Chapitre 5: Une échappatoire

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Je suis actuellement sur la banquette arrière de la voiture à Mathys, je ne sais pas quelle heure il est et je lutte pour garder les yeux ouverts. Je perçois les rires et les voix des amis de Mathys qui sont de vrais piles électriques ! Au moins ils m'empêchent de tomber dans le sommeil et de baver la bouche grande ouverte parce que les filles ultra mignonnes quand elles dorment ça n'existe que dans les films. Notre conducteur prend une route que je ne connais pas et dépose les trois inséparables devant ce qui semble être une résidence et après des adieux déchirants, il redémarre. Je devine qu'on se dirige chez moi ou du moins je l'espère car je suis épuisée et mon lit aussi inconfortable soit-il me manque ! Je sens son regard se poser sur moi de temps en temps. Mais quel curieux ! Il veut me voir dormir et me taper la honte mais non je ne lui ferai pas cette joie !

Tu commences à délirer là ! T'es vraiment fatiguée, dors tu me gonfle.

Je ne dors pas alors ma conscience non plus, malheureusement ! Alors qu'on s'approche de mon immeuble en banlieue du centre ville, une soudaine pression vient me réveiller et le voile sur la disparition de ma fratrie se lève comme pour me signaler que la fête est terminée et que la vérité est là, face à moi, qui s'abat sur mes frêles épaules. Je sors mon portable de ma poche et déplore l'absence de nouvelles de mes frères. Que font-ils ces deux idiots, seuls dans la rue ? Ont-ils froid ? Ou faim ? J'espère qu'ils vont bien sinon je les saigne à blanc ! Et oui je suis violente et si ça pose problème bah ne parle pas, cela ne m'intéresse absolument pas ! Soudain la portière sur laquelle ma tête s'appuyait, fut ouverte et à présent je rencontre la gravité. Des bras viennent me stopper dans ma chute. Je remarque alors que cet idiot met du parfum, il sent bon.

" T'as bu sans que je m'en aperçoive ou quoi ? me demande Mathys.

-Dis pas n'importe quoi."

Je le repousse légèrement et sors de la voiture. Je me dirige alors vers l'entrée de mon immeuble avec toujours l'autre pot de colle à mes côtés. Bref on passe le trajet jusqu'au seuil de ma porte. Alors que je cherche mes clefs dans mes poches de jean, elles apparaissent miraculeusement au-dessus de ma tête.

"C'est ça que tu cherches ?

- Oui, donne.

- Nan ! s'exclame-t-il en tendant le bras vers le haut pour pas que je l'atteigne. T'as oublié le mot magique.

- Se sont mes clefs, j'ai pas à demander.

- Comme tu veux gamine, passe une bonne nuit dans le couloir froid et obscure, me dit-il avec un grand sourire avant de me tourner le dos.

- Rhaaa c'est bon t'as gagné ! Ouvre cette porte s'il te plaît !"

Mathys fait volte-face et affiche un sourire plein de fierté. Pfff quel crétin. Il sait qu'il a l'air d'un crétin ou faut que je lui dise ? Mais pas ce soir.

Tu as donc l'intention de le revoir, intéressant.

C'est plus lui qui me poursuit mais bon. Il obtempère et enfin je peux pénétrer chez moi ! Mais très vite ma joie laisse place à l'incompréhension... Que fait Mathys sur mon canapé ? C'est pas un refuge d'animal non identifié ici ! Aller dehors ! Je me place juste devant lui et lui tends la main afin de récupérer mes clefs. Il hausse les sourcils quand finalement il réagit et pose sa main dans la mienne.

"Je t'ai pas demandé la patte idiot ! Je veux mes clefs.

- Tu me prends pour un chien, vraiment ?

- Nan, un chien ça a le mérite d'être mignon.

- Et moi je suis à tomber par terre, je sais, se vante Mathys avant de se relever.

- C'est beau de rêver.

