Chapitre 02: Bonne rencontre, mauvaise visite

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  Vous voyez les âmes en peine dans les séries qui sont introverties, associables et parfois même totalement flippantes qui se prennent pour des noctambules? Et bien ça c'est ma réalité. Je goûte à un semblant de paix intérieure lorsque je claque la porte de chez moi pour enfin être en tête à tête avec ma musique dans la fraîcheur des nuits rarement étoilées. Merci à la pollution urbaine de nous cacher le beau spectacle des étoiles. Je n'ai pas de vie alors je fais partie de la plus basse catégorie de l'échelle sociale, les invisibles ! Ceux qui n'ont ni de visage ni de surnom débile et qui sont exclus même des bizutés... Pitoyable ? Question de perspective. La solitude me va bien.

Tu recommences avec l'auto-persuasion...

  Passons cette remarque inutile. Me voilà dans les rues du centre-ville à présent. Il gèle toujours autant mais cette fois j'ai pris soin d'enfiler un sweat avant de partir. Sous ma capuche je ressemble à Méganne qui s'est déjà sûrement évadée de l'appartement juste après mon départ. J'irai la chercher en revenant du boulot comme chaque nuit. Et oui je ne sors pas pour mon plaisir ou pour admirer l'immensité du ciel mais uniquement pour rejoindre le seul job qui me reste dans un bar. Le travail là bas n'est pas désagréable mais l'obligation est un fait que je supporte mal. Après tout, je ne fais jamais rien pour moi ou par envie. Suis-je destinée à rester dans le silence d'une vie de servitude? Sachant que le rôle du tyran est attribué à ma mère, tout cela vire comme une tragédie grecque. Les familles se déchirent au nom de la volonté des dieux et quelqu'un finit toujours par sacrifier sa vie et tout rentre dans l'ordre grâce au désespoir d'un être brisé. Ce rôle sera-t-il le mien? Est-ce que le passage de la faucheuse peut être à l'origine d'un miracle, d'une prise de conscience pour ma famille? La violence pour la rédemption? Aurais-je la force de conviction d'Antigone ou la passion destructrice de Phèdres?

Tu penses trop ! Je te signale que t'es arrivée.

  Tu nais de mes pensées alors chut. Mais t'as pas tort me voilà sur le bout de terrasse dédiée à mon lieu de travail favori. Plutôt étrange pour une fille d'alcoolique non? Il y a déjà quelques clients et je peux voir mon collègue s'agiter derrière le comptoir. Je rentre et me faufile par la porte du fond pour rejoindre le vestiaire du personnel. J'échange mon sweat par une chemise blanche et range proprement mes affaires dans mon casier. La routine ne se termine jamais. Je connais chacun de mes gestes avant même de les avoir fait. C'est lassant. Je soupire avant de me rendre derrière le comptoir affichant un faux sourire sur le visage. Ce sourire que j'ai mis tant d'années à perfectionner est aujourd'hui une hypocrisie naturelle. C'est à vomir vraiment. Je croise le regard de mon collègue qui discute avec un client. Gabriel semble quelqu'un d'épanoui dans chacun des aspects de sa vie. Au départ je trouvais qu'il avait de la chance mais au final c'est héritant. Son petit bonheur parfait me nargue tous les soirs depuis des semaines et moi je suis là à faire le clown devant un public sourd et aveugle. Je vous rassure je l'apprécie tout de même mais ça fait un bien fou d'être égoïste de temps à autre.

Sors de tes pensées idiote, il vient vers toi.

  Je tourne la tête et sans surprise apparaît le visage carré de mon collègue qui s'illumine d'un petit sourire en coin lorsque je recule de deux pas pour mettre de la distance entre nous.

"Qu'est-ce qui t'amuse?

- Doucement Natasha, je viens juste aux nouvelles de ma collègue préférée.

- Surtout la seule comme chaque soir puisque le patron, ton frère, nous met toujours ensemble, lui fis-je remarquer en lui rendant son sourire.

- Ah un vrai sourire ! Pour une fois qu'un compliment fonctionne sur toi, se félicite Gabriel tout en servant un autre client.

- Concentre-toi au lieu de dire des conneries."

