Chapitre 25

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Lorsque Lisa apprit le lundi matin que les témoins amenés à comparaître ce jour-là devant le tribunal de Greentown n’étaient autres que Mme Sullivan, la prof de communication, et M. Carver, le conseiller principal d’éducation, elle comprit aussitôt la raison qui expliquait leur convocation. Grâce aux MP3 d’Ashley – qu’elle avait écoutés en boucle durant le week-end –, elle avait découvert comment la jeune fille avait d’abord fait part de son mal-être par le biais d’une note anonyme, lue pendant le cours de Mme Sullivan, et qui tenait en ces quelques mots : « Et si le seul moyen de ne plus se sentir mal, c’était de ne plus jamais rien sentir du tout ? ». Un cri de détresse que Lisa ne comprenait que trop bien. Combien de fois n’avait-elle pas éprouvé la même chose en se laissant submerger par le désespoir que lui inspirait son amour impossible pour M. Bates ? Cet appel au secours n’avait pourtant trouvé aucun écho dans la classe de Mme Sullivan, pas même auprès de l’enseignante, qui ne chercha nullement à savoir qui parmi ses élèves avait bien pu écrire une pensée aussi sombre.

Quant à M. Carver… Lisa connaissait désormais la raison pour laquelle Ashley était allée le voir l’après-midi du jour de sa mort. En vérité, ce n’était pas lui qui lui avait donné rendez-vous dans son bureau à trois heures, mais elle qui l’avait sollicité. C’était elle qui était venue le voir pour lui demander de l’aide. Une aide qu’il avait été incapable de lui apporter. Car elle avait enregistré à son insu l’entretien qu’elle avait eu avec lui, et ce fut ainsi que Lisa découvrit comment Ashley avait confié à M. Carver avoir été violée, et comment le CPE n’avait rien trouvé de mieux à lui recommander que de « passer à autre chose ». Il devait maintenant s’en mordre les doigts… Lisa comprenait mieux pourquoi M. Carver, lorsqu’il l’avait convoquée dans son bureau quatre jours après la mort d’Ashley, avait cherché à savoir si elle était au courant de l’entrevue qu’il avait eue avec la jeune fille avant son suicide. Elle avait bien fait de ne rien lui révéler. Cela n’aurait fait qu’aggraver les remords de l’enseignant, qui allait aujourd’hui devoir s’expliquer devant le tribunal.

Si Lisa s’estimait heureuse de ne pas avoir été mentionnée dans les MP3 d’Ashley et de ne pas l’avoir entendue prononcer une seule fois le nom de M. Bates, elle ne pouvait toutefois s’empêcher de s’inquiéter au sujet de ce dernier… Deux de ses collègues devaient témoigner ce matin à la barre, et elle redoutait qu’il ne finisse par être convoqué lui aussi… Et si jamais il devait comparaître cet après-midi ? Allait-elle encore une fois être privée de son cours ?

- Je n’arrive pas à croire que Mark Collins ait été renvoyé du lycée ! s’exclama Astrid, que Lisa retrouva en cours d’espagnol. Lui, le président du bureau des élèves… C’est vraiment la honte !

- Je me demande si Harvard voudra encore de lui, après ce qu’il a dit à la cérémonie de vendredi…, ajouta Lisa avec un petit sourire narquois.

- Comme quoi, même le fait d’avoir un père candidat aux élections municipales ne signifie pas forcément qu’on est intouchable.

- J’imagine que les parents de Scott ont eu plus d’influence que ceux de Mark auprès du proviseur…

- En parlant de Scott… Comment tu te sens à l’idée de le voir en cours de maths, cet après-midi ?

- Bah, fit Lisa d’un air faussement indifférent, je ne sais même pas s’il viendra, après tout ce qui s’est passé…

« D’ailleurs, je ne sais même pas si j’aurai cours de maths… » compléta-t-elle dans sa tête avec pessimisme.