- Viens on danse !

- Quoi ? Mais non ! Lâches-moi !"

C'est en tolérant la présence de ce genre de personne qu'on se retrouve au milieu du salon dans ses bras en train d'improviser un solo sans musique... Je me débats mais ce con est fort ! En même temps, être moins fort que moi c'est un exploit ! Mathys me plaque contre son torse et m'encercle de ses bras en me serrant un peu trop violemment à mon goût.

"Mathys je peux plus respirer !

- Accepte ce solo et tu seras libre belle princesse !

- C'est du chantage et en plus c'est de la publicité mensongère puisque je ne serai pas libérée de toi."

Un éclair de tristesse vient assombrir son regard, enfin je crois. Je ne le comprends pas. Peu importe, ses yeux noisettes ne sont pas déstabilisés longtemps car il les plonge dans les miens sans hésiter. Sans m'en rendre compte, je me soumets à sa demande et ne me rebelle plus. Ses bras ne sont plus que posés avec délicatesse autour de ma taille et mes mains se déposent sur le long de son torse pour mettre un peu plus distance entre nous. Je décroche mon regard du sien sentant le rouge me monter sans raison aux joues. Soudain je sens ses mains se détacher de ma taille pour venir se placer sur mes joues, me forçant à affronter son regard pleins de malice et de fierté.

"Adorable, tu es adorable, me dit Mathys avant de déposer un baiser sur le coin de mes lèvres."

Il a osé... Ce con ! Et c'est ainsi que ma main a fini brusquement sur son visage. Il semble un peu sous le choc même si je doute lui avoir procuré une quelconque douleur. Mais très vite son éternel sourire refait surface. Je vais lui faire le sourire de l'ange, il va rien comprendre ! Il est temps de se débarrasser de ce spécimen de foire !

"La porte est pas loin, t'auras pas de mal à la franchir je crois.

- J'ai le don pour t'énerver on dirait.

- Arrêtes de te foutre de moi.

- J'ai toujours été sérieux, je te le jure Natasha."

Alors que j'allais répliquer, mon portable se met à vibrer fortement. Je fais alors volte-face et me précipite pour le prendre sur la table basse. C'est Alexis ! Enfin !

" Alors ? Des nouvelles ? j'essaie de demander le plus calmement possible.

- Ton père est toujours aussi peu aimable et il n'a pas offert l'hospitalité à la famille.

- Donc vous ne savez pas où ils sont ?

- Non, désolé sœurette, on va pas rentrer du week-end.

- Pas grave, pas de bêtises hein.

- J'allais te dire pareil ! Façon Mathys est là pour te tenir compagnie.

- Hm, c'est ça.

- Boude pas et profite du temps libre. On te rappelle demain, bisous chipie."

Je mets fin à l'appel et dépose à nouveau mon portable à sa place initiale. Je soupire puis la voix de Mathys m'interpelle.

" Ils vont les retrouver. "

Sa voix est étrangement rassurante et calme, ça doit être la raison pour laquelle je le laisse poser sa tête dans le creux de mon cou et me prendre dans des bras. Cet idiot me donne des frissons.

"Ils me manquent..."

Une larme s'échappe malgré moi et vient s'échouer sur ma joue. Mathys me saisit les hanches et me retourne doucement comme pour ne pas me casser. Avec son pouce il vient essuyer cette intruse, il semble très concentré et se montre particulièrement délicat. Ce soir, tout me paraît bien étrange. Depuis quand je laisse quelqu'un être autant tactile avec moi ? Et bien disons que c'était une erreur de parcours durant un moment de faiblesse. D'un revers de main je romps le contact entre nous et décide qu'il est temps d'aller me coucher.

"J'ai besoin de dormir.

- Tu veux vraiment me mettre à la porte hein.

- T'as compris ça tout seul ? Tu veux une médaille ? je demande trop fatiguée pour être aimable malgré sa gentillesse."