  Il rigole mais obéit tout de même. Bon toutou. Soudain apparaît une jeune femme métisse qui tente de se frayer un chemin jusqu'au comptoir. Ses grands yeux verts observent les moindres gestes de Gabriel qui n'a pas encore remarqué sa venue. C'est une habituée des lieux et comme tous les mardi soir elle vient ici pour admirer notre barman et pour qu'il lui lance ce fameux regard niais. Lorsqu'elle prend place en face de moi je remarque tous les efforts qu'elle a dû faire avant de venir. Maquillage parfait, tenue superbe avec ses plus beaux talons et accessoires. Une fille déjà parfaite au naturel qui ne peut s'empêcher d'en faire encore plus et de battre des cils.

La jalousie est un poison...

  Ma conscience est interrompue par la voix de cette cliente qui m'interpelle. Manque de respect total...Bien fait pour toi conscience ingrate ! Bref je lève les yeux vers la cliente qui semble nerveuse.

"Que puis-je faire pour vous? dis-je quelque peu impatiente d'en finir.

- Euh... J'aimerais savoir si Gabriel et toi...

- On est juste collègue."

  D'abord surprise par mon attitude peu amicale, son visage s'illumine d'un profond sentiment de soulagement. Moi et Gabriel, vraiment? Mais d'où elle sort une idée aussi grotesque? Elle semble attristée qu'il ne la remarque toujours pas au fil des minutes. La voir observer son verre le regard vide perturbe ma conscience alors je jette un coup d'œil à mon collègue et cet idiot est à l'autre bout du bar captivé par une autre qui semble vouloir en faire son dessert. Il mérite que je lui lance le verre que je suis en train d'essuyer sur sa sale petite tête ! Une gigoteuse à la langue bien pendue se présente à lui et il perd la tête ou plutôt il arrête de se servir de son cerveau, car parfois il en a un je peux vous l'assurer. Par exemple, s'intéresser à cette jeune brune magnifique devant moi est une excellente initiative. Alors que je suis dans mes pensées j'entends sa petite voix exprimer sa déception, elle me paye son verre avant de quitter le comptoir. Crétin de mec !

Bah fais quelque chose idiote au lieu de faire la vaisselle.

  Rhaa la ferme ! Je suis pas son ange gardien, ni sa mère ni sa conseillère d'orientation sexuelle ! Je vais pas venir en aide à tous les crétins qui laissent passer leur chance, j'ai déjà bien à faire avec ma vie et puis ça lui apprendra à faire le coureur.

Gamine entêtée...

  Je reprends finalement le service oubliant ce "détail" qui ne me concerne pas d'autant plus que les clients se font nombreux et que la musique bien trop forte me fait tourner la tête.

***

  Si j'étais expressive mon visage se serait décomposé en voyant ce trio entrer dans le bar. Mais de qui s'agit-il? Mais quel suspens ! Ou pas... Il s'agit des mêmes emmerdeurs qu'il y a dans chaque ville, dans chaque école et ceux-là se nomment Jane, Sasha et Nelly. Sasha s'avance vers le comptoir, ses bras autour de ses deux amies ou amantes quand ça l'arrange...Une brune et une blonde rien que pour lui, quel cliché ! Ces deux amies semblent tout partager, même les garçons. Je me demande si ne n'est pas encore un de leur jeu malsain. Peu importe, ils sont là et déjà je sens ma main frémir sous l'envie de leur arracher leur petits sourires d'hypocrites à coup de poings, histoire de les défigurer un peu et de bien rire aussi. Les voir devenir mes premières victimes de mon film d'horreur me plaît assez et ce sera plus réaliste avec du vrai sang. J'aurai tellement aimé qu'il soit servi par Gabriel mais il a déserté ! Tout comme sa pimbêche d'ailleurs. Lui aussi je vais lui en mettre une ou deux ! Une pour chaque fille qu'il a abandonné ce soir ! Malheureusement quelques pas ça passent vite et je les entends déjà se plaindre. Je m'approche d'eux et ne leur gratifie que de la phrase de politesse habituelle.

"Que puis-je pour vous?

- Je vois que tu as trouvé ta place dans la société Nath... commence Sasha.

- Comme sa mère, une véritable sous-merde vivant au crochets des gens respectables, le coupe Nelly avec un sourire en coin.

