Episode 9

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J’ouvre les yeux mais les referme aussitôt. Trop de lumière. Pourtant ce léger mouvement suffit à faire réagir les personnes présentent autour de moi. Je les entends s’agiter. Je sens quelqu’un me prendre la main. Le parfum de ma mère emplit mes narines.

- Chérie, c’est maman. Tout va bien, tu es à l’hôpital. On s’occupe de toi.

Je suis à l’hôpital ? Attendez de quoi parle-t-elle ? Que s’est-il passé ? Je fronce les sourcils. Je me sens toute engourdie comme si je me réveillais d’une très longue nuit… mais que s’est-il passé bon sang !

Je me force à ouvrir les yeux et cligne plusieurs fois pour leur laisser le temps de s’habituer à la luminosité de la pièce. Je découvre d’abord le plafond blanc, puis les murs tout aussi blanc et impersonnel. Le son des machines auxquelles je suis relié me parviennent enfin et m’agacent.

Puis je tourne légèrement le regard et je les voie.

Tous les deux. Papa et Maman.

Il manque quelqu’un.

Il manque Anna. Où est Anna ?

J’ouvre la bouche pour essayer de dire quelque chose. Mais rien ne vient. Juste un souffle. Je voie les yeux de ma mère s’embuer, les larmes lui viennent et elle les essuie sans y faire attention alors qu’un sourire soulagé illumine son visage. Mon père quant à lui, détourne le regard et tente de cacher l’émotion qui inonde son regard en se passant les mains sur le visage.

- Mélanie… Tout va bien, tu es sortie d’affaire, il faut te reposer maintenant. Me dit ma mère en me caressant le visage tout doucement du bout des doigts comme si elle avait peur que je me brise à son contact.

Elle a à peine le temps de finir sa phrase que je sens une chape de plomb s’abattre sur moi, mes yeux se ferment.

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Le manager secoue les autres membres. L’avion va bientôt atterrir. Je suis exténué. Je n’ai pas réussi à fermer l’œil de tout le voyage contrairement à eux. Je n’ai aucune nouvelle de Mélanie et je sais que ce n’est pas normal.

Je ne sais pas exactement ce qu’elle est véritablement et je préfère ne pas y penser au risque de devenir fou. Je parle et j’ai appris le français durant plus d’un mois avec une morte ? Non, je ne peux pas croire que ce soit aussi simple. Si on peut dire ça ainsi.

Je me suis attaché à Mélanie, ce n’est pas simplement une fille avec qui j’ai fait un échange linguistique, c’est une amie. Ignorant qui j’étais, j’ai pu lui parler normalement. Sans tous les artifices que j’utilise habituellement quand je parle en public ou quand la conversation est susceptible d’être rendu public. Avec elle j’étais moi. J’étais Lee Dong Jun, un coréen ordinaire. Je lui parlais de tout ce que je voulais sans avoir peur d’être jugé pour un mot maladroit.

Je pensais que nous discutions tout deux en tant que personne ordinaire. Mais visiblement j’étais loin d’imaginer que nous étions tout sauf ça. Moi, idole coréenne aimé par des millions de fans et elle un fantôme, décédé je ne sais comment, capable d’utiliser un téléphone portable…

J’ai passé le voyage à tourner ça dans ma tête encore et encore. Je ne sais plus où j’en suis. Je n’ai qu’une certitude, je dois découvrir ce qu’il s’est passé…

Les autres membres se réveillent en baillant et en s’étirant. Ils ont encore le regard dans le vague quand ils attachent leurs ceintures. L’avion atterri en douceur. On a l’habitude de se mode de transport, on monte et on descend d’un avion comme d’autres le font d’un train ou d’un bus.

Comme négocié avec le manager, ceci est un voyage que nous allons partager avec les fans en vidéo. Nous avons déjà tourné quelques minutes dans l’avion, nous tournerons également quelques images dans l’aéroport mais le gros des vidéos se fera plus tard.

