Chapitre 01 - La fuite [Céani]

18 minutes de lecture

Depuis qu’Omar a été mis sous les barreaux, nous devons veiller aux représailles. J’évite de trop tarder le soir et surveille mes arrières. En menant mon enquête sur les photos déposées par le coursier à mon bureau, j’ai juste réussi à remonter à une jeune femme qui aurait offert 200$ pour qu’il m’apporte l’enveloppe. Rien de bien concluant. Le type a accepté, forcément, ici quand tu transformes le dollar en peso Colombien, tu y gagnes largement. Les messages que je reçois sont toujours menaçants, mais ils se font moindres en ce moment. J’ai appelé mes ex avec qui j’ai régulièrement des plans cul et ils m’ont tous juré de ne pas être derrière tout ça. Ils sont même prêts à me communiquer leurs relevés téléphoniques. Seulement, c’est facile de s’acheter un mobile prépayé pour se fondre dans la masse et dans ce cas, je ne peux rien obtenir, en sommes, je ne sais plus quoi penser. J’enfile ma tenue de sport pour mon jogging habituel. Il est cinq heures du matin. Les rues sont désertes, seuls les vendeurs installent leurs marchandises. J’ai besoin de me vider la tête. A peine un pied dehors, que l’odeur de café m’emplit les narines. J’adore respirer l’air frais au lever du jour. Je marche tranquillement quinze minutes le long de la rue aux façades colorées. Puis je commence à courir à petites foulées, j’augmente la cadence et mon cardio s’emballe, je suis dans ma lancée. Je boucle mon circuit en trente minutes et j’ai toujours cette sensation étrange d’être épiée, mais je ne vois rien de suspect. En arrivant en bas de chez moi, je reprends mon souffle, regarde une nouvelle fois à droite, puis à gauche et derrière moi, rien, personne. Je suis soulagée, cependant cette situation m’affecte. J’ai l’impression de me faire des films et devenir parano. Je monte les étages et quand j’arrive à ma porte une boîte en carton m’attend sur le paillasson. Je trouve ça tellement étrange, c’est bien la première fois que cela se produit. Je la ramasse, insère la clé dans la serrure puis je pénètre dans l’appartement. Je pose la boîte sur mon plan de travail dans la cuisine. Je l’observe à la recherche du moindre indice, mais rien, pas d’expéditeur. Je vais voir aux fenêtres, si j’aperçois quelqu’un qui pourrait scruter mon intérieur, mais là, rien non plus. Je ferme les rideaux et retourne vers ce colis. Je prends mon couteau, retire le Scotch et quand je soulève le couvercle, c’est une odeur nauséabonde qui envahit mon espace, le corps du chat de mes voisins se trouve dedans, décapité. Je cours aux toilettes pour vomir le peu qui se trouve dans mon estomac. Mon Dieu, quelle horreur! Je me regarde dans la glace, la pâleur de mon visage fait peur à voir. Je ne dirai rien à mes voisins. Je ne vais pas les inquiéter. Je vais m’occuper de leur matou en lui offrant un petit enterrement digne de ce nom. Je retourne à la cuisine, saisis la boîte et me dirige dans le petit jardin derrière chez moi. Je creuse un peu, puis dépose le carton et le recouvre de terre. Je récite une bénédiction et je repars chez moi pour prendre une douche. Je vais devoir garantir ma sécurité, c’est un avertissement et pas des moindres. Tout cela m’a retourné la tête, je dois pourtant rester forte et ne rien changer à ma vie. Si la personne qui est derrière tout cela me surveille, c’est qu’elle connaît mon quotidien. Je suis pourtant très attentive, je ne comprends pas où se trouve la faille. C’est donc le cœur lourd que je pars travailler ce matin. La journée se passe plutôt lentement, je n’ai aucune motivation, je suis dépitée, inquiète, mais je garde tout pour moi. Je ne suis pas du genre à exposer ma vie et mes problèmes. Tout est enfoui dans mes pensées, il faut savoir creuser pour que je m’exprime. Je suis une nana discrète, quand on me croise, je parais froide, dure, méfiante, mais la réalité est toute autre. Il suffit juste de savoir tricoter avec moi pour réussir à me cerner. Personne n’a jamais essayé, sauf une fois, mon premier amour, celui qui m’a tout appris, mais qui m’a également tout pris. Il m’a rabaissée avant de me soumettre totalement. Il avait réussi à avoir une emprise psychologique sur moi et me menait par le bout du nez, je ne voyais rien car je l’aimais, qu’elle ironie. C’est comme ça parfois, quand on est jeune et conne, on peut faire de très mauvais choix. J’ai vécu cinq ans avec lui, de dix-huit à vingt-trois ans. Il était plus âgé. Il savait me manipuler, me couper du monde, de ma famille, de mes amies pour mieux m’avoir à sa merci. Avec lui, j’ai vécu des moments de sexe intense, il m’a initié au libertinage, au partage, j’ai tout accepté, tant je l’aimais. Et puis un beau matin il est parti, il a vidé mon compte bancaire puis a quitté le pays. Je ne l’ai plus jamais revu. Il a sûrement trouvé un nouveau jouet, à qui il a fallu tout apprendre. Il s’emmerdait avec moi selon ses dires. Il n’avait plus rien à me dévoiler. J’ai énormément souffert, mais j’ai compris à quel point ma liberté m’était devenue essentielle. J’ai trouvé un second souffle de vie, un nouvel oxygène et pris un nouveau départ. Depuis, je me suis jurée que plus aucun homme n’aurait l’ascendant sur moi. Jusqu’à lui, Matéo. Je sais que si je me laisse aller, il fera de moi sa nouvelle poupée, et ça, je le refuse. Je ne me permettrai jamais un nouvel écart. Je m’interdis de vivre quoi que ce soit avec un mec dans son genre. Je préfère garder mes distances comme le dit le dicton: Loin des yeux, loin du cœur et c’est mieux ainsi. Sur ces pensées négatives, je prends la décision de sortir ce soir pour m’ôter tout ceci de la tête. Après ma journée de boulot, je rentre chez moi, me prépare, enfile une petite robe noire qui épouse parfaitement mes formes. Je me maquille de façon à ce que mon regard bleu océan ressorte parfaitement. Je laisse mes cheveux, blonds ondulés, tomber sur ma poitrine. Quand la nuit tombe, je me rends en boîte de nuit, à l’Elef’ Night Club. Quand j’arrive sur place, je me mets en condition en enchaînant les verres. La musique bat son plein, le Dj passe des sons caliente et je vais me déhancher sur la piste de danse. Un homme se colle dans mon dos et je le laisse me toucher. Je l’allume comme une chaudasse parce que ouais, ce soir, lui et moi, ça va se finir dans les toilettes de cette boîte. J’ai besoin de ma dose d’endorphine et rien de mieux que le sexe pour ça. Tandis qu’il me dévore le cou, je prends une photo que j’envoie à Matéo.