- Une putain alcoolique, reprends Sasha. D'ailleurs il parait que mon père à louer ses services, j'espère que y a de quoi se laver chez toi, j'ai pas envie que mon père crève pour l'avoir baiser.

- Si vous ne voulez pas consommer, je vous conseille de quitter notre établissement."

  Je reste calme... Putain pourquoi je dois rester calme? Mon corps bouillonne et ma tête n'est qu'un champ de ruine où meurt tout ce que je passe sous silence. Avec leurs rires, le temps me joue des tours et paraît plus lent, plus dur à endurer. Jane qui n'avait rien dit jusqu'à présent me fusille de ses yeux marrons légèrement en amandes. Mon corps se tend en affrontant son expression de haine à mon encontre. Sasha qui remarque cette tension ne peut pas s'empêcher d'en faire des tonnes... Et oui sinon c'est pas drôle...

"Bah alors Jane, tu dis pas bonjour à ta chère amie d'enfance? la questionne-t-il avec toujours ce ton ironique insupportable.

- Si ta catin de mère n'en avait pas rien à foutre de toi j'aurai fracassé ta sale gueule moi même."

  Elle est belle l'amitié hein? Comme si c'était ma faute si ma mère a couché avec la sienne qui s'est alors rendue compte qu'elle avait une préférence pour les vagins et que peu de temps après ma mère s'est lancée dans une carrière de cougar avec le fils aîné de cette fratrie. C'est pas très propre tout ça. La morale aurait sûrement des choses à redire sur son attitude sans oublier la destruction d'une famille très soudée. Mais je sais pertinemment que rien de tout ça n'était calculé, elle ne doit même pas savoir qu'elle a été l'amante de deux personnes de la même famille. Par la suite, Jane a pris sa place définitivement avec les salopes du lycée et a participé au sport favori de son entourage, faire de ma vie un enfer sur Terre. Alors qu'ils s'apprêtaient à dire autre chose, un bras se pose autour de mes épaules. Je sais déjà qu'il s'agit de Gabi car c'est le seul à venir derrière le comptoir avec moi et puis suffit de regarder un instant pour identifier une personne.

"Un problème Nell ? l'interroge mon collègue."

  Oui! Sers à quelque chose et sauve moi de ces fous furieux ! Je te pardonne de m'avoir abandonné si tu me les fais fuir illico presto !

Tu sais qu'il n'entend pas tes pensées hein?

  Tout comme personne ne t'entend ! Et heureusement, je supplie presque là et je tiens à ma fierté aussi mince soit-elle. Je me concentre sur le trio qui semble beaucoup moins rire de la situation, en particulier Nelly qui ne tient plus en place.

"Ah salut Gabriel, ça faisait longtemps...

- Pas assez, la coupe-t-il. Je vois que tu traînes toujours avec cet abruti.

- Rhoo Mon petit ange, sois pas si rabat-joie. Faut accepter de partager dans la vie, lui déclare Sasha, le provoquant clairement avec un passé pas si lointain.

- Pas besoin de partager, je veux pas de ça.

-"Ça"! répète la blonde se sentant sûrement insultée par la manière dont Gabriel la désigne.

- Personne ne vous servira ici alors dégagez, leur ordonne mon collègue sans prêter attention à l'exclamation de Nelly.

- Il y a trop de pourriture ici, je me casse, informe mon ancienne amie.

- On se reverra chérie, me provoque Sasha avant de partir avec Nelly exceptionnellement silencieuse."

  Je n'ai rien répondu. Pourquoi gaspiller ma salive pour eux?

Faut que tu te défendes quand même ! C'est pas de la peur qui t'anime plutôt?

  Question stupide. Bien sûr que non. Que pourraient-ils me faire de plus? Je suis déjà au plus bas depuis longtemps. Bref je jette un coup d'œil au bras sur mon épaule et soupire. Je saisis sa chemise du bout des doigts et retire son bras avant de repartir à mes occupations. J'aurai pu dire merci... Mais il ne semble pas s'en formaliser, il me connaît bien à force. Je me sens enfin plus tranquille après leur départ, je respire à nouveau correctement. Je suis reconnaissante envers cet idiot de barman qui saute sur des groupies un peu trop souvent ces derniers temps alors en guise de remerciement je vais lui arranger le coup avec sa brune favorite et puis ça le détendra un peu. Dès qu'il y a moins de commandes et d'ivrognes à servir, je l'interpelle.

