Chapitre 4

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Ruben… C’était plutôt joli comme prénom, il aimait bien.

Il lui demanda ses origines, parce qu’il se dit qu’avec un prénom comme ça, il ne devait sûrement pas être 100% français.

Et Ruben répondit presque dans la seconde : « J’suis portugais »

Le Portugal… C’était pas si loin, mais il n’y connaissait pas grand chose. Il arrivait à peine à évoquer 3 villes, puis la morue, le cochon, le pasteis de nata, Cristiano Ronaldo, et ça s’arrêtait à peu près là.

Il y avait aussi deux gros clichés sur les Portugais : ils sont très poilus, et ce sont presque tous des maçons.

« Et toi, t’as des origines ? » lança Ruben.

« Ma mère est française et mon père est birman »

« Hein ? »

Alec leva les yeux au ciel. Il n’était même pas étonné : à force d’entendre des conneries, il avait compris que personne ne connaissait la Birmanie. Certains pensaient que c’était en Afrique, d’autres en Amérique Centrale.. Et après avoir cherché le pays sur Google, ils apprenaient alors l’Asie, ce n’était pas juste la Chine, la Corée et le Japon.

Mais au fond, il s’en foutait un peu, ça ne le dérangeait pas.

Ils continuèrent de faire connaissance, avec des questions un peu basiques, mais essentielles. Alec apprit que Ruben avait 16 ans et qu’il était en Première, comme lui.

Il restait quand même méfiant : sur ce genre d’appli, n’importe quel pédophile ou psychopathe pouvait se faire passer pour quelqu’un de son âge et gagner sa confiance. Alors il faisait gaffe à ne pas donner trop d’infos sur lui.

« T’es gay ? » lança ensuite Ruben.

Un frisson parcourut tout le corps d’Alec.

Ce mot sonnait encore faux pour lui, il ne pouvait pas s’empêcher de grimacer devant son écran. Il n’avait aucun doute concernant sa sexualité, ça avait été une évidence pour lui dès qu’il avait commencé à découvrir ce qui l’attirait. Et pourtant, il avait beaucoup de mal à s’accepter. Presque personne n’était au courant…

« Ouais et toi ? »

« Peut-être »

Le visage d’Alec se renfrogna : ça voulait dire quoi, « peut-être » ? Qu’il n’était pas encore sûr de lui, ou bien qu’il était en train de faire le mec mystérieux ?

Mais il avait la flemme de jouer aux devinettes, donc il laissa tomber le sujet. Il se dit qu’il relancerait la question plus tard.

« Tu fais quoi ? » envoya-t-il, pour changer de sujet.

« Je bouffe et toi ? »

Ruben répondait toujours en quelques secondes, il était incroyablement rapide. Et ça faisait très plaisir à Alec, ça changeait des autres conversations où chacun des messages étaient espacées d’une demie-heure.

« Rien, je te parle

Tu manges quoi ? »

« Mcdo ! C’est toute ma vie, j’peux pas m’en passer ! »

Alec se mit à sourire doucement. Ruben le mettait à l’aise, il avait peut-être l’air un peu perché sur les bords, mais il avait l’air sympa.

Et à ce moment-là, sa mère débarqua dans sa chambre sans prévenir.

— Y a quoi de drôle ?

Alec tourna brusquement la tête et se mit à rougir. Par réflexe, il ferma l’application et éteignit son portable, pour cacher sa conversation avec Ruben.

— Rien, c’est un pote qui a raconté une blague ! fit-il en sortant son meilleur jeu d’acteur. Et puis tu peux frapper avant d’entrer, tu m’as fait peur !

— Et c’est quoi la blague ?

Alec entrouvrit la bouche, mais aucun son ne parvenait à en sortir : il était piégé. Il fallait qu’il invente quelque chose au plus vite…

— Tu peux pas comprendre, il faut être dans le contexte, sinon c’est pas drôle.

Il pria fort pour qu’elle ne soit pas lourde et qu’elle n’en rajoute pas une couche. Elle fronça les sourcils et le regarda de travers.

— D’accord, répondit-elle simplement.

Alec fut soulagé, même s’il ne laissa rien paraître.

Sa mère avait toujours l’air méfiante et continuait de le dévisager, il n’aimait pas sentir son regard sur lui, ça le mettait mal à l’aise.

— Tu nous refais pas de connerie, hein ? reprit-elle. Tu m’as promis que t’allais changer !

— Oui, maman… soupira-t-il.

« Changer. »

Il avait horreur de ce mot. Comment pouvait-il changer ? Il était comme il était, et c’était pas compliqué à accepter. C’était à eux de changer, pas à lui ! Et qui pouvait encore penser ce genre de choses, au XXIème siècle ? Il était vraiment tombé sur les pires parents possible, qui pensaient encore qu’aimer les hommes était une maladie…

Rien que d’y penser, il grimaça. Les marques sur son corps avaient totalement disparu, mais ses souvenirs étaient indélébiles. Mais il gardait tout ça pour lui, il s’était juré qu’il ne dirait rien à personne, même pas à Matthieu.

Sa mère reprit la canette de Coca qu’elle avait oublié sur la chaise, et s’en alla.

Dès qu’elle disparut de son champ de vision, il reprit son portable pour continuer sa discussion avec Ruben.

Il s’allongea sur son lit, se mit sur le ventre, enfouissant sa tête dans un oreiller en fermant les yeux. Il respirait fort, et vite. Il essaya de se calmer, alors il se mit à penser à ce fameux voyage, à ce qui allait se passer…

Durant la réunion sur les modalités du séjour, la prof qui allait accompagner le groupe avait beaucoup parlé de la Chine, des traditions, de la nourriture, des différentes villes qu’ils allaient visiter. Elle avait un don pour vendre les choses, parce qu’elle donnait l’impression qu’il s’agissait d’un véritable paradis sur terre. Et malgré toutes ses peurs, Alec était quand même excité à l’idée de visiter ce pays, de partir aussi loin…

Il se redressa et prit une feuille sur son bureau : c’était le programme du voyage. Trois jours à Shanghai, quatre jours à Pékin, et deux à Wuhan. Ça s’annonçait bien ! Et puis, pourquoi pas se trouver un petit Chinois pour une histoire d’un soir, voire de quelques jours ? Pour une fois que ses parents ne pouvaient pas être sur son dos, il allait bien en profiter !

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