Quel ne fut pas son bonheur lorsque, à deux heures de l’après-midi, Lisa vit la porte de la salle de M. Bates grande ouverte ! Elle entra dans sa classe avec le sourire jusqu’aux oreilles, adressa à son prof un bonjour plein d’enthousiasme et de bonne humeur, mais dès qu’elle vit le visage préoccupé de l’enseignant, ses pires inquiétudes refirent surface, et elle s’installa à sa table en se demandant avec angoisse ce qui le taraudait… Se faisait-il du souci depuis que ses collègues avaient témoigné au tribunal ? Les rumeurs disaient déjà que M. Carver s’était mis à pleurer lors de l’audience, tant il s’était senti accablé par les remords… M. Bates craignait-il de se voir confronté lui aussi au jury et aux parents d’Ashley Westbrook ? Se doutant qu’elle ne pourrait trouver de réponse à ses questions sur le visage de son prof, Lisa décida de tenter le tout pour le tout, et profita d’être seule avec lui pour lui dire :

- J’ai appris que Mme Sullivan et M. Carver avaient été appelés à témoigner au procès, aujourd’hui… Vous… Vous aussi, vous avez été convoqué ?

- Non, et je ne vois d’ailleurs pas ce que j’aurais à dire au tribunal, répliqua sèchement M. Bates, avant de lui tourner le dos pour écrire le titre de la leçon du jour au tableau.

Pétrifiée par la dureté avec laquelle son prof venait de lui répondre, Lisa crut qu’elle l’avait offensé, et regretta aussitôt d’avoir osé lui poser une question aussi indiscrète. Elle ne prononça plus un mot et se contenta de déballer ses affaires en silence. Quelle idiote ! Voilà qu’à cause d’elle, M. Bates était encore plus contrarié… Jamais elle ne se le pardonnerait.

La salle de cours ne tarda pas à se remplir, et Lisa vit s’asseoir à côté d’elle son éternel rival, Arthur Macmillan. Il portait ce jour-là le sweat à capuche jaune de l’université de Berkeley où il avait été reçu, ce qui attira sur lui les regards à la fois curieux et admiratifs de ses camarades de classe. Pour autant, l’élève dont l’arrivée se fit le plus remarquer fut sans conteste Scott Davis. Lisa n’en crut pas ses yeux lorsqu’elle vit M. Bates saluer le sportif d’un bref hochement de tête et le laisser entrer comme si de rien n’était. Bien sûr, il ne pouvait pas le mettre à la porte – c’était d’ailleurs totalement contraire à ses principes –, mais Lisa se serait au moins attendue à un froncement de sourcils de sa part. Etait-elle la seule à qui M. Bates avait réservé un accueil aussi froid ?


Si M. Bates faisait semblant d’ignorer les accusations portées contre Scott, il ne put toutefois fermer les yeux sur le nouveau coup dur qui frappa les Lincoln Lions. Le mardi matin, les athlètes du lycée eurent la mauvaise surprise de découvrir leur terrain de baseball vandalisé : des messages de haine avaient été tagués sur les panneaux qui recouvraient les barrières, le symbole anarchiste du A entouré d’un cercle avait été dessiné à la peinture noire sur le monticule de terre qui servait aux lancers, et le mot « VIOLEURS » avait été écrit en lettres de feu dans l’herbe désormais calcinée de la pelouse.

- Avec tout ce scandale autour des Lincoln Lions, je doute que leur saison de baseball soit maintenue, déclara Astrid à l’heure de midi, alors qu’elle et ses amis savouraient leur déjeuner sur leur table de pique-nique habituelle, profitant du soleil de cette première journée de printemps.

- Tant mieux ! lança Joey. Au moins, ça nous fera des vacances !

- Tu crois ça, toi ? s’exclama Kevin d’un air dubitatif. Il paraît que c’est Scott qui ira témoigner à la barre, demain matin… Je parie qu’il va encore faire parler de lui pendant un bon moment…

- Tu penses qu’il va tout avouer ? demanda naïvement Joey.