Pour toute réponse, j'ai le droit à un soupire qui m'est assez désagréable. Je le regarde ramasser ses affaires et très vite j'entends la porte claquer.

***

Je me réveille en sursaut, ma tête cognant violemment le plafond, je retombe alors comme une vulgaire crêpe sur mon vieux matelas. J'ai cru attendre une porte claquée, étrange car je suis certaine d'être seule ici. Fantôme, montre toi !

Arrête tes gamineries et descends de ton lit.

Ma conscience a sans doute raison, surtout que la lumière du couloir est allumée. Je me précipite dans le couloir espérant que ma fratrie soit de retour ! Devant la porte de ma chambre apparaissent alors les visages de Méganne, encore et toujours cachée dans sa capuche et celui de Romane tenant Élisabeth dans ses bras. Dans un élan de soulagement, je les prends tous dans mes bras avec une force que je ne me connaissais pas. Ils sont frigorifiés, leurs vêtements sont sales et se dégage d'eux une odeur de transpiration. Deux jours avec notre mère et ils sont dans un état déplorable. Je soupire avant de me détacher de leurs petits corps. Élisabeth dort déjà profondément alors je décide de la coucher tout de suite puis j'ordonne aux deux autres d'aller chacun leur tour se laver et se mettre en pyjama. Ils s'exécutent sans broncher puis je prends mon courage à deux mains pour me rendre dans la cuisine afin de leur préparer à manger. Ma mère doit sûrement s'y trouver... Alors que je me rapproche, je l'entends crier:

"Putain ! Y a plus rien à boire ! Même pas une bière !"

Malgré son apparente mauvaise humeur, je pousse la porte de la cuisine et prends le risque de rentrer. Son regard dur plonge dans le mien qui faillit en une seconde sous la pression. Elle s'avance vers moi. Je ne peux plus bouger ni fuir. Je suis prise au piège par la peur. Elle tend dangereusement sa main vers moi et m'agrippe les cheveux avant de me traîner en direction du meuble où se range son alcool. Je n'ose émettre la moindre plainte, mais dieu sait que j'ai envie d'hurler ! Sous sa poigne, mon visage percute les étagères du meubles, vides... C'est vraiment mauvais ça... Déjà elle commence à me hurler dessus:

"Où sont mes bouteilles ?

- Je ne sais pas..."

Je n'ai pas eu le temps d'en dire plus, que sa main vient s' écraser sur ma joue.

" Menteuse ! Voleuse !"

Elle continue à hurler ces mots, encore et encore tout en me donnant des gifles de plus en plus violentes. Mon corps tremble... Je ne tiens presque plus debout... Seul le meuble derrière moi me sert d'appui.

Soudain, ma mère s'arrête dans son élan de colère, elle peine à respirer. Son corps est usé par son malheur et ses vices. Ses yeux bleus sont pleins de haine et toute cette haine m'est destinée. Je devrai en profiter pour fuir cette pièce, cet appartement, cette vie même ! Mais comme toujours, je n'en ferai rien, je reste plantée là. De quoi ai-je le plus peur? De cette femme qui voudrait ma mort ou de ce qui m'attend loin de cette réalité ? Peu importe puisque je suis toujours là. Je suis ses mouvements sans un mot. Elle va s'asseoir sur une pauvre chaise en bois.

"Ton père n'a pas demandé de tes nouvelles mais ça tu dois bien t'en douter."

Un sourire malicieux apparaît sur son visage ridé et cerné, elle doit être fière de son pique mais que je sache c'est elle qui souffre le plus de l'indifférence de cet homme. Pathétique. Je ne réagis pas à sa remarque, cela doit l'énerver mais c'est une vérité, cet homme n'a plus aucun impact dans ma vie. Je me dirige alors vers la cuisinière pour commencer à faire chauffer l'eau pour cuir du riz. Je l'ignore, elle finit par quitter la pièce en titubant. Je prends ensuite mon portable pour prévenir Alexis et Nathan du retour de la famille au complet à l'appartement. Nathan est bien évidemment légèrement agacé, juste légèrement... Je crois qu'il pourrait la tuer, il pourrait tuer notre mère sans le moindre remord. Et moi ? Je n'en sais rien, je me sens comme un esclave qui n'a aucune possibilité d'échappatoire.

