sans compter sur le poing de James qui vient se planter dans la figure de Louis à toute vitesse. Et comme on pourrait s’y attendre, le loup riposte avec le même geste, sauf que cette fois, la carrosserie de la voiture est déformée par le corps du chasseur qui rebondit dessus.

— Vous avez fini ? Tenté-je d’intervenir.

Mais bien entendu, c’est sans succès. Je dirais même que c’est le contraire ! Les deux mâles s’excitent de plus belle. James se redressant avec un sourire furieux sur le visage et s’essuyant le fin filet de sang qui goutte de sa lèvre ouverte. Et Louis se tient le nez, tout en prenant une position offensive dans l’attente du retour de flamme du chasseur. Des grognements gutturaux vibrent et sortent de leurs gorges, ce qui ne me dit rien qui vaille.

Déjà qu’avec un loup, j’étais servie alors avec deux… C’est le pompon ! Surtout s’ils se jettent dans un combat inutile, d’autant plus qu’ils sont alliés. Même si, j’ai cru comprendre qu’ils appartiennent à des familles différentes et donc à des meutes opposées, ce n’est pas une raison. C’est énervant à la fin ! Le pire, c’est qu’il n’y en a pas un pour rattraper l’autre.

Je suis vite ramenée à la réalité, lorsque les grognements se transforment en hurlements bestiaux. Quand je lève les yeux, ceux-ci tombent sur deux énormes masses de poils dont les mâchoires ne cessent de claquer. La transformation de mes protecteurs est passée inaperçue tant je me suis perdue dans mes pensées. Mais à présent, je suis abasourdie par le spectacle qu'ils m'offrent.

J’observe ses deux bêtes, l’une grise et l’autre d’ébène. Elles se sautent au cou chacune leur tour, tentant tant bien que mal de mordre son adversaire. Je suis choquée par la violence de leur affrontement, surtout quand les crocs de Louis se plantent dans le flan de James. Du sang jaillit à travers ses babines, et alors qu’il le lâche, je suis inquiète pour celui que je pense être mon loup.

C’est sans réfléchir aux conséquences que je me jette entre ces deux concurrents. Mon intervention les prend par surprise et James qui s’était lancé dans un saut pour attaquer à son tour, atterrit à seulement quelques millimètres de mon nez. Pendant une minute, je suis envahie par la peur, et cette émotion fait monter en moi une vague d’énergie.

Elle s’échappe de mon corps sans que je puisse la contrôler. Mais je peux l’apercevoir, ce fluide lumineux qui s’enfuit de mon corps pour fouetter la masse poilue de James. A son contact celui-ci pousse un hurlement qui est très vite accompagné par des craquements d’os. La lumière l'entoure et se resserre autour de lui, tel un fourreau. Je suis abasourdie par cette vision, ne sachant pas comment réagir.

Le loup se tord dans tous les sens, il est pris de sursauts. Je grimace en entendant un hurlement de douleur sortir de sa gueule tandis que celle-ci change de forme. Les poils de la bête disparaissent peu à peu pour laisser place à la peau claire du chasseur que je connais. Puis, un énième choc le fait tomber à quatre pattes et achève sa transformation.

Son dos luit sous la transpiration, il lève le regard vers moi, avec une lueur de surprise mélangée à une étincelle de peur dans ses yeux. Je ne sais pas quoi dire, je reste bouche-bée. Mais lorsque je me retourne pour avoir une idée de ce qu’il vient de se passer, je remarque un Louis essoufflé et dans la même position que son adversaire.

La panique me gagne. Je n’arrive pas vraiment à comprendre comment j'ai pu dégager une telle énergie. Et les tremblements, qui ne m’avaient pas manqué, reviennent en force. Ma respiration se saccade, une boule se serre au creux de mon ventre… Mais qu’est-ce qu’il m’arrive ? Surement la fatigue et le manque de nourriture qui parlent.

Sauf si… Oui, qui me dit que c’est juste parce que je n’ai rien mangé ? En plus, qui pourrait accepter toutes ces révélations sans avoir son mot à dire ? Et là, je dois faire la gentille petite princesse sage, qui s’interpose entre ses deux protecteurs qui se font la guerre. Je dis stop ! J’en ai marre !

J’ai besoin de faire une pause, de m’évader, de disparaitre de ce lieu. J’essaie de reprendre ma respiration, inspire, j’expire tout en fermant les yeux. Je sens le contact du regard de Louis qui me scrute, et un flux me traverse, son soutien me rassure et m’apaise. Pourtant, je rêve de m’envoler, de me retrouver dans un endroit calme et paisible pour avoir un instant de repos.

Loin de ces deux mâles qui tentent de se sauter à la gueule à la moindre occasion. Sérieux ! Ils ont que cette idée-là en tête ? S’attaquer l’un à l’autre ? Et pourquoi en plus ? M’impressionner ? Mais ça ne sert à rien ! Je les connais ces loups ! Mais là, c’est pire qu’avant. Tout ça parce que je suis leur princesse…

Un souffle m’échappe, et lorsque je reprends une inspiration, le goût de l’air est plus frais, presque rafraichissant et revigorant. Une nouvelle bouffée qui fait du bien. En revanche, je ne me souviens pas d’avoir senti le vent souffler, ni même entendu les doux mouvements de l’eau qui viennent claquer contre les rives d’un lac.

Un sursaut me prend lorsqu’un frisson s’empare de moi. J’ouvre les yeux en sentant un nouveau courant d’air soulever mes cheveux. J’ai du mal à croire au paysage face à moi… Je cligne plusieurs fois des paupières, me pince le bras et me rends vite compte que je suis bien éveillée. Ma bouche s'ouvre, puis se ferme. Je cherche les mots pour décrire ce que je vois.

Cet espace est immense, une forêt dense et verte borde une petite clairière de fleurs de prairie pour finir par plonger dans un lac. L'eau vient se heurter aux rives, secouée par la chute d'eau qui surplombe le lieu. Ce paradis vert est lumineux, et presque trop parfait, comme une image rêvée, un souvenir d'un lieu magique.

J’inspire, une douce odeur de vanille remplit mes poumons. Je me sens libre, comme à ma place. Ma fatigue me quitte et je ressens l'envie de plonger mes pieds dans l’eau, ce que je ne tarde pas à faire, d'ailleurs. La fraîcheur du liquide remonte lentement sur mes jambes, je sens un fluide d’énergie m’envahir.

— Bonjour, qui es-tu jeune inconnue ? Me surprends une voix masculine.

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