Chapitre 18

5 minutes de lecture

Soudain, la porte de la chambre d’hôtel s’ouvrit. Alec sursauta, son premier réflexe fut de raccrocher et de cacher son portable. La lampe de chevet était allumée, c’était trop tard pour faire semblant de dormir. Il garda le regard rivé en direction de la porte de la chambre, assis dans son lit.

Jordan débarqua en grimaçant, les yeux à moitié fermés, la main sur son front. Lui aussi, il avait dû connaître une nuit trop courte.

— Tu fous quoi ? lança-t-il avec un ton désagréable.

— Je viens de me réveiller, mentit Alec.

— Bien dormi ?

— Ouais, et toi ?

— J’ai dû dormir deux heures, je suis complètement crevé.

Jordan n’avait même pas de pantalon, il se baladait tranquillement dans la chambre avec un t-shirt trop long qui retombait sur le haut de ses cuisses et qui recouvrait son boxer.

Il se gratta les fesses.

— Et tu sais pourquoi j’ai pas dormi ?

— Non, vas-y, soupira Alec.

Il s’attendait au pire…

— J’ai niqué de la femelle, mec ! Alice, la p’tite blonde, je l’ai…

Et il bougea ses hanches en avant et en arrière pour mimer la scène, tout en se mordant la lèvre.

— Tu vois c’que j’veux dire ?

— Oui Jordan, je vois…

Alec aurait dû être jaloux. Mais il ne ressentait pratiquement rien, c’était le vide total. Sûrement la fatigue qui le déréglait complètement.

— Bon, j’vais prendre une douche, moi. Je dois encore avoir de la cyprine sur la bite.

Tant mieux s’il dégageait, Alec n’avait pas vraiment envie que Jordan continue à lui parler de ses exploits de la nuit passée. Et puis il avait d’autres choses à faire. Il suivit Jordan du regard, qui n’était pas vraiment pressé de disparaître, et qui allait à son rythme. Il s’étira pendant dix bonnes secondes en baillant bruyamment, puis il partit fouiller tranquillement dans sa valise en bordel, en sortit un boxer propre, un jean troué et un t-shirt Levis.

Puis il entra dans la salle de bains, et dès qu’Alec entendit le petit clic qui signifiait que la porte était verrouillée, il sortit aussitôt son téléphone et rappela Ruben.

— Allô ? Désolé d’avoir raccroché, y a quelqu’un qui était entré…

Là, il était à peu près sûr que Ruben allait mal réagir et qu’il allait lui faire la gueule. Il commençait à bien le connaître.

— Ouais t’inquiète pas, j’avais entendu un bruit.

Alec fronça les sourcils, étonné de cette réaction… normale ?

— C’était qui ? reprit Ruben.

— Le mec avec qui je partage ma chambre.

— Ah ouais…

Alec crut déceler une pointe de déception dans sa voix, mais il n’y fit pas vraiment attention.

— Mais du coup, il nous a entendus parler toute la nuit ?

— Nan, il était parti dormir dans une autre chambre.

— Ah. D’accord, dit-il froidement.

— Il t’arrive quoi ?

— Rien, je pensais juste à un truc, désolé.

— Dis-moi.

Ruben marqua une pause de quelques secondes. Alec s’inquiéta un peu, il crut qu’il avait un problème de réseau, mais il entendait quand même des petits bruits de l’autre côté, et puis ce qui semblait être sa respiration.

— Il doit déjà être le matin en Chine, non ?

— Oui, c’est ça. D’ailleurs, on n’a plus beaucoup de temps, je vais devoir y aller bientôt…

— On aura quand même parlé toute la nuit, fit Ruben avec une pointe de tristesse. Souvent, les gens se cassent au bout de dix minutes, à cause de ma voix ou de mon sale caractère… T’es le premier gars à rester aussi longtemps avec moi…

— Mais… pourquoi t’essayes pas de changer ?

Il venait probablement de dire une connerie. Ce n’était pas si facile de changer. Lui, il y était parvenu, en tout cas en apparence. Ses parents lui avaient demandé de « changer », et il était redevenu hétéro, juste pour eux…

— T’es un rigolo, toi, répliqua Ruben. Si les gens sont pas contents, qu’ils aillent se faire foutre. C’est pas mon problème. Et puis j’ai des vrais amis, moi. Au moins je suis sûr que c’est pas des hypocrites.

Alec se tut. Il n’avait rien à dire, Ruben était totalement opposé à lui. Il insultait sa mère, il avait peu d’amis, mais des vrais, et puis il ne se cachait pas.

Alors que lui, il voulait plaire, il mentait à ses parents, il leur faisait croire que tout ce qui s’était passé avec ce garçon, il y a quelques mois, ce n'était qu'une « crise », un problème d’ados, mais juste de passage. Et il leur avait dit que c’était fini, qu’il aimait la chatte et les seins. Et ça avait fait sourire son père, qui avait de nouveau été fier de lui, mais qui restait méfiant.

Il entendit Ruben bailler, à l’autre bout de la ligne.

— Tu dois être fatigué, souffla Alec. Va te reposer, t’en as besoin. De toute façon, je vais devoir y aller.

— D’accord, passe une bonne journée.

— À ce soir…

Il décolla son téléphone de son oreille, et approcha son doigt du bouton rouge. Mais il s’arrêta, à deux centimètres de l’écran. L’appel était toujours en cours, aucun des deux ne raccrochait. Sur le haut de son écran, un compteur défilait et affichait le temps d’appel : un peu plus de six heures…

Son doigt tremblait légèrement, Alec mit ça sur le coup de la nuit blanche.

Il regarda en direction de la salle de bains, le bruit de la douche s’était arrêté. Jordan allait probablement sortir d’un moment à l’autre.

Et il se résolut enfin à raccrocher, un peu à contre-coeur…

***

Le paysage défilait à toute vitesse, à tel point que les arbres n’étaient plus que des taches vertes, et la route qui se trouvait à une dizaine de mètres du chemin de fer et qui longeait pratiquement les rails n’était qu’une ligne grise infinie.

La prof de chinois était debout, au milieu du couloir étroit du train qui allait en direction de Pékin. Elle vantait le confort et la vitesse de ce « TGV ultra-moderne ». Comme d’habitude, elle en faisait tout un plat et elle abusait. Personne ne faisait attention à son exposé, Alec avait le front collé à la fenêtre, déjà à moitié endormi.

— Tu vas bien ? dit Marion en posant doucement sa main sur son épaule.

— Euh ouais, un peu fatigué mais ça va…

— T’as des cernes énormes… Mal dormi ?

— Sûrement, oui. C’était pas très confortable. Et puis il y a eu la soirée d'hier aussi, je crois.

Marion plissa les yeux et le fixa longuement. Elle semblait être en train de l’analyser, Alec avait horreur de ça.

— Non, je t’ai déjà connu quand t’étais crevé, et t’avais pas une tête pareille. Je sais qu’il y a autre chose.

— C’est rien, t’inquiète…

— Alec.

Elle l'avait lancé de manière froide et autoritaire. Son visage était totalement neutre, son regard était collé au sien et l’intimidait. Il n’avait pas vraiment moyen de s’échapper, et il était beaucoup trop exténué pour inventer un mensonge. De toute façon, il fallait bien cracher le morceau un jour ou l’autre, comme disait Matthieu.

— Bon d’accord, je vais tout t’expliquer… Juste, promets-moi de le dire à personne.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 3 versions.

Vous aimez lire Rowani ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0