- Bien sûr que non ! rétorqua Kevin. Avec tout leur pognon, les parents de Scott ont sûrement un avocat capable de sortir leur fils de n’importe quelle situation compromettante… Sans compter qu’ils peuvent aussi soudoyer le jury. Franchement, je ne serais pas surpris si Scott ressortait blanc comme neige de cette affaire.

Hélas, les prédictions de Kevin se révélèrent exactes, ainsi que Lisa put le découvrir le lendemain midi en lisant le blog du comté de Greentown. Le dernier article consacré au procès montrait une photo de Scott Davis en costard-cravate, affublé de lunettes rondes à monture épaisse qui ressemblaient en tout point à celles de M. Bates. Sans doute son avocat lui avait-il conseillé de les porter pour avoir l’air plus sérieux...

« Quel hypocrite ! » songea Lisa. « S’il croit pouvoir s’en tirer en essayant de s’habiller comme M. Bates ! »

Scott semblait pourtant avoir réussi à mettre le jury dans sa poche, expliquant devant la cour comment Ashley et lui avaient eu des relations sexuelles occasionnelles, et comment la jeune fille l’avait faussement accusé de viol dès qu’il avait souhaité y mettre un terme. Non content de salir encore un peu plus la réputation de fille facile qui collait déjà à la peau d’Ashley, il la traitait désormais de menteuse, assurant avec conviction que tout ce qu’elle avait été raconter à M. Carver n’était qu’un tissu de mensonges.

- Honnêtement, je n’arrive même plus à savoir qui dit la vérité, confia Joey pendant le déjeuner, en trempant pensivement une frite dans son bol de ketchup.

- Ne me dis pas que tu t’es laissé embobiner par Scott et ses lunettes ridicules ! s’offusqua Astrid. En plus, elles ne lui allaient pas du tout !

- Quelle idée de porter des lunettes quand on n’a absolument aucun problème de vue ! commenta Kevin.

- Vous pensez vraiment que Scott a fait un faux témoignage ? insista Joey. Il a pourtant juré devant Dieu de dire toute la vérité, rien que la vérité !

- Bah ! fit Astrid avec dédain. Ce type n’a aucune parole. Ce n’est pas le fait de violer un serment qui l’empêchera de bien dormir la nuit. Ni même le fait de violer une de ses camarades de lycée...

- Je n’arrive pas à croire qu’on puisse traiter une fille de cette façon…, s’indigna Joey. Si j’avais une copine, jamais je ne lui ferais le moindre mal.

- Encore faudrait-il que tu aies une copine, lança Astrid d’un air moqueur.

Joey fit semblant de ne pas l’avoir entendue et reprit d’un ton dépité :

- Pourquoi ce sont des gars comme Scott qui se tapent les plus belles filles du lycée ? Je ne comprends vraiment pas ce que Samantha Jenkins peut lui trouver… 

- En parlant de Samantha, il paraît qu’elle a quitté la salle d’audience avant la fin de la séance, s’exclama Astrid. Vous croyez qu’elle a fini par tourner le dos à Scott ?

Mais avant que ses amis ne trouvent quelque chose à lui répondre, Alison Woods débarqua à leur table de pique-nique en s’écriant d’une voix surexcitée :

- Eh, vous quatre, venez vite ! Il y a une baston générale dans le couloir principal du lycée !

- Quoi ? se récria Lisa, qui s’apprêtait à croquer à pleines dents dans son sandwich au fromage.

- M. Carver et le coach Frank sont en train de se taper sur la figure !

- Oh mon Dieu, il faut absolument qu’on aille voir ça ! se récria Astrid en se levant aussitôt de table.

