Episode 8

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Je me remets doucement mais sûrement. Je vais mieux de jour en jour et je n’ai déjà qu’une envie, remonter sur scène.

J’ai voulu récupérer mon téléphone mais on m’a dit non. Interdit dans l’hôpital et de toute façon je dois privilégiez le repos. Mais je m’inquiète pour Mélanie. Je finis par me demander si je n’ai pas rêvé. Mais non. Une part de moi en est persuadé. Un regard pareil, aussi perçant, rempli d’émotions contradictoires ne peut pas être le fruit de mon imagination.

Les médecins veulent me garder en observation pendant quelques jours encore, puis ils m’autoriseront à rentrer. Ils ont été très clair sur ce qu’ils voulaient. Quand je rentre je reprends les activités doucement et j’évite tout activités physiques pendant un moment et au moindre problème je retourne les voir.

Malgré cela je ne pense pas que le manager me laissera me la couler douce durant un mois. Même si je vais y aller doucement au début je ne vais pas rester sans rien faire. En attendant je dois patienter dans ce lit sans rien faire et sans mon téléphone.

J’ai demandé à Hae Kuk d’envoyer un message à Mélanie pour ne pas qu’elle s’inquiète. Lui dire que je vais mieux et que je me repose étant donné qu’il l’a prévenu que j’étais à l’hôpital. Il m’a assuré l’avoir fait mais il ne m’a signalé aucune réponse, ce qui m’inquiète d’autant plus.

M'ignore-elle ? Ne veut-elle plus qu’on discute ?

Non. Si je n’ai pas rêvé, elle a fait le déplacement jusqu’ici pour voir comment j’allais. Elle est peut-être même encore là sans que je ne puisse la voir. Mais si c’était ça elle m’aurait répondu, comme elle le fait d’habitude. Ce doit être chose.

Quelque chose de plus grave.

Mais que peut-il lui arriver en étant déjà un fantôme ? Parce que c’est ça se que nous étions tout les deux quand on s’est vu. Des fantômes. Il faut que j’aille la voir, que je trouve un moyen d’aller en France pour savoir ce qui lui est arrivée.

Dès que je pourrais quitter l’hôpital, évidemment…

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Je reviens à la réalité et retrouve le décor du salon avec ce fameux cadre photo dans les mains. Je ferme les yeux et repense à tout ce que je viens de voir.

C’est ma faute.

C’est la seule chose que je comprends de tout ça. Ce soir-là j’aurais dû conduire et je ne l’ai pas fait. Et ma sœur et morte et moi je ne sais pas ce que je suis devenu.

Tout est de ma faute. La douleur de mes parents, de mes amis, de ceux de ma sœur. C’est cause de moi, tout ça parce que je voulais boire de malheureuses gouttes d’alcool pour « m'amuser ».

À ces pensées une douleur me déchire la poitrine, je me sens suffoquer. Que m’arrive-t-il ? Je ne connais pas cette douleur, pas comme celle qui me vrille le crâne habituellement. Je sens mes forces me quitter et le cadre que je tenais m’échappe et va se briser sur le sol.

Le bruit attire ma mère qui se trouvait visiblement dans la pièce à côté. Mon père la rejoint rapidement quand elle pousse un cri. Un seul cri qui me glace le sang.

- Mélanie !

Je pense l’espace d’une seconde qu’elle me voit. Je n’ose plus bouger. Mais elle interrompt bien vite mes interrogations quand elle se précipite sur le cadre sans même m’accorder un regard. Mais si elle ne me voit pas, pourquoi a-t-elle crié mon nom ?

Elle ne réfléchit pas et fonce prendre sa veste, mon père la suit un peu déboussoler. Une nouvelle vague de douleur me plie en deux. Malgré cela je leur emboite le pas et m’installe dans la voiture, à l’arrière. Je veux savoir pourquoi ma mère a réagi ainsi.

Elle roule vite et nous arrivons à l’hôpital en quelques minutes.

L’hôpital ?

Mais alors… ça voudrait dire que… je ne suis pas morte ?