"Gabi ! Viens.

- Oula pour que tu sois aussi familière c'est que tu as un service à me demander toi.

- C'est pas mon genre l'hypocrisie et j'ai juste ordonné pas de quoi te réjouir."

  Et non je ne peux pas être totalement amicale. Je vais lui sauver la mise, c'est largement suffisant comme démonstration de bonté et d'affection. Heureusement il ne se vexe jamais ou du moins il ne me le montre pas et affiche toujours une expression bienveillante envers moi.

"Alors pourquoi m'avez-vous fait quérir votre altesse?

- Ta brune favorite est passée et ...

- Oh Lydia est là ! s'exclame-t-il avec une étincelle toute nouvelle dans les yeux.

- Calme toi Roméo car elle ne risque pas de revenir avec ta connerie."

  Et hop un visage décomposé avec pleins d'interrogations dans le regard ! Faire dans la subtilité c'est toujours pas dans mes cordes. Mince alors...

"J'espère que cette groupie peinturée, gonflée à l'hélium sur talons aiguilles était digne d'une déesse parce que t'as sûrement tout gâché pour une baise.

- Oh elle m'a vu avec elle...

- Ouais, elle attendait que tu la remarques crétin avant de partir les larmes aux yeux.

- Mais ça n'a rien avoir avec elle ! Fin j'aurai aimé me caser avec Lydia et j'aurai arrêté d'avoir des coups d'un soir c'est évident !

- C'est une évidence juste pour toi.

- Fais chier...

- T'as son numéro ?

- Ouais et alors? C'est mort."

  Je soupire d'exaspération et lui donne une tape sur la tête avant de repartir travailler. Lorsqu'il souhaite me parler, je préfère l'insulter de lâche et de crétin pour le motiver à réparer sa bêtise. Dès qu'il y a de la difficulté au niveau sentimental, il y a plus personne... Tous font les déserteurs... Comme Eddy... Pourquoi je pense à lui ? Je secoue la tête et chasse son nom de mes pensées.

***

  Il est 1h40 du matin, le bar est enfin fermé ! Les clients s'attardent toujours et ne respectent pas les heures de fermeture...C'est épuisant. Je suis sur le point de sortir des vestiaire lorsque je sens des vibrations dans la poche de mon jean. Je sors mon portable de ma poche et je vois apparaître sur l'écran le prénom Alexie. Immédiatement je sens mon corps se paralyser. Qu'est-il encore arriver à cet énième idiot de la journée? Je décroche et sans m'en rendre compte la panique me submerge me forçant à délaisser mon apparence détachée.

"Putain Alexie ! T'es où ?

- C'est pas Alexie..."

  C'est une voix masculine mais pas celle d'Alexie comme cet inconnu l'a indiqué. Je reprends instantanément mon calme imperturbable poussé par un agacement mérité.

"Mon frère vous doit combien?"

  Et oui c'est mon frère ! C'est même l'aîné de la fratrie, le premier enfant né de l'unique amour heureux de ma mère... L'inconnu ne répond pas toute suite, ma froideur choque tant que ça? Je suis juste réaliste pourtant.

"Il me doit rien du tout, je suis barman et ...

- Il est ivre mort dans votre bar et il appelle sa petite sœur pour l'aider à vomir dans les toilettes."

Tu l'as coupé ! Quelle impolitesse !

  Rhoo la ferme toi !

" Il est conscient, juste il est vraiment dans un sale état.

- OK, j'arrive. Quel bar?

- Casa Latina, c'est à ...

- Je connais tous les bars de la ville, pas besoin d'adresse."

  Je raccroche après cette phrase. Je dois vraiment être impolie pour ne remercier personne ou tout simplement pour ne pas dire bonjour ou au revoir comme toutes personnes civilisées. Gabriel qui commence à ranger a assisté à toute la scène même s'il lui manque une partie de la conversation. Sans m'adresser un regard il me dit avant que je ne demande quoi que ce soit:

"Vas voler au secours de ton frère, je ne dirai rien au patron.

- Sur?

- Ouaip.