Lisa termina son sandwich en vitesse et se précipita à la suite de ses camarades en courant à travers la cour jusqu’à l’entrée du bâtiment principal. Ils n’étaient pas les seuls à rappliquer en trombe pour voir ce qui se passait. Une masse compacte d’élèves s’agglutinait déjà derrière la porte d’entrée, et Lisa et ses amis durent jouer des coudes pour réussir à se rapprocher du lieu de la bagarre. Sous leurs yeux ébahis, ils virent alors une vingtaine de lycéens en train de se cogner dessus et de se bousculer devant les casiers. Certains profs essayaient de s’interposer, mais M. Carver et M. Kowalski préféraient visiblement profiter de ce tumulte pour régler leurs propres comptes.

- Qu’est-ce que c’est que ce bordel ? lança Astrid en voyant Josh Randall lever sa canne pour taper sur Jordan Buckley.

- Ça va être pratique, pour aller chercher nos affaires dans nos casiers…, commenta Lisa.

Mais ce qui l’inquiétait surtout, c’était l’intervention des profs au milieu de tout ce grabuge. Et si jamais M. Bates se trouvait lui aussi dans la mêlée ? Et si jamais il finissait par se prendre un coup de poing dans le nez ou dans l’estomac ? Non seulement il ne pourrait plus assurer son cours de l’après-midi, mais il risquerait même d’être en arrêt jusqu’à la fin de la semaine… Ce qui signifiait que Lisa ne pourrait pas le revoir avant douze jours, étant donné que les vacances de printemps commençaient dès vendredi soir et que les cours ne reprenaient que le 2 avril…

Désemparée, la jeune fille chercha des yeux son prof de maths au milieu de la cohue, mais le désordre était si grand qu’elle ne parvint à le trouver nulle part. Peut-être avait-il finalement jugé plus raisonnable de rester à l’écart pour ne pas abîmer son costume ? C’était un choix qui pouvait certes paraître un peu lâche de sa part, mais que Lisa approuvait complètement. Elle préférait de loin retrouver M. Bates sain et sauf dans une heure, plutôt que de le voir risquer sa vie dans cette rixe incontrôlable.

Par chance, le combat tourna court au moment où l’alarme incendie retentit. Déclenchée intentionnellement ou par inadvertance, elle eut en tout cas l’effet désiré, puisque tous les élèves bagarreurs se dispersèrent dans les couloirs adjacents pour prendre la fuite.

- Encore un exercice incendie ? s’étonna Joey, qui n’avait manifestement pas fait le lien entre le pugilat qu’il avait eu sous les yeux et le son de la sirène qui lui perçait maintenant les tympans. J’ai l’impression que le dernier remonte à il y a seulement quinze jours...

- Un peu plus, corrigea Lisa, qui se souvenait particulièrement bien de la dernière fois qu’elle avait entendu cette sonnerie, et pour cause : c’étaient elle et Mike qui en avaient été à l’origine.

- Ah oui, c’est vrai, c’était le jour de la Saint Valentin…, se rappela Joey. Pratiquement à la même heure qu’aujourd’hui… Bon sang, pourquoi est-ce qu’ils choisissent toujours la pause déjeuner pour faire ce type d’exercices ?

Ce à quoi Lisa s’efforça de répondre d’un air parfaitement innocent :

- Je n’en ai absolument aucune idée…


Sans surprise, le cours d’anglais que Lisa devait avoir avec M. Carver fut annulé. D’après les rumeurs, l’enseignant avait été bien amoché par le coach Frank, ce qui lui avait valu un aller direct pour l’infirmerie. D’autres élèves affirmaient au contraire qu’il n’avait pas eu la moindre égratignure, mais que lui et M. Kowalski avaient été convoqués dans le bureau du principal pour s’expliquer sur le motif de leur altercation. Dans tous les cas, l’absence de M. Carver offrait à Lisa trois quarts d’heure de libres avant son cours de maths avec M. Bates… Trois quarts d’heure à tuer avant de pouvoir retrouver l’homme qu’elle aimait… Et si elle en profitait pour aller écouter à la porte de sa classe et savoir s’il était présent ou non cet après-midi ?