Je ne les quitte pas et avance tant bien que mal dans les différents couloirs de l’établissement, la main collée au niveau du cœur, la où la douleur et la plus forte.

On arrive à une chambre, ma mère se fige avant de s’écrouler dans les bras de mon père en marmonnant « Je le savais, je le savais… » et elle ajoute « Faites qui ne lui arrive rien ! ».

J’ai de la peine pour ma mère, j’aimerais pouvoir la rassurer. La prendre dans mes bras, lui dire que je suis là. Mais j’aimerais aussi m’excuser. M’excuser pour Anna, m’excuser pour tous les problèmes que je leur cause, j’aimerais prendre toute leur peine et retirer ce poids de leurs épaules. Ils me semblent si fragile et si fort à la fois que je ne peux m’empêcher de les admirer.

Je m’approche davantage de la chambre et j’observe ce qu’il se passe à l’intérieur, tandis qu’une nouvelle vague de douleur me déchire la poitrine. Ce que je vois confirme les soupçons que j’ai depuis que j’ai compris que je n’étais pas morte. Je suis couchée sur le lit, branché à toutes sorte de machine dont une qui produit un bip constant avec un air définitif. Les soignants autour de moi essaye de le ranimer.

Je trouve une certaine similitude entre la scène que j’ai sous les yeux et celle que j’ai vu en Corée du Sud. Je regarde comme une spectatrice sans me sentir vraiment concerné. Même si je sais que c’est de ma vie qu’il s’agit. Je me demande si j’ai envie de revenir. Ma sœur n’est plus là à cause de moi. Pourquoi aurai-je le droit de vivre. Pourquoi moi plus qu’elle ? Non. Il serait plus logique que je meurs moi aussi.

Je pense à Jun. Ou Dong Jun. Comme vous voulez. Il m’est devenu indispensable au cours de ce mois-ci. Mais il a fait de grands progrès en français. Il arrivera à dépasser ça, il trouvera une autre personne pour l’aider en français. Je ferme les yeux et je me laisse allé et à ce moment là j’entends l’un des soignants dire « Elle s’enfonce ! ». Et tout de suite après un cri qui me fait tressaillir.

« Méli ! »

Ce surnom, cette voix. Tout ça ne peut venir que d’une personne.

Anna.

Où est-elle ? J’ouvre les yeux et la cherche en tournant la tête à gauche et à droite. Je la voie venir à ma rencontre dans le couloir de l’hôpital. Elle me regarde avec des yeux pleins de larmes. Je cours la prendre dans mes bras. Mais elle me repousse. Je suis surprise mais je me rappelle bien assez vite que si elle est là c’est à cause de moi. Bien sûr qu’elle m’en veut. C’est évident. Je baisse la tête piteusement et je cherche mes mots pour m’excuser. « Je suis désolée. Je suis vraiment désolée… tout ça… les parents, toi… c’est ma faute… ». Elle me regarde fixement.

- Tu n’as toujours rien compris n’est ce pas.

- Comment ça ?

- Ecoute Méli. Tu n’as pas beaucoup de temps devant toi alors exceptionnellement je vais t’expliquer les choses moi-même. Tu n’es pas morte mais moi oui.

- Oui c’est bien ce que je te dis, c’est de ma faute et je suis vraiment désolée, je ne mérite pas…

- Tu ne mérites pas quoi ? Me coupe-t-elle. De vivre ? C’est bien ça que tu allais dire ? Tu n’as pas encore compris alors. Tu n’es pas morte, alors vie. Ce n’est pas une question de mériter, pas mériter. Faute ou pas faute. Vivre ou mourir ce n’est pas ça. Ce n’est pas plus tard faute que la mienne. Je suis autant responsable que toi de ce qu’il s’est passé. Seulement le hasard a fait que tu as survécu et moi non. Alors profites en ! Une seconde chance t’es offerte, alors fonce et ne la gâche pas. Fait ce que tu veux faire.