***

Ils sont revenus depuis une semaine et ma mère n'est plus ressortie de sa chambre. Alexis est une nouvelle fois porté disparu et Nathan se plonge dans un travail qu'il déteste pour fuir l'appartement. Méganne refuse de mettre un pied dehors et Élisabeth fait de plus en plus de cauchemars étranges. Seul Romane semble aller bien, enfin du mieux qu'on peut dans cette famille. Il s'est rendu de lui-même au collège où il a réussi à se faire quelques amis. J'ai de grands espoirs pour lui, je pense qu'il aura une vie heureuse. Personnellement je prends un peu l'air dans un parc du centre-ville, pour une fois qu'il ne fait pas trop froid et que le ciel est bleu, je me dois d'en profiter un peu. Je suis donc assise seule sur un banc en bois blanc avec ma playlist et le passage des gens qui bercent ma journée. C'est pas si mal comme occupation. Soudain une voix tristement familière vient me tirer de ma douce tranquillité... Une voix féminine... Celle de Linda. J'aurais pu l'ignorer mais je me suis retournée mécaniquement à l'appel de mon nom. Elle semble tout aussi surprise et seule que moi. Ses grands yeux noisettes n'osent affronter les miens, elle joue avec ses doigts et se pince la lèvre inférieure. La pauvre petite, elle est nerveuse... C'est compliqué d'arriver comme une fleur après avoir piqué le copain d'une amie. Je finis par détourner le regard pour lui faire comprendre de passer son chemin sauf qu'au contraire elle vient s'asseoir à côté de moi ! Sa présence me donne des frissons, des images tournent en boucle dans ma tête, surtout celles du jour où j'ai tout découvert ! J'ai envie de vomir, de pleurer, de la frapper aussi mais je préfère ne rien laisser paraître. Linda ou Eddy, aucun ne mérite ma colère ou mes larmes. Je l'entends bégayer quelques morceaux de phrases mais je n'y prête pas attention, j'attends juste qu'elle parte.

"Je crois... Je pense qu'Eddy t'aime toujours..."

Pourquoi fallait-il qu'elle prononce ces mots ? Pourquoi fallait-il que je les entende ? Pourquoi mon cœur a raté un battement à cet instant ? Je suis en plein cauchemar. Je fais volte-face et rencontre le regard terrifié de mon ancienne amie, elle tremble de tout son corps, elle doit certainement lutter pour ne pas pleurer devant moi. Cela me fait un pincement au cœur de la voir aussi triste et paniquée. Je ne supporte pas de la voir ainsi... À quoi joue Eddy ? Il veut briser le cœur de tout le monde ou quoi ? Je soupire et me lève puis enfin décide de lui parler, au moins pour la rassurer, pour lui rendre son sourire radieux.

"Eddy n'aime que toi à présent, vous serez heureux ensemble c'est une évidence, alors ne t'en fais pas trop Liline."

Elle écarquille les yeux, sûrement surprise par mon attitude. Je le suis aussi mais au lieu de le montrer, je la laisse ici et continue mon chemin vers la sortie du parc. Sans le vouloir, je l'ai appelé par son surnom. Mais qu'est ce qu'il m'a pris d'être aussi amicale avec cette traîtresse ? Et puis pourquoi elle vient me parler de ses problèmes de couple ? Sérieusement, tout le monde est fatiguant sur cette planète.