[Moi :
Bonne nuit]

Puis je glisse mon téléphone dans ma pochette, prends la main de mon inconnu et le dirige vers mon objectif. Le beau brun n’a pas le temps de calculer que je le pousse dans une des cabines, ferme la porte derrière moi et me jette sur son cou. Il est plutôt beau gosse, il doit mesurer environ un mètre quatre-vingt, yeux marrons, mal rasé, métisse, il est carré des épaules et ses bras sont musclés comme j’aime. Il va pouvoir me fourrer sans problème. Je lui retire son pantalon et baisse son boxer, lui file un préservatif. Je me retourne, baisse mon string et relève ma robe sur mes hanches, avant de lui ordonner de me baiser sauvagement. Il me pénètre sans attendre, il a tout compris, il me pilonne brutalement et sans relâche, ses coups de rein sont puissants, il me tire les cheveux pour m’obliger à me cambrer encore plus. Il me saute comme un hystérique, un mort de faim et ce mec est un putain de bon coup, j’ai le vagin en feu, mais j’adore ça. Je hurle quand l’orgasme me ravage alors que mon amant d’un soir se déverse dans la capote. On reprend nos esprits, il veut me donner son numéro de téléphone, mais je le stoppe net, lui et moi c’était une fois, comme ça. Je le remercie et je sors de cette pièce qui devrait pourtant m’écœurer. S’envoyer en l’air dans les chiottes, faut vraiment avoir un problème psychologique et moi j’en ai un gros, je me sens vide, j’ai comme un putain de manque dans ma vie. Je quitte la boîte, la fraîcheur des nuits du mois d’Avril me fouette le visage. Je devrais me sentir soulagée, mais je ne ressens rien. J’ai l’impression qu’un gouffre se creuse en moi, que je m’enfonce, de plus en plus, dans l’obscurité. Est-ce que l’on pourra me sauver ? Je ne pense pas. Je suis un cas désespéré. Je regarde mon téléphone pour voir la réponse de Matéo à la photo que je lui ai envoyée.