Le couloir qui menait à la salle de M. Bates était désert. La porte de sa classe était fermée, mais le silence qui régnait dans le corridor permit à Lisa de distinguer des voix provenant de l’intérieur, et elle reconnut bientôt celle de son prof de maths.

- D’où par conséquent, s’exclama celui-ci, la probabilité de l’événement contraire de A n’est autre que un moins la probabilité de A.

Charmée par le son si envoûtant de la voix de l’enseignant, Lisa ne put résister à la tentation de coller son oreille contre la porte de sa salle, et continua de l’écouter avec plaisir donner sa leçon.

- Qui peut me dire maintenant ce que vaut la probabilité de l’événement A ou B, si A et B sont des événements incompatibles ?

« La probabilité de A plus la probabilité de B » répondit intérieurement Lisa, à qui ce cours de première rappelait d’agréables souvenirs.

Le claquement d’une paire de chaussures à talons hauts se fit soudain entendre à l’autre bout du couloir. Affolée, Lisa s’écarta subitement de la porte de M. Bates et se tourna avec effroi vers l’origine de ce bruit. Elle ne tarda pas à voir rappliquer Mme Lee, la secrétaire du lycée, suivie d’un homme en costume gris et aux cheveux blancs. Par miracle, les deux adultes ne firent même pas attention à elle et entrèrent sans frapper dans l’une des salles situées tout au fond du corridor.

Le cœur battant, Lisa s’adossa contre le mur qui la séparait de la classe de M. Bates et tenta de reprendre son calme. Elle l’avait échappé belle... Un peu plus et Mme Lee allait lui demander ce qu’elle faisait là, collée contre la porte de cette salle de cours ! Heureusement pour elle que la secrétaire portait des escarpins et qu’elle avait pu l’entendre arriver de loin... Encore sous le choc, la jeune fille se laissa glisser doucement contre le mur, avant de s’asseoir par terre en repliant ses jambes et en les entourant avec ses bras. Quelques secondes plus tard, la porte par laquelle Mme Lee et son acolyte avaient disparu s’ouvrit à nouveau, et cette fois, Lisa vit les deux adultes sortir en compagnie de Scott Davis. Quelle bêtise celui-ci avait-il encore faite ? Pourquoi la secrétaire venait-elle le chercher en plein cours ? S’agissait-il d’une arrestation ? Non, s’il avait été question de l’appréhender, la police s’en serait chargée elle-même, et Scott aurait quitté la classe avec les menottes aux poignets...

Le garçon fut le seul à remarquer la présence de Lisa à l’autre extrémité du couloir. Surpris de la trouver là, il lui adressa un regard interrogateur, accompagné d’un léger froncement de sourcils. La pommette de sa joue gauche était méchamment éraflée, preuve qu’il avait lui aussi participé à la bagarre de tout à l’heure devant les casiers. Lisa essaya de se faire toute petite. Scott finit par détourner la tête et suivit Mme Lee et l’inconnu en costume, avant de disparaître avec eux à l’angle du corridor. Lisa poussa un profond soupir de soulagement.

Le claquement des talons de Mme Lee s’estompa peu à peu, et Lisa réussit à nouveau à distinguer la voix de M. Bates à travers la porte de sa classe. Que n’aurait-elle pas donné pour pouvoir y entrer et assister à son cours ! Hélas, elle allait devoir faire preuve d’encore un peu de patience pour avoir droit à ce privilège : sa leçon avec lui ne commençait que dans une demi-heure…

Contre toute attente, la porte de la salle dont Scott venait de sortir s’ouvrit pour la troisième fois, et Lisa sursauta violemment sous l’effet de la surprise. Alarmée, elle tourna la tête vers le bout du couloir, et aperçut alors Charlie Henson, Tom Hernandez et Jason Rockwell s’échapper de leur cours. Les trois garçons avaient l’air si pressés qu’ils ne jetèrent même pas un regard vers Lisa, et s’éloignèrent d’un pas rapide dans la même direction que Scott Davis.