***

Il est minuit, je suis perdue au milieu du bruit incessant et d'une masse de gens dont je ne vois même pas leurs visages. Aujourd'hui, sourire fut une tâche presque impossible, ma rencontre avec Linda m'a perturbé bien plus que je l'aurais voulu. Chaque parole aimable, chaque sourire, chaque attention auprès des clients, tout ça n'est qu'un spectacle de mauvais goût dont je suis l'actrice principale. A côté de moi Gabriel paraît tout aussi heureux que moi... C'est-à-dire au fond du plus profond gouffre ! Lydia n'est jamais revenue et cet idiot ne lui envoie même pas de message pour s'expliquer et s'excuser ! Sa fierté mal placée me fait clairement chier des cactus bleus !

Après plusieurs heures de service non stop, on peut enfin souffler ! Je rejoins Gabriel qui semble vouloir passer sa nuit avec une bouteille de vodka. Je vais lui écraser sur la tête, peut-être que ça va lui remettre les neurones en place ! Je m'approche discrètement et lui retire la bouteille des mains. Sa réaction est immédiate ! Il en reprend une autre... Dans un bar c'est pas ça qui manque.

" C'est comme ça que tu comptes te faire pardonner ? En te comportant comme une merde?

- Garde tes leçons de morale pour toi.

- Putain mais réagis ! Tu vas rester dans ta merde encore longtemps ?"

Soudain il se met à rire nerveusement... Il pue l'alcool ce con ! C'est immonde ! Il a dû prendre plus d'un verre avec les clients, ce qui est totalement interdit. Tout comme le fait qu'une lycéenne travaille dans un bar d'ailleurs.

"En attendant c'est pas moi qui reste auprès d'une femme qui la frappe tous les jours et qui reste sans rien faire toute sa vie."

Ok...Il sait plus ce qu'il dit.

"Au lieu de supporter ça tu devrais bouger ton cul au moins pour tes frères et sœurs, mais non tu fais rien, tu fuis, tu fais juste pitié."

Venant de lui, que je considère comme un ami même si je ne l'avoue jamais, ça fait mal. Je décide de le laisser dans son délire et repars servir les derniers clients. Je n'ai aucune réaction, cela peut paraître étrange pourtant ce genre de choses me laissent seulement vide, je n'ai ni colère ni tristesse. À quoi cela servirait ? Certainement à rien.

Mon service se termine rapidement pendant que Gabriel passe un séjour splendide dans les toilettes. Autant dire qu'il n'est d'aucune utilité au bar et que je dois me débrouiller seule alors que je ne sais pas faire la moitié des cocktails. J'ai appelé un taxi pour le ramener chez lui, il ne s'y oppose pas et en silence il quitte le bar. Me voilà seule, je finis de fermer lorsque deux mains se posent sur mes yeux. Dois-je paniquée ?

" C'est le père Noël, t'as été sage cette année gamine ?

- Mathys... soufflais-je en retirant ses mains pour lui faire face. Qu'est ce que tu fais là ?

- Bah je suis là, sur les quais, devant toi. Pas très perspicace ce soir.

- Très drôle...

- Aller, viens ! Je t'emmène ! s'écrie cet idiot en me saisissant la main. "

Étrangement ça me fait plaisir de le voir. Il est comme une échappatoire à toute cette merde du jour. On dirait que je me sers de lui mais non, je ne crois pas, son rôle n'est pas défini. Peu importe, c'est ainsi que je me retrouve à marcher sur les quais avec lui en pleine nuit. Encore une fois, il est tout souriant, ses cheveux bruns jamais coiffés et un air déterminé semble accompagner ses pas.

Au bout de quelques minutes où il m'a tiré littéralement derrière lui, on arrive devant un parc pour enfants. Je me dirige directement vers la balançoire, Mathys me suit. Il se place derrière moi puis commence à me balancer doucement. Le vent me pique légèrement le visage et le bout de mes doigts mais c'est supportable.

"Alexis m'a dit que tout le monde est rentré sain et sauf, tu dois être soulagée.