[Matéo :
Arrête de te donner à n’importe qui !]

[Matéo :
T’es qu’une salope !]

[Matéo :
Décroche ton putain de téléphone !]

[Matéo :
J’en ai ma claque de ce petit jeu de merde !]

[Matéo :
Baise avec qui tu veux, j’en ai rien à foutre !]

Je crois que je l’ai vraiment énervé, mais ce n’est pas grave, il s’en remettra comme à chaque fois qu’il pète un câble. J’arrive dans mon quartier, puis enfin dans mon immeuble. Je monte à mon étage, la porte de mon appartement est grande ouverte. Je tends l’oreille pour voir si j’entends un bruit suspect, mais rien, c’est le calme plat. Pour autant, je ne suis pas rassurée alors j’avance à petit pas. Plus je me rapproche de ma porte et plus je vois celui-ci dévasté. Quand j’entre, j’ai la boule au ventre, tout a été retourné. Je m’empresse d’aller dans ma chambre pour récupérer mon arme de service, mais j’ai à peine franchis le seuil, que quelqu’un m’attrape par derrière et me place un couteau sur la carotide :

— Fais ta prière chérie !

Je sors ma bombe au poivre d’une main, lui place un sacré coup de boule contre son front, l’asperge du gel piquant, et lui donne un coup dans les parties génitales avant de fuir à toute vitesse. Je descends les marches quatre à quatre, cours jusqu’à ma voiture, démarre en trombe et me rends jusqu’au commissariat où je serais en sécurité. En arrivant sur les lieux, je suis d’une humeur massacrante, mes collègues de nuit ne me posent pas de questions. Je vais devoir attendre la relève de jour pour voir mon chef et mon collègue. En attendant, je me mets sur mon pc à la recherche d’indices concernant le tatouage que j’ai aperçu sur la main de mon agresseur. Un serpent portant la mention : S15M.

Il est sept heures quand mon patron me réveille.

— Céani ! C’est quoi cette tenue ? me demande-t-il alors que j’émerge difficilement, la tête posée sur les feuilles étalées sur mon bureau.

— Chef, ce n’est pas ce que vous croyez, réponds-je en essuyant la bave qui coule de mes lèvres.

Ce n’est vraiment pas glamour, mais bon, je n’ai pas vraiment le choix. Il me regarde attendant des explications, quand il comprend que je ne lui en donnerais pas devant tout le monde, il m’ordonne d’entrer dans son bureau. Crâne rasé, le teint pâle, petit avec une moustache, mon patron s’assoit dans son fauteuil et m’invite à faire de même, face à lui. Dans son bureau, sont accrochées toutes ses médailles, des portraits de lui avec son équipe avant mon arrivée, une bibliothèque, et des tonnes de dossiers à trier et ranger qui traînent aux quatre coins de la pièce, sur le sol. L’odeur du bois, mélangée à celle du cuir vient me chatouiller les narines. C’est un homme divorcé, pourtant il garde toujours le portrait de son ex-femme posé devant lui ainsi que la photo de ses deux enfants. Il allume son ordinateur portable, s’allume une cigarette et attend que je prenne la parole. L’odeur du tabac me dérange et me fait tousser. Il se décide alors à ouvrir une des deux fenêtres de la pièce. Une fois prête, je me lance.

— Ça fait des semaines que je reçois des messages de menace. Au début, je pensais que ce n’était pas grand-chose, peut-être un ex petit-ami. J’ai interrogé chacun d’eux, mais ils ont tous des alibis qui tiennent la route. Puis j’ai reçu ici, au bureau, par un coursier, des photos de moi dans ma vie de tous les jours.

— Et tu n’as pas jugé bon de me prévenir ? prononce-t-il de sa voix grave tout en se levant énervé.

