La lecture au vert

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Avec le soutien de  Oïbarès 
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Image de couverture de La lecture au vert

Il s’était enfin décidé à le lire sérieusement, ce sacré roman qu’on lui avait prêté. C’était une aventure épique, avec des pirates ! Des chasses au trésor et des bateaux parcourant les mers. Il avait accepté et entrepris de le lire parce que son amie y tenait et il allait enfin connaître l’origine de son pseudonyme, alors rien que pour cette raison ludique, il s’était juré de plonger dedans tôt ou tard. Ce fût la seconde option hélas. Non pas qu’il était démotivé : le soir arrivait, il y pensait sérieusement, au nom de l’amitié et pour traverser une histoire palpitante selon les dires de sa détentrice. Mais il n’était simplement pas dans une période de lecture et privilégiait de passer ses soirées avec ses amies pour jouer, écouter de la musique, discuter de tout et de rien, comme une bande qui se retrouve après une journée de labeur autour d’un verre et qui partage de bons moments. Même ceux qui n’avaient rien d'extraordinaire, qu’importe, il se sentait vivant et simplement content de les retrouver.

C’était au moment du coucher qu’il tentait de lire, mais en vain : deux pages par-ci, quatre pages par-là, il était souvent tard et le sommeil prenait le dessus immanquablement.
Les jours se répétaient ainsi, jusqu’à ce que les choses changent, évoluent. La vie bouleverse notre chemin et déroule son tapis au fur et à mesure que l’on avance avec son lot de bonheur et de malchance.
Toujours est-il qu’il avait du temps à abattre désormais et qu’il laissait volontier la vie dérouler son fameux tapis en évitant de se prendre les pieds dedans.

Une après-midi que le soleil arrosait fièrement de ses rayons, il lui vint une idée : plutôt que de passer du temps sur son ordinateur entre quatres murs, à ressasser des idées peu dignes d’un si beau ciel, il posa ses yeux sur ce livre qui ne demandait qu’à avoir ses pages tournées. Ni une ni deux, il le saisit et le plaça dans son sac déjà empli d’un tas de choses plus ou moins utiles. Il n’oublia pas d’ajouter une petite bouteille d’eau, accessoire indispensable lorsqu’il mettait les pieds dehors depuis qu’il avait fait une allergie printanière, où il manqua de peu de s’étouffer d’une toux incessante sans pouvoir retrouver son air.

C’est ainsi qu’il prit le chemin pour aller jusqu’au parc à côté de chez lui. C’était un grand espace de verdure avec une allée le traversant de part et d'autre, il y avait de jolis arbres disséminés çà et là et même une aire de jeux où l’on pouvait entendre rire les enfants. Cependant, il préférait le chant des oiseaux, alors il se mit en quête d’un petit coin tranquille, là où il pourrait avoir un tête-à-tête avec son livre et échapper de la sorte à toutes distractions itinérantes.

Il repéra un arbre isolé, frêle, comme perdu au milieu de cet océan d’herbe. Semblable à un coup de cœur lorsque l’on visite un appartement : c’était décidé ! C’est ici qu’il s’établirait.

Il déposa son sac en scrutant les environs et s’assit jambes croisées, le dos contre l’arbre. Il imaginait ça plus confortable mais tans pis, le camp était installé. Il sortit le livre et ôta le marque-page qu’il s’était fabriqué lui-même, à partir d’un tampon qu’il lui avait été offert, estampillé d’une étrange créature entourée de fleurs bleues. Souvenir d’un moment cher à ses yeux.

Le top départ était lancé, la motivation bien présente, les oiseaux dans les gradins; il était satisfait de sa résolution et s’appliquait à lui rendre justice : dix pages, puis vingt, trente, et un chapitre de clos ! Il lisait plus en cet instant que durant tout le mois où il avait eu l’ouvrage. C’était simplement le bon moment.
Il fit une pause et détendit ses jambes. Il observa un peu la nature, jeta un œil sur son téléphone et envoya à son amie une photo pour lui montrer le cadre dans lequel il était plongé, pour faire honneur à son roman et à la quête d’apprentissage de son pseudonyme.
Dans le livre, c’était un personnage admirable, déterminé, têtu et courageux, tout comme son amie l’était et c’était avec un sourire enthousiaste qu’il se nourrissait de cette histoire.

Après s’être détendu la nuque, Il allait reprendre la lecture quand il vit un papillon virevolter devant lui. Il n’en fallait pas moins pour détourner son attention, car il aimait un certain contact avec la nature et puis ce n’était pas n’importe quel papillon. C’était un Vulcain avec ses ailes noires et orangées ornées de touches de blanc. Comme Poppy, nom qu’il avait donné à ce papillon qu’il avait trouvé sur le trottoir en se baladant quelques années auparavant et dont l’une de ses ailes était déchirée. Pauvre petite créature, il peinait à se mouvoir et semblait attendre son funeste destin. Qu’à cela ne tienne ! Il l’avait récupéré délicatement et recueilli chez lui, afin de le remettre d’aplomb. Il avait même fabriqué une maison avec une grande corbeille à papier, grillagée, quelques branches d’arbres et de feuilles, afin qu’il puisse se sentir un peu moins dépaysé de son milieu naturel. Il le nourrissait deux fois par jour avec un mélange d'eau et de miel. Il arrivait même à Poppy de venir vers lui pour se sustenter en allongeant sa trompe sur son doigt mouillé de nectar. Spectacle gratifiant, touchant, entre un homme et un animal. Seulement une aile déchirée va de mal en pis, jusqu’au déclin éternel. Quelques jours s’étaient écoulés, et Poppy refusait de se nourrir. Le garçon avait compris que la fin approchait. Alors, avec le cœur lourd, il le relâcha dans un coin de nature pour qu’il puisse y vivre ses derniers instants.

Depuis ce temps, dès qu’il voyait un papillon, il lui disait cette phrase : “Quand tu croiseras Poppy, tu lui passeras le bonjour”. C’est ce qu’il dit au Vulcain qui venait de se poser sur sa jambe tendue. Le regard attendri, il l’observa jusqu’à ce qu’il s’envole vers d’autres horizons. Il ne lui en fallut pas plus pour être content de son après-midi : quelques brins de soleil, un papillon, et une avancée prodigieuse du livre de son amie.

Adossé à son arbre, il continua de suivre l’épopée des pirates jusqu’à achever un nouveau chapitre. Ravi et rassasié, il se dit qu’il était temps de rentrer après avoir regardé l’heure sur son téléphone. Il glissa son marque-page et rangea le livre bien entamé. Il se laissa quelques minutes à rêvasser un peu en observant autour de lui avant de rentrer à la maison. Soudain, son œil fut attiré par un objet coloré dans l’herbe, presque à portée de main. Il le saisit en allongeant son corps et son bras, c’était un porte-clef cassé représentant une planche de surf avec des couleurs VIVES, on y voyait des dauphins et des palmiers. Il se pencha sur le mot qu’il y avait écrit dessus en frottant du pouce l’objet terreux. C’était le nom d’une île écrite en anglais qui lui évoquait pas mal de choses depuis quelque temps, c’est avec un sourire affectueux que des images lui vinrent en tête, et il se dit que c’était “trop fort” quand même. Il l’essuya entièrement et embarqua avec lui cette trouvaille que les pirates n’auraient de toute façon pas convoitée. Certains y auraient vu un hasard singulier là où d’autres auraient discerné une synchronicité. Deux dans la même journée ! Preuve qu’il avait bien choisi son moment et son endroit, qu’il se sentait bien et connecté à son environnement et au monde, en cette jolie après-midi de mai.

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