- Je ne suis jamais vraiment soulagée.

- Waoh une parole sincère ! C'est rare !

- Tais-toi et balances-moi !

- Vos désirs sont des ordres mon ange."

Je le sens mal cette histoire... Et j'ai raison car tout d'un coup cet abruti a pour idée de m'envoyer sur la lune ! J'ai des frissons dans le ventre, c'est étrange mais agréable. Je souris en l'entendant rigoler tout en le menaçant sauvagement. Finalement je me laisse porter et ferme les yeux pour profiter pleinement des sensations, du vent froid sur ma peau, des frissons toujours plus forts et de cette impression de m'envoler toujours plus haut, toujours plus loin ! Quand soudain des bras stoppent ce moment magique et m'entourent fermement.

"Tu es ma prisonnière, me chuchote Mathys."

Je ne réponds rien car je ne sais pas quoi dire. (Mon dieu ! Cette scène est vraiment niaise.) Je profite juste un instant de la douceur qu'il me donne même si je ne comprends pas ce qui se passe dans sa tête ou dans la mienne. C'est alors qu'une sonnerie horrible vient gâcher ce moment de réconfort. C'est son portable. Il me lâche et pars loin de moi pour répondre. Je suis perplexe, il semble pensif de là où je suis. Son appel dure quelque minutes puis, il s'approche à nouveau de moi le visage crispé.

"Un problème ?

- Je dois partir. Tu peux rentrer toute seule ?

- Comme tu veux. Bye."

Un peu vexée par son attitude froide soudaine, je décide de l'imiter et sans attendre je quitte le parc. Finalement j'entends sa voix m'interpeller et des pas lourds s'approchent de plus en plus de moi. Je me retourne pour lui faire face, bien décidée d'en finir pour ce soir.

" Je sais rentrer seule je t'ai dit.

- Natasha, boude pas comme ça, je reste avec toi.

- T'inquiète pas, je sais très bien supporter la solitude.

- Arrêtes de parler. Viens avec moi.

- Je croyais que tu devais partir.

- T'es têtue, c'est pas possible de l'être autant."

Et t'as encore rien vu ! Non mais pour qui il se prend ce con ? Il se croit si indispensable qu'il me prend pour un jouet qu'on range et qu'on sort quand on a rien d'autre à faire ?

" Ma voiture est pas loin, ça te dit de venir chez moi, y'a mes potes de la dernière fois."

Je soupire mais accepte. Je n'ai pas envie de rentrer, j'ai peut être envie d'être avec ce crétin. Il me change les idées. Je le suis donc jusqu'au parking souterrain où se trouve sa voiture.

***

Très vite on arrive à destination, je reconnais la résidence où Mathys avait déposé ses trois amis la dernière fois. Pourquoi j'ai l'impression que cette nuit ne sera pas de tout repos ? Je suis l'idiot sans un mot jusque devant un ascenseur puis jusque devant une porte rouge que je suppose être celle de son appartement. Déjà, je crois entendre des cris et le son de la télé. Mathys ne semble pas s'en inquiéter, il habite sûrement pas seul. Oh putain s'il a une copine je vais lui remettre une claque pour m'avoir dragué si ouvertement ! Et non, je ne suis pas ni naïve pour ne pas m'en rendre compte.

On pénètre finalement chez lui, je prends soin de bien rester derrière lui pour prendre le temps d'observer les alentours. On ne sait jamais ce qui peut avoir dans l'appartement d'un drôle de spécimen comme lui. Je constate que la porte donne directement sur le séjour et que les cris ne sont en vérité que des râles de plusieurs personnes jouant à Mario kart sur la wii.

" Les gars, regardez ce que je vous amène ! s'exclame Mathys en me tirant devant lui."