— J’ai voulu régler ça par moi-même, mener ma propre enquête, et j’ai pris toutes les précautions. Malgré cela, j’ai reçu un cadavre d’animal mort, hier matin devant ma porte d’entrée. Le chat de ma voisine. Il n’y avait pas d’expéditeur, ni aucun mot. Je n’ai pas pris peur, c’est ce que cherche le harceleur.

— C’est quand même très grave à ce stade, gronde-t-il, nerveux.

— Ce n’est pas fini capitaine, hier soir, alors que je rentrais chez moi après une soirée arrosée, mon appartement a été dévasté. Je suis entrée avec précaution, je voulais récupérer mon arme de service avant de venir ici vous prévenir, mais on m’a attrapé par derrière pour m’égorger, j’ai réussi à frapper mon agresseur et à lui envoyer du gel au poivre dans les yeux. Je suis partie en courant et je me suis réfugiée ici. J’ai passé la nuit à chercher des détails concernant un tatouage “S15M”, mais je n’ai rien trouvé. Maintenant, je suis épuisée, je voudrais retrouver ma famille sur Medellín pour m’éloigner d’ici. Ils me protégeront. Le temps que vous meniez une enquête plus importante.

— Ça me paraît être une bonne idée, je te donne un congé sans solde. Tu partiras après avoir dormi un minimum. Je vais te prêter une voiture banalisée. Tu ne prends pas la tienne, trop risqué et j’envoie une équipe chez toi. Tu as besoin de quelque chose, en particulier ?

— Des vêtements principalement.

— Très bien, va te reposer au dortoir, et quand tu seras prête à partir, viens me voir, maintenant, tu peux sortir.

Je ne le dérange pas plus longtemps. Je sais qu’il fera le maximum pour m’aider. Je vais m’allonger sur un des lits disponibles pour le personnel. Il est dix-sept heures quand je me réveille. Je frappe à la porte de mon chef qui m’autorise à entrer dans son bureau. Il m’attend avec mon collègue, Stefano.

— Bien, assieds-toi! Stefano est allé chez toi et à retrouver plusieurs inscriptions sur les murs, notamment, ce fameux tatouage dont tu m’as parlé.

— Ça sent vraiment pas bon, Céani. Je vais tout mettre en œuvre pour démasquer ces gens, je te le promets, s’engage mon équipier qui embrasse ma main pour me vouer sa fidélité.

— Il t’a préparé tes bagages. Tu as des rechanges et des affaires de toilettes. Officiellement, tu es hospitalisée, officieusement, tu es dans ta famille. Reste discrète, surtout. Je veux être au courant du moindre message que tu recevras, ou de la moindre menace. Est-ce clair ?

— Oui, capitaine.

— Bien, tiens, voilà les clés de la voiture, elle est au sous-sol. Stefano va te suivre jusqu’à la sortie de la ville. On se tient au courant et surtout, ménage-toi. Dès que j’ai du nouveau, je t’appelle.

Je lui sers la main et me dirige vers les vestiaires pour me changer. Je passe un jean slim noir, avec une chemisette blanche. Je me rafraîchis, me brosse les dents et coiffe ma crinière de lionne. La panique se lit facilement sur mon visage, je dois m’éloigner, prendre de la distance et comprendre. Il n’y a qu’une seule famille capable de régler ce problème. J’aurais préféré m’épargner cela, mais je n’ai pas le choix. Je dois demander de l’aide, aux frères Sanchez, pour trouver les connards qui s’en sont pris à moi, surtout si je veux retourner à ma vie, en toute tranquillité. Je ne dois pas craquer et garder toutes ces tensions enfermées au fin fond de mon âme, mais jusqu’à quand ? Est-ce que j’en serai capable ?

Je rejoins le sous-sol avec mon collègue, nous nous disons au revoir. Il pose ses mains de part et d’autre sur mes joues, m’embrasse le front et m’étreint avec gentillesse, en me promettant de retrouver ces enfoirés. Nous montons chacun dans un véhicule. Je passe mon téléphone en mode avion pour être intraçable, je démarre la voiture et sort du parking. Il est dix-huit heures, la route va être longue, mon arrivée est prévue à minuit voir plus selon le trafic. Les Sanchez vont être surpris de me voir débarquer, mais ils le seront encore plus quand je vais devoir leur dévoiler mes problèmes. A ce moment, je me dis que ma vie est vraiment merdique, et y en a un qui va m’en faire baver autant qu’il va se réjouir. Fait chier, mais j’ai vraiment aucune autre solution.