L’agence nous a trouvé un appartement que nous allons louer pour un mois. C’est un voyage très long, habituellement nous ne restons jamais aussi longtemps au même endroit. Mais je pense que le prétexte de l’émission et le manager ne sont pas étranger à ce délai important. Pas loin de l’appartement se trouve une petite salle d’entraînement pour la danse.

L’émission quant à elle sera composé d’épisodes sur notre quotidien, des sortes de vlogs. Il y en aura deux par semaines, le samedi et le dimanche. Dans l’avion j’ai déjà épluché le guide touristique de Paris à la recherche de choses à voir, à visiter et qui seraient sympa pour nos épisodes. L’agence va sûrement rajouter son grain de sel dans notre programmation avec des missions et autres activités.

Et dans tout ça je vais devoir trouver le temps de chercher et rencontrer Mélanie. Savoir ce qui lui est arrivé. Et je me demande si je dois commencer par les cimetières… comment faire pour la retrouver ?

J’ai relu notre conversation, pour trouver le moindre indice. Je sais qu’elle habite à Paris. Dans la banlieue pour être exact. Mais c’est tellement vaste…

C’est finalement le journal qui me donne la solution que j’espérais. Les faits divers. Je cherche sur internet les faits divers datant d’il y a un peu plus d’un mois et je tombe finalement sur un article qui semble être ce que je cherche. J’en comprends le titre et le contenu dans les grandes lignes grâce à mon français approximatif.

« Terrible accident de voiture cette nuit sur une petite route de la banlieue parisienne ! »

« Deux jeunes filles, des jumelles, rentraient de soirée lorsqu’elles ont perdu le contrôle du véhicule en essayant d’éviter un animal errant. La conductrice est morte sur le coup tandis que la passagère est dans le coma. Elles avaient toutes les deux consommés de l’alcool, mais d’après les prélèvements sanguins effectué, elles n’étaient pas en état d’ébriété au moment des faits. Ce drame nous rappelle donc qu’il est dangereux de rouler sur cette route la nuit car n’étant pas sécurisé il y a régulièrement de nombreux accidents. Les habitants du quartier sont sous le choc et réclament une fois de plus la sécurisation de cette route. […] »

C’est elle. La date correspond, l’histoire correspond. C’est elle c’est sur. Plus loin dans l’article, ils donnent la localisation de cette route et mieux encore ils indiquent que la jeune fille qui a survécu à été amené de toute urgence dans l’hôpital le plus proche. Une rapide recherche sur internet et je sais de quel hôpital ils parlent. Je suis soulagé de l’avoir trouvé. Quand je repense à cette après-midi où elle m’expliquait ce que l’ont pouvait trouver dans les journaux papiers et numérique, je ne pensais pas que cela me serait autant utile.

Lorsqu’on arrive à notre appartement réservé en urgence je pose mes valises sans prendre le temps de les ouvrir. Je dois discuter avec le manager.

- Qu'y a-t-il Dong Jun ?

- Je sais qu’on vient juste d’arriver mais j’aimerais aller voir Mélanie. Comme ça si je la rencontre maintenant après je serais libre pour les activités du groupe…

- Déjà ? Mais tu n’es pas fatigué par le voyage ? En plus tu n’as pas dormi dans l’avion. Va te reposer. Tu auras tout le temps de la voir demain.

- Mais… c’est que...

- C’est que rien du tout. Tu fais ce que je te dis. Demain tu pourras aller faire ce que tu veux, vous aurez quartier libre toute la journée. Pour l’instant prend le temps de t’installer. Elle ne va pas s’envoler ta correspondante hein !

Je pars retrouver les autres qui ont suivi ce qu’il se passait de la pièce à côté.

- T’inquiète pas, je suis sûr qu’elle va bien. Me rassure Jim Do. En attendant contemple notre appartement français ! Il est chouette non ?