Le jeu est directement mis sur pause et les trois inconnus se retournent vers nous. Directement je reconnais les visages de Camille, Dimitri et Julian qui me sourient à pleine dent. Julian saute littéralement par-dessus le vieux canapé pour nous rejoindre et s'empresse de retirer mon manteau. Face à cette galanterie surprenante je reste perplexe et le laisse faire.

"Notre petite fleur d'hiver est de retour, déclare t-il en déposant ses lèvres sur ma main.

- T'es bizarre toi.

- Arrêtes de l'embêter Julian ! Tu vois bien qu'elle n'est pas intéressée par tes conneries, intervient Camille.

- Tsss, c'est pas des conneries mais de la poésie...

- Tais-toi et viens prendre ta fessée à Mario !

- Dimi, tu cherches à réveiller le démon ! Tu ne seras plus que poussière le nain !"

En un instant la partie de Mario reprend son cours. Soudain je sentis une main se glisser dans la mienne et m'entraîner vers l'unique place libre sur un fauteuil gris bien rembourré à gauche du petit groupe. Voilà comment je me retrouve assise sur les genoux de l'autre crétin de Mathys ! Je suis raide comme un piquet, je me demande ce qui se passe dans sa tête. Il finit par passer ses bras autour de ma taille puis par me coller contre son torse comme si de rien n'était. Devant moi, sur une petite table basse, est posé plusieurs paquets de chips. C'est pas très équilibré dit donc... Je me risque finalement d'en prendre quelques-unes alors que les trois autres se font presque la guerre pour le podium. Je m'apprête à déguster ces chips lorsqu'elles me sont volées par celui qui me sert de fauteuil !

"Merci, elles étaient délicieuses, m'informe Mathys encore en train de les manger.

- Tu veux mourir ? Tu veux que je teste la momification sur un humain vivant avec toi ?

- Les bandages, c'est pas trop mon style désolé.

- J'ai gagné faces de rat ! se vante Camille en se levant du canapé.

- C'était juste de la galanterie ma belle, se défend Julian.

- Ooh tu es bon dernier à ce que je vois, intervient l'autre garçon.

- Tu veux peut-être que je te montre mon doigter ? "

Il a vraiment dit ça ? Je crois bien que oui puisque tous éclatent de rire et que Julian se décompose en comprenant sa maladresse.

"Mon doigter avec la manette ! Rhoo tous des pervers !

- C'est beau de voir que tu fais enfin ton coming out mon pote mais je suis pas homo, le taquine Dimitri.

- C'est à notre tour de jouer ! s'exclame Mathys au milieu de se brouhaha.

- Allez les mecs soyez galants et donnez votre manette à Natasha.

- Bah fais le toi.

- Moi je suis une fille Dimitri, je n'ai pas à être galante et puis je vous ai écrasé y a deux secondes!

- Rhoo tais-toi, c'était juste un coup de chance.

- Mauvais perdant hein !"

Pendant que Camille et Dimitri se chamaillent, l'autre apprentie poète à deux euros s'approche de moi et me tend sa manette.

" Pour vous, ma fleur.

- Euh je sais pas jouer, je finis par l'avouer puisque je n'ai pas le choix.

- Aucun problème petite fleur ! Viens, je vais t'apprendre !"

Alors que je m'apprête à rejoindre Julian sur le canapé, les bras de Mathys m'encerclent davantage.

" Pas besoin, je vais m'occuper de son apprentissage."

Je ne comprends rien à ce qui se passe mais quelqu'un a dû mettre pause à leur hyperactivité car tous semblent nous regarder de manière étrange. Il n'a pas révélé qui était l'assassin de Kennedy non plus, pas besoin de faire la statue en état de choc ! Soudain Mathys me pousse à me lever puis on se retrouve à la place de Julian sur le canapé et commence à m'apprendre les bases.

***

Les heures sont vite passées dans le rire, la joie et les plaintes des perdants. On a joué à de multiples jeux vidéo et je dois bien avouer que cela m'a beaucoup amusé. J'ai appris qu'ils vivaient ensemble depuis le début de leurs études supérieures ! Si j'avais encore mes quelques amis, je pense que j'aimerai avoir cette vie.