Quand j’arrive devant le portail, il est minuit et demi, les gardes à l’entrée viennent entourer ma voiture, quand j’ouvre la vitre, ils me reconnaissent aussitôt et me sourient, avant de me laisser passer. Je me gare devant les marches de la maison. Je laisse mes sacs à l’intérieur de la berline. Je ne sais pas encore s’ils vont accepter que je leur ramène mon lot de merde. Je descends, pénètre dans la villa, leurs hommes de main me disent un “bonsoir” puis je me rends devant la porte de chambre de Matéo. Je sais d’avance que je ne le dérangerais pas en plein baise comme pourraient l’être Al’ et Em’. Je frappe trois coups bien forts pour qu’il entende. Il ouvre, et putain qu’il est beau, cependant en cet instant je le déteste, il est en sueur, la bite à l’air et au garde à vous.

— Bordel ! Céani, mais qu’est-ce tu fous là ? m’interroge-t-il, décontenancé.

— De toute évidence, je me suis trompée, réponds-je en faisant demi-tour, dégoûtée, surtout quand j’entends la voix de la nana dans son pieu qui lui demande ce qu’il se passe.

Je pars en courant pour sortir au plus vite de cette maison. Ça commence vraiment mal, je l’entends gueuler mon prénom, mais je n’y prête pas attention et continue jusqu’à ma voiture. Il me rattrape sur les marches du perron de la maison et me tire par le poignet pour me retourner, ce qui m’immobilise aussitôt.

— Je t’ai posé une question, qu’est-ce que tu fais là ? demande-t-il en me criant dessus.

Je le pousse de mes deux mains, hors il ne bouge pas d’un centimètre, son torse est en béton armé, j’aurais beau m’acharner sur lui, ça ne lui fera rien.

— Fout-moi la paix, m’énervé-je, les larmes menaçant de quitter mes yeux.

— T’es pas croyable toi, tu débarques en pleine nuit dans ma chambre et tu crois que je vais te laisser repartir, s’indigne le cadet des Sanchez en gueulant plus fort.

— Retournes-y, tu avais l’air bien occupé !

— Céani ? Tu étais dans la chambre de Matt’ ? m’interroge Alana qui est réveillée et qui m’observe avec Emilio perché sur leur balcon.

— Hein ? Jamais de la vie, m’offusqué-je, gênée.

— C’est ce qu’on verra, m’intime le concerné.

— Je viens d’arriver, et je suis tombée sur cet imbécile à poil en train de baiser.

— Elle pourrait prévenir quand même. Elle débarque, là, comme ça, on ne sait même pas pourquoi, et c’est quoi cette voiture banalisée ? se défend Matéo, curieux.

— Je… j’ai des problèmes…répliqué-je en observant ma meilleure amie.

— Céani ? Est-ce qu’il a fini par t’agresser ? demande Alana, inquiète.

— Quoi ? coupe Matéo.

— Qui ? ajoute Emilio.

— De quoi parle-t-elle, Céani ? renchérit Matt’.

— Explique, mi corazon ! poursuit Em’ en fixant Alana.

J’ai le cœur qui se comprime dans ma poitrine, mes jambes s’affaissent, je m’écroule au sol, je lâche les vannes, pleure tout mon désespoir.

— Il… il a…essayer de...m’é...m’égorger, j’arrive enfin par avouer entre deux spasmes.

— Qui ? C’est qui, ce bâtard ? C’est qui ? hurle le cadet qui me relève en me secouant.

Il me fait plus mal qu’autre chose, Alana arrive à ma rescousse suivie d’Emilio.

— Matt’ lâche là, elle ne sait pas qui c’est.

— Tu savais qu’elle était dans la merde ?

— Oui, mais pas à ce point-là.

— Putain de merde ! Et tu ne m’as pas informé ? Espèce de puta ! rugit-il en giflant mon amie.

Alana s’écroule au sol, à son tour, Emilio devient dingue, il attrape son frère, lui envoie son poing droit, puis le gauche que Matéo esquive, en lui en mettant un dans le ventre. Les deux frères ne s’arrêtent pas là, ils continuent de se rendre coups pour coups. L’aîné dénonce qu’il n’aurait jamais dû s’en prendre à sa femme, alors que le cadet hurle de rage toutes sortes d’insultes. Il est temps de mettre un terme à tout ça. Je me relève, me dirige vers eux puis m’interpose. Je me colle contre Matéo et l’encercle, mes bras autour de son cou.

