16. Inattendu

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Un sursaut me prend à l’entente de cette voix que je ne connais pas. Me retournant en vitesse, je cherche d’où et surtout de qui, elle provient. Au début, je ne remarque rien, il n’y a personne dans la prairie, personne non plus au bord du lac, ni près de la cascade. Impatiente et curieuse de connaître mon invité inattendu, je souffle en plissant les yeux pour observer le pied des arbres qui composent la petite forêt aux abords de l’eau.

— Tu chauffes, me nargue la voix alors que je m’approche de quelques pas des arbres.

Je m’arrête, soupire une fois de plus tandis que je passe sous les branches du premier arbre que je croise. Des craquements se font entendre juste au-dessus de ma tête. Le tout avec un léger gloussement, ce qui me pousse à dresser la tête vers ces bruits. Et je ne suis pas déçue de ma trouvaille.

Pas de regrets, mais tout de même étonnée, je me pensais seule dans ce lieu féerique et il s’avère qu’un jeune homme m’observe assit de manière nonchalante sur une branche, tel maître corbeau perché sur son arbre à se moquer du renard. Pour le moment, j’ai bien l’impression d’être ce fameux renard. En attendant, je le sais bien, le renard fini par avoir le fromage.

— Trouvé ! Osé-je dire un sourire énorme sur les lèvres alors que je ne sais pas qui il est.

Lui par contre, l’air bien heureux de me rencontrer dans cet espace. Il hoche la tête comme pour dire que le jeu est terminé. Mais la partie de cache-cache a beau être finie, ça ne me dit toujours pas ce qu’il fait accroché à l’arbre. Enfin… Je risque d’avoir la réponse assez vite, puisque celui-ci décide de descendre de son perchoir.

— Pourrais-tu me dire qui tu es ?

— Kiera. Princesse du royaume des monstres, enchantée, dis-je en tentant ma main vers lui. Et toi ?

Il me regarde en biais, m’analyse des pieds à la tête. J’ai bien l’impression d’être observé sous toutes les coutures. Et je ne me prive pas de faire de même. Il est grand, fait une tête de plus que moi, brun avec les cheveux en bataille alors qu’ils sont coupés très court, et surtout ses yeux sont d’un vert impressionnant. Un sourire malicieux est dessiné sur son visage, il ressemble à un enfant qui cherche à faire une bêtise.

— La princesse… Tiens donc. Je suis Killian, ou K. c’est à toi de voir. Mais tu en as mis du temps pour te projeter dans cette dimension et nous n’en avons pas beaucoup. Tes protecteurs sont déjà perturbés par ta disparition, me raconte-t-il d’un ton naturel et calme.

— Ils devraient pourtant en avoir l’habitude. Après tout, ne suis-je pas la princesse disparue, dis-je à travers un rire nerveux. D’ailleurs, pourquoi te cachais-tu dans les branches à mon arrivée ? Comprends-tu le sens de ce lieu ? Et surtout comment sais-tu que mes protecteurs paniquent ?

Killian est submergé par mes questions, mais il reste silencieux, attendant que je finisse de parler. Je pense être en droit d’avoir des réponses à mes interrogations. Mais au lieu de me répondre, il me contourne, tourne autour de moi pour revenir se placer face à moi, et à gorge déployée. OK, ce type se croit malin sous prétexte qu’il connaît la signification de cet espace alors que moi, non.

Le pire dans tout ça, c’est qu’il ne me fait pas peur. Un sentiment de calme et d’apaisement emplit mon cœur et mon corps quand il fait un nouveau pas vers moi. Il semble être familier, tel un souvenir oublié ou effacé, il s’est glissé dans mon subconscient et je ne parviens pas à mettre la main dessus. Le seul élément dont je suis certaine, bien que ça paraisse étrange, est que je peux lui faire confiance.

De plus, lorsque je me concentre sur l’aura qui se dégage de son corps, je suis surprise d’y découvrir une nuance colorée, un nuage de lumière de couleur changeante, passant des camaïeux de rouge à ceux plus froids du bleu. Et la vague d’énergie qui s’évade de son âme a un goût réconfortant, presque comme si ma propre âme reconnaissait une partie de son identité.

J’essaie de poursuivre mon analyse pour comprendre à quelle espèce, il appartient, mais il me ramène à la réalité en prenant la parole. Sa voix est roque et dure. Il est sérieux, sans émotions réelles dans ces paroles. Pourtant, je sens qu’il est proche sans que nous soyons vraiment dans le même espace.

— Tu n’as pas l’air décidé à partir, n’est-ce pas ? Je suppose que tu veux des réponses et je vais t’en donner, à une condition.

— Laquelle ? Demandé-je étonnée que ce soit si simple.

— Je te donne ce que tu souhaites et en contrepartie, tu retournes auprès de tes chers petits loups. Bon, ton hochement de tête signe ton accord. Bienvenue au lac enchanté, petite princesse. Celui-là même qui a autrefois été le refuge de notre Odette, métamorphe du cygne, et populaire pour son histoire avec le prince Siegfried.

— C’est une blague ?

— Non, pourquoi est-ce que j’inventerais une telle ineptie ? Reprenons. Ce lac est devenu un refuge pour les fées aux pouvoirs encore incompris. C’est une échappatoire créée par Odette, il a très longtemps de ça, lors de son règne sur notre royaume. Si tu es là, c’est que tu en es digne. Pour ce qui est de la question des protecteurs, c’est une supposition. Simple mais évidente, conclut-il en croisant les bras sur sa poitrine.

Killian affiche un sourire satisfait, sourire que je commence à bien connaître. Et si lui est heureux de ce qu’il vient de m’apprendre, moi j’en suis quelque peu estomaquée ou retournée. Dans les deux cas, l’histoire qu’il vient de me raconter, m’était inconnue. Killian affiche un sourire satisfait, sourire que je commence à bien connaître.

Mon donneur de leçons me conseille de fermer les yeux et de disparaître pour retrouver mes loups, tout en me disant et je cite, « Il te reste du chemin à faire pour rentrer à la maison. ». La maison. Ce mot sonne faux à mes oreilles, sûrement parce que je viens d’en apprendre sa valeur et mon statut. Mais surtout parce que j’ai toujours considéré le temple du cercle des chasseurs comme ma demeure.

Cependant, je finis par l’écouter. Fermant les yeux, je prends une profonde inspiration avant d’expulser l’air dans un souffle soutenu. Je fais le vide dans mon esprit pour me penser debout à côté de la poubelle de mes monstres. Une seconde inspiration me permet de sentir un flux d’énergie s’emparer de moi. Et dans une dernière expiration, j’entends un murmure doux de Killian.

— On se reverra très vite, crois-moi princesse.

Des picotements s’agitent au bout de mes doigts, je sais que le saut a fonctionné à l’odeur de l’air qui paraît moins frais, moins magique qu’il y a quelques secondes. En ouvrant les yeux, je découvre que je suis plantée à côté de notre voiture. Pile à l’endroit, où je me trouvais avant de souhaiter m’éclipser. En revanche, mes monstres ne sont plus à leur place, et l’écho de leurs appels parvient à mes oreilles, et dans mon crâne. 

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