À présent, je me trouve dans la chambre de Mathys, il m'a prêté un pull à lui qui m'arrive à peine en dessous des fesses mais qui tient bien chaud. Je me demande comment je vais pouvoir assurer la journée en me couchant à plus de 5 heures du matin. Mathys est actuellement à la douche et les autres sont déjà couchés. Un silence chaleureux s'est alors installé dans l'appartement. J'en profite pour observer la pièce. Elle semble un peu vide je trouve, comme sortie d'un catalogue, sans aucune marque personnelle. Le lit double se trouve au centre de la pièce, contre l'unique mur peint d'un gris foncé, contre le mur d'en face se situe un petit dressing à rideau et sur la droite de trouve un petit bureau en bois blanc. Tout paraît propre et à sa place, étrange pour une chambre d'étudiant. Je reste debout entre le dressing et le lit sans trop savoir quoi faire. Chez moi je ne me sens pas vraiment à l'aise alors c'est pas chez les autres que je vais me sentir comme sur un nuage.

Assis toi idiote, on dirait que tu fais partie des meubles là.

Soudain la porte de la chambre s'ouvre laissant apparaître Mathys... en serviette... Pitié mais quel cliché... Je vis dans une série nulle pour adolescents puceaux c'est pas possible ! Mec habilles toi ! Franchement si j'étais pas pudique je lui aurais rendu son pull. Il se place dos à moi, cherchant dans son dressing. Certes tu n'es pas dégueulasse à regarder mais t'es pas là pour faire ton spectacle !

C'est un peu chez lui... Juste un peu hein.

Et ? C'est pas une raison pour être presque nu devant moi !

Fais pas ta rabat joie et profite de la vue.

Une conscience n'est pas censée donner ce genre de conseil ! C'est vrai que Mathys est plutôt pas mal. Contrairement à ce qu'on peut penser suite à ce genre de déclaration il n'est pas hyper musclé, je ne vis pas totalement dans une fiction non plus. Il a juste ce qu'il faut sans être un tas de muscle surfait. D'ailleurs je n'avais jamais remarqué que sa peau était bronzée, je n'ai pas l'habitude de m'attacher aux détails physiques des gens. Par contre, je veux bien admettre que ses petites bouclettes brunes qui brillent légèrement à cause des gouttes d'eau qui rencontrent la lumière artificielle sont trop mignonnes ! On dirait les cheveux soyeux des jeunes enfants.

Alors que j'étais concentrée sur la beauté de ses cheveux qui est d'ailleurs la seule qu'il possède, je remarque que sa serviette commence à glisser de ses hanches. Oh putain ! Une vraie série de mauvais goût ! Sans attendre un nouveau moment gênant, je me retourne. Mathys ne peut s'empêcher de rire bien sûr...

" Je porte un caleçon idiote, pas besoin d'être si gênée.

- La ferme et habilles toi pervers.

- C'est toi qui me mate depuis tout à l'heure, donc entre nous c'est toi la plus perverse."

Je sens son souffle proche de mon oreille alors qu'il me chuchote:

" Ça ne me dérange absolument pas, regardes. "

Non, aucun frisson n'a parcouru mon corps à cet instant, c'est faux. Je préfère me décaler rapidement comme si de rien était. Il me sourit avant de se glisser sous sa couette.

"Euh je dors sur le canapé je suppose, donc bonne nuit.

- Sois pas idiote, tu peux dormir avec moi, c'est bien plus confortable ici.

- Je vais finir par croire que t'es vraiment un pervers..."

Je me glisse à mon tour sous la couette et sans m'en rendre compte je m'endors dans ses bras. Vraiment, entre ce que je dis et ce que je fais, le fossé se creuse de plus en plus.

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