C’est vrai que je n’y avais pas prêté attention en arrivant, tellement pressé de repartir. Mais cet appartement m’a l’air très confortable. Trois chambres, deux possédant deux lits simples de chaque côté de la pièce et une troisième légèrement plus grande avec trois lits dont deux superposés. Le manager et la styliste-maquilleuse-coiffeuse prennent l’une des petites tandis qu’avec les gars nous nous partageons les autres.

Il y a une cuisine de taille moyenne plutôt bien agencée et ouverte sur le salon-salle à mangé. Le canapé est confortable mais la cabine de douche n’est pas très grande. Les bonnes douches chaudes après l’entraînement sont très relaxantes donc tant qu’il y a de l’eau chaude on fera avec.

Alors que je m’assoie dans le canapé avec les autres, je commence à ressentir les effets du voyage. Il est environ une heure de l’après-midi ici alors que pour nous, il est huit heures du soir. Le manager qui était parti chercher à manger reviens avec des sacs du fastfood le plus proche. Pas de risque pour ce premier plat, nous avons la même chose en Corée. Nous mangeons puis nous nous installons tranquillement dans l’appartement.

Nous sortons ensuite pour repérer notre quartier et aller chercher nos abonnements aux transports en commun. On aurait pu laisser le manager s’en charger mais on voulait se délier les jambes. Tout le monde se repose sur moi et mon français approximatif pour faire comprendre à la dame derrière son guichet ce que l’on souhaite. Le manager qui nous accompagne participe dès qu’il le peut, fier de pouvoir parler français à une française même s’il ne prononce que deux mots difficilement.

Nos cartes 나비고(*) en poche direction le petit magasin à côté de l’appartement pour pouvoir faire des courses. Le manager prend les choses en main. Il a fait une liste avec l’intention de nous faire des recettes françaises.

Pendant que le manager fait les courses nous nous dirigeons vers la petite salle de danse à quelques rues de l’appartement. On voudrait voir comment elle est organisée pour quand on ira. C’est une petite salle toute simple. Du parquet au sol, on voit qu’il est vieux et qu’il y a eu du passage dessus. J’aime bien ce genre de lieu, on voit qu’ils ont une histoire. Il y a une table dans un coin avec une prise pour une enceinte et l’un des murs est tapissé de miroir. Les autres murs semblent être isolé. Je mets de la musique sur mon téléphone et petit à petit on se retrouve tous à se déhanché sur le rythme du morceau.

Deux bonnes heures plus tard nous rentrons à l’appart et nous trouvons le manager aux fourneaux et notre styliste en train de regarder des magazines de mode français sur le canapé. Lorsque nous passons à table nous découvrons un enchevêtrement de tranches fines de pomme de terre avec du fromage gratiné et de la crème.

- C’est un gratin dauphinois ! Nous dit fièrement le manager. Un plat typiquement français. J’ai trouvé une recette sur internet.

On s’installe tous à table et on commence à manger notre premier repas français.

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Tout est noir. Serait-ce parce que j’ai les yeux fermés ? Ou pour autre chose ? Je ne sais pas. Je me sens perdue. Je commence à paniquer lorsque j’entends les crissements d’une voiture, puis le fracas de la tôle qui se froisse et du verre qui se brise. La peur me paralyse, m’empêche de respirer. Je suis incapable d’émettre le moindre son. Une boule d’angoisse bloque ma gorge.

- Mélanie ?

Cette voix, je la connais. J’en suis sûr. Avec cet accent très prononcé, le propriétaire de cette voix n’est pas français. Pourtant il connaît mon prénom. Comment ça se fait ? Qui est-il ?

Jun.

Ce prénom s’impose à mon esprit comme une évidence.

Dong Jun.

C’est lui. Je le connais. Sa voix est douce quand elle prononce mon prénom. La boule d’angoisse disparaît. Je me calme, je peux respirer normalement. Je suis toujours dans le noir mais c’est plus lumineux qu’avant, moins étouffant.

Je sens une larme rouler sur ma joue.

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(*) "Navigo" (romanisation (나비고): Nabigo)

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