« Décidément, moi qui pensais être tranquille… » se dit la jeune fille. « Ils ont tous décidé de faire le mur ou quoi ? »

Et dire que pendant que certains séchaient les cours, Lisa, elle, cherchait au contraire à en suivre encore plus ! Qui d’autre allait encore sortir de cette salle ? Allait-elle finir par se vider entièrement ? Et qui donc était le prof qui permettait à ses élèves de quitter sa classe quand bon leur semblait ?

Lisa ne tarda pas à le découvrir. Au bout d’un quart d’heure, elle vit un cinquième élève s’éclipser de la salle en prenant soin de refermer délicatement la porte derrière lui. Il portait un blouson et un pantalon noirs, une paire de rangers et un t-shirt des Dead Kennedys.

- Mike ? s’exclama-t-elle à mi-voix sous le coup de l’étonnement.

Le garçon sursauta à l’appel de son nom et se retourna aussitôt pour voir qui d’autre que lui se trouvait dans le couloir.

- Lisa ? s’exclama-t-il à son tour. Mais qu’est-ce que tu fais là ?

- Et toi, alors ? répliqua la jeune fille. Tu n’es pas censé être en cours ?

Mike esquissa un sourire amusé.

- Justement, répondit-il en rejoignant tranquillement son amie qui venait de se remettre debout. Je ne sors pas d’un cours, mais d’une heure de retenue avec M. Lockett. Tous ceux qui ont participé à la baston de tout à l’heure se sont fait coller par le proviseur. Heureusement que M. Lockett est plutôt du genre somnolent… J’ai profité du moment où il s’est mis à ronfler pour m’échapper. 

- Ça explique pourquoi j’ai vu Charlie, Tom et Jason s’éclipser de la salle, eux aussi…

- Non, Charlie et ses potes sont sortis quand le prof était encore éveillé, précisa Mike. Ils ont juste réussi à le persuader de les laisser partir pour qu’ils puissent se rendre de toute urgence au tribunal : apparemment, Samantha Jenkins va témoigner dans une demi-heure en faveur des Westbrook.

- Tu veux dire contre Scott ? s’étonna Lisa. Pourquoi est-ce qu’elle ferait une chose pareille ?

- Aucune idée, avoua Mike en haussant les épaules. Peut-être qu’elle a fini par réaliser que son copain était vraiment un violeur ?

- Je comprends mieux pourquoi la secrétaire du lycée est venue le chercher tout à l’heure… Son avocat a certainement tenu à ce qu’il vienne entendre le témoignage de sa petite amie… Tu vas aller l’écouter, toi aussi ?

- Non, j’ai autre chose à faire que de passer mon après-midi au tribunal, lança Mike d’un air désinvolte. Je vais certainement traîner en ville et aller faire un tour au magasin de surplus militaire. Tu veux venir ?

- Je ne peux pas, j’ai cours de maths à deux heures, dit Lisa en montrant du pouce la porte à côté de laquelle elle se tenait.

- Je vois, fit Mike avec un sourire entendu. Et tu viens attendre à côté de la salle de M. Bates avec une heure d’avance pour être sûre d’avoir le premier rang ? Tu es une vraie groupie, ma parole !

- Disons que ça me permet d’avoir un petit avant-goût de son cours, commenta Lisa en souriant elle aussi.

- Ça n’explique pas pourquoi tu n’es pas en classe à cette heure…

- M. Carver est absent, cet après-midi. Je pense que c’est à cause de la bagarre de tout à l’heure.

- C’est vrai, je l’ai vu se battre au milieu de la mêlée... Il paraît que le coach Frank l’a envoyé au tapis !

- Je crois plutôt qu’ils sont tous les deux en train de se faire passer un savon par le principal…

- Je me demande si M. Carver ne va pas finir par être viré… Après son témoignage au tribunal contre le lycée et son altercation avec le prof de sport…

- Bah, tant que M. Bates garde son poste, c’est tout ce qui compte pour moi !

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