Elle se tait quelques instants le temps de regarder derrière mon épaule. Et moi je ne dis rien. Je ne sais pas quoi dire après ça. Que dire ? Que faire ? Je voudrais hurler que c’est injuste. Je voudrais que ma sœur soit en vie à ma place.

Je voudrais tellement de chose que je réalise enfin.

Je veux trop de choses pour une personne prête à mourir. J’ai trop d’envies pour faire ce choix et tout plaquer. Si ma sœur n’a pas eu la chance que j’ai, je ne dois absolument pas la gâcher. Je dois vivre pour nous deux. Ce serait une insulte envers elle si je laissais tomber. Je ne peux pas me le permettre. Je n’en ai pas le droit. Je cligne des yeux plusieurs fois et je relève la tête. J’ouvre la bouche pour dire quelque chose mais Anna me coupe, encore une fois.

- Chute, je sais. On a plus beaucoup de temps. Souviens toi juste d’une chose frangine. Je t’aime et je ne t’en veux pas. Dis-le aux parents quand tu te réveilleras. Une dernière chose… ne foire pas !

Alors qu’elle prononce ces derniers mots une vague de douleur me secoue entièrement et je me sens partir. Mes yeux se ferment. Noir.

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- Non ! On ne peut pas. C’est tout simplement impossible.

- Mais pourquoi ?

- Parce que la sortie de votre prochain album est dans deux mois. Vous ne pouvez pas partir si proche de la date.

- Mais de toute façon pendant un mois je ne suis rien censé faire. Et on est prêt pour l’album. Et je n’ai pas dit qu’on resterait là bas pendant deux mois. Seulement quelques temps pour qu’on puisse prendre des vacances. Surtout en ce moment. On ne s’est pas arrêté depuis combien de temps ? Et puis si vous voulez on en fera une petite émission pour les fans.

Il me regarde fixement sans bouger. Je ne sais pas s’il attend que j’ai fini de parler ou s’il a vraiment écouté ce que je lui ai dit et qu’il est en train d’y réfléchir.

- Et puis c’est la France, Manager… rajoute Hae Kuk.

Le manager ne dit toujours rien.

- Je vais en parler au directeur, ne bougez pas je reviens. Mais je vous préviens que si ça se fait, la sortie de l’album a intérêt à être irréprochable. Vous allez devoir travailler là bas aussi.

- Oui ! Crions-nous à l’unisson. Merci Manager.

- Aaah attendez, le directeur n’a pas encore donné son accord.

Il sort du bureau où nous nous trouvons. Cette histoire de voyage en France pour nous reposer est la seule chose que j’ai trouvé pour qu’on puisse y aller. J’en ai parlé aux autres membres du groupe dès ma sortie de l’hôpital. Ils n’ont pas mis longtemps à comprendre que je voulais surtout en profiter pour rencontrer Mélanie. Au départ ils n’étaient pas trop d’accord, mais quand je leur ai expliqué ce qui se passait, à quel point j’avais peur qui lui soit arriver quelque chose, ils pensèrent davantage à tout ce qu’ils pourraient tirer d’un voyage en France. Et c’est là que l’idée de la série de vidéos nous est venue.

On a amélioré nos arguments et on a demandé au manager.

Et maintenant on attend que le directeur soit sensible à nos arguments. Après ce qui nous semble être une éternité, le manager rentre dans le bureau.

Il a le visage fermé. Mon cœur se serre. C’est sur le directeur a dit non. C’est fichu on ira pas en France. Alors qu’une multitude de mauvaises pensés m’assaillent l’esprit, le manager commence à parler.

- J’ai demandé au directeur pour ce voyage. J’ai bien avancé chacun de vos arguments et j’ai rajouté les miens mais…

Il se tait et nous regarde tous un par un dans les yeux.

- Va falloir faire vite parce que l’avion que nous prendrons part demain matin à la première heure. Ajoute-t-il avec un grand sourire.

On le regarde sans réagir. Il nous faut du temps pour comprendre et assimiler ce qu’il vient de dire. Mais c’est soudain l’explosion de joie. On part en vacances en France !

Mélanie, j’arrive, s’il te plaît patiente encore un peu.

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