— Arrête, s’il te plaît ! Aide-moi, le supplié-je ancrant mes yeux dans les siens.

— Je te préviens, je veux tout savoir, m’ordonne-t-il à bout de souffle la pommette éclatée et ensanglantée.

— C’est quoi, ce bordel ? balance une voix féminine que je ne connais pas.

Mierda ! laisse-moi cinq minutes, jolie pâquerette.

Il fait appeler un des gardes qui observe la scène depuis le début et demande à ce qu’on ramène sa...sa quoi ? Plan d’un soir ? Sa nana officielle ? Ou je ne sais quoi. Elle boude mais elle obéit. Il s’approche aussitôt d’Alana pour demander pardon, mais elle est rancunière et refuse pour le moment ses excuses. Quant à Emilio, il prend la main que lui serre son frère et ils se font une accolade fraternelle.

— J’espère que ça t’a fait du bien cette petite raclé, rigole l’ainé en se rapprochant de sa femme.

— J’ai gagné, regarde ton visage, répond son frère.

— Ouais... bein, t’as la pommette et l’arcade ouverte alors j’ai remporté le match.

— Je pense qu’on a plus urgent à régler que vos problèmes d’ego de mâle, s’impatiente Alana.

— Toi va te faire mettre ! Occupe-toi déjà de tes problèmes de couple.

— T’es un gros con, doublé d’un enfoiré arrogant.

— Ce n’est pas un scoop, ironise-t-il en souriant.

— T’es qu’un gamin, t’as rien dans la cervelle, tu m’énerves, s’agace Alana.

— Ça me touche vraiment, merci, rétorque le concerné.

Il me tend sa main, que je prends, puis nous rentrons tous les quatre. On se pose dans la cuisine. Je leur explique tout, des premiers messages à la bête morte et à mon agression, hier soir, puis mon exfiltration de la ville, ce soir par mes collègues, jusqu’à mon arrivée ici. Matéo devient fou, il envoie valser les objets qu’il a à sa portée contre les murs. Emilio et Alana le raisonne tant bien que mal.

— Al’, sérieux arrête ! Si tu m’en avais parlé, on en serait pas là, c’est de ta faute tout ça !

— Quoi ! Mais non, Matt’, je lui ai fait promettre de se taire, je pensais pouvoir gérer, calmé-je pour défendre mon amie.

— Bah à deux, je vois que vous n’avez rien gérer du tout ! Mais il vous est passé quoi par la tête, bordel !

— Calme-toi, Hermano ! lui ordonne Emilio.

— Comment veux-tu que je m’apaise, mierda ! Céani aurait pu mourir hier soir ! Il a placé un couteau sous sa gorge, ce bâtard ! Et elle nous a rien dit et laissé empirer les choses.

— Tu n’as pas tort mon frère, querida, tu aurais dû nous en parler.

— Je ne trahirai jamais la parole d’une personne qui qu’elle soit. Céani devait me dire si ça empirait et elle n’en a rien fait.

— C’est vrai, c’est ma faute. Je ne vais pas vous embêter plus longtemps. Je viens, je fous la merde et je vois bien que ça va provoquer des tensions. Je pense qu’il vaut mieux pour tout le monde que je cherche un autre endroit.

— Ah ! Non ! Tu rigoles ou quoi ! Jamais de la vie, je ne te laisse pas partir, tu es là, avec nous et tu vas rester !

— Je suis d’accord, tu fais partie des nôtres, réplique Emilio.

— Notre employé te prépare une chambre, lance Alana en s’adressant à sa domestique.

— J’ai des affaires dans la voiture à récupérer.

— Donne-moi tes clés, je te les ramène, m’informe Matéo.

Alana me prend dans ses bras, alors que les deux garçons partent chercher mes valises. Je suis sereine parce que je suis en sécurité, ici avec ma famille de cœur, et j’ai hâte de voir demain mes petites bouilles d’amour qui, en ces temps difficiles, vont me réchauffer le cœur.

Annotations

Vous aimez lire Jessie Auryann ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0