Fin d'un enfer, début d'une fin.

2 minutes de lecture

Vous voyez, ce vieux monsieur, là-bas, qui pleure toutes les larmes de son corps ? C’est Albert Denoubay, dit « le vieil Al », soixante-cinq ans. Al est un homme nourrissant une haine envers les étrangers, comme il en existe tant d’autres, depuis qu’il a perdu son père durant la Seconde Guerre mondiale. Al vient d’assister à un évènement poignant, qui prend ses origines quelques heures auparavant.

Comme chaque matin, il était sorti acheter une baguette de pain, avant de se promener dans le parc Marineau. Un parc vert, interdit à toute personne ne pouvant prouver son origine française sur un minimum de trois générations. Al aimait cet endroit, il s’y sentait à l’aise, jeune, vigoureux, mais aussi nostalgique, ce qui, dans sa plus grande mélancolie, le forçait à admettre son vieil âge. Il observait, assis sur un banc, des gosses, qui jouaient à se courir après. Que de purs enfants ! Il en serait presque revenu en arrière… À l'abri de ces foutus bougnouls comme il disait, ou encore de ces putains de boches. Le monde n’était-il pas entravé par ces parasites ? Servaient-ils même à quoi que ce soit ? Un bon chien ferait l’affaire, pensait-t-il. Achevant sa promenade, il s’assit sur un banc, poursuivant sa réflexion. Il était tout de même vrai, se fit-il remarquer, que si l’un ne peut trouver d’emploi, l’autre n’est résolu qu'à faire la guerre, en tout et pour tout.

Cette petite fille métisse courant là-bas, qui avait probablement échappé à la vigilance des gardes, avait-elle ne serait-ce que conscience du poison qu’elle représentait pour la société ?

Appartiennent-ils seulement au genre humain ?

Une forte agitation se fit ressentir, tout à coup. Albert se précipita, le plus rapidement qu’il put, en direction de cette dernière. À l'entrée du parc, un noir se faisait empoigner par les forces de police.

Pff, se dit Al, retourne donc chez toi. Cependant, il s'estomaqua quand il vit celui-ci s’échapper et courir en sa direction.

- Ma fille ! hurlait-t-il, d’une voix emplie de désespoir. Ma fille est dans ce parc ! Monsieur, je vous en supplie, ils vont la tuer, aidez-la !

- Ferme-la ! cria en retour le policier, tout en maîtrisant l’intrus. Ne soyez pas inquiet, mon bon monsieur, tout est sous contrôle, énonça-t-il, le plus tranquillement du monde.

Puis il dégaina, sans la moindre hésitation.

Un coup de feu, un mort, une orpheline. Le corps de l'homme au pied d'Albert.

Transcendé, tel fut le mot pour décrire le « vieil Al » à ce moment. Le changement, le retournement de toute une vie, des larmes qui coulaient. Il en fut changé. Un mort, une vie gâchée par la perte d’un parent. Ces faits entrèrent en résonance avec lui, comme s’il se regardait dans le miroir pour la première fois depuis de longues années, et qu’il y découvrait sa propre laideur. Un homme qui hait les hommes. Un homme qui tue les hommes.

En une fraction de seconde, le « vieil Al » s’apaisa. Son visage se détendit, son horrible sentiment avait disparu. Envolée fut sa laideur. Inexistante était sa peur.

La mort, il était devenu.


Une échappatoire sombre qui avait tiré Albert de sa honte, de sa philosophie.

Nous en faudrait-il autant, à nous, pour le comprendre ?

Ne devions-nous pas savoir pourtant, qu’aucun de nous n’était à l’abri

D’un perpétuel recommencement d’une haine partie en cendres,

Qui reviendraient nous hanter, nous contraindre à, encore et toujours, prendre des vies ?

Cette phobie, terreur métamorphosée en aversion, était-elle donc définitive ? Immuable ? Irrévocable ?

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 11 versions.

Vous aimez lire TimeWasted Writer ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0