- Bon bah j'y vais Gabi, dis-je en sortant.

- A votre service, votre altesse ! s'exclame mon collègue m'arrachant un petit sourire dont il ne sera rien."

  Heureusement que les deux bars se situent sur les mêmes quais sinon je vous dis pas la galère pour s'y rendre surtout à pied ! Par contre je suis un peu surprise, c'est la première fois que je vais récupérer mon frère dans ce bar-ci. Peut-être qu'il a des problèmes avec ces bars habituels...

***

  Après un bon quart d'heure de marche, j'aperçois enfin la Casa Latina ! Car oui les quais ne sont pas petits et il faut que celui-là soit loin de mon lieu de travail ! La vie me fait vraiment chier. Je ne me plains jamais à voix haute sinon je pense que j'en aurais jamais fini avec les paroles inutiles. Je me précipite dans le bar déjà plongé dans l'obscurité et le silence. Je m'immobilise à l'entrée pour analyser le lieu et très vite je trouve mon frère assis par terre contre le comptoir. Je courre vers lui et m'accroupis une fois à sa hauteur pour constater les dégâts de cette soirée qu'il a essuyé avec trop de verres comme bien souvent. Je remarque un récipient rempli de vomi mais ce serait trop beau si le sol ne faisait pas aussi les frais sans parler de ses vêtements... Putain c'est moi qui fais la lessive ! Dès que tu iras mieux crois-moi tu vas regretter amèrement tous les verres que tu as bu ! J'ébouriffe ses cheveux pour le faire réagir. Ses cheveux châtains sont gras... Il n'est pas rentré depuis une semaine, il fallait s'y attendre. Il pue l'alcool et la transpiration ! Quel porc ! Je l'entends marmonner des mots incompréhensibles. Ouf, t'es en vie ! Je retire ma main de ses cheveux avant de rompre ce silence.

"Tu sais que ton odeur me donne envie de vomir. Franchement, laves-toi abrutis."

Il ne va pas te répondre vu son état.

  Non tu crois? T'es perspicace !

Je suis toi.

  Soudain j'entends des pas se rapprocher de moi. Dans un mouvement de panique je me redresse et me retourne en direction du bruit. A quelques pas de moi apparaît un corps humain, que je soupçonne être de type masculin. Je flippe mais chut. C'est peut-être un malade mental. Il s'approche davantage ainsi je peux confirmer mon hypothèse, c'est un homme. Je ne vois pas très bien avec cette foutue obscurité. Je peux juste affirmer qu'il a les cheveux bruns légèrement bouclés et en batailles et qu'il semble plutôt imposant. Oh et il est jeune. Mon corps me dit de reculer mais je vais pas abandonner mon frangin. Je rêve ou le regard de cet inconnu se balade sur moi? Putain c'est bien un pervers !

"Natasha c'est ça?

- Ouais."

  Sec et sans hésitation ! Mais merde d'où il connait mon nom lui ?

"Ton frère m'a beaucoup parlé de toi, m'informe le soupçonné pervers.

- C'est pas que je m'ennuie mais je dois ramener ce cadavre dans son lit, dis-je en indiquant Alexie du regard.

- Tu vas pas pouvoir toute seule."

  Ne me sous-estime pas personne non identifiée ! J'ai assez de force pour faire le casse noisette avec toi ! Mais bien sûr je ne vais pas dire ça...

"C'est pas ton problème.

- T'es aussi peu aimable qu'une porte de prison, tu le sais ça?"

  Outch...En plein cœur... Je meurs... Et non pauvre con ! Garde tes répliques toutes faites pour les influençables de notre espèce pathétique. Je ne prends pas la peine de répondre. Trop de contact humain épuisant depuis mon réveil, je préfère mettre fin à celui-là. Alors que je me baisse pour aller soulever mon frère, mon estomac fait entendre ses plaintes. T'as bien choisi ton moment toi ! Ça casse tout ! Comment perdre toute crédibilité en une seconde... J'ose regarder dans la direction de l'inconnu qui devant mon regard menaçant ne peut s'empêcher de rire. Les gens qui rigolent je ne les comprends pas. J'ai oublié comment on faisait. Je reste immobile telle une statue de sel vide d'expression tout en l'observant. Il finit par se calmer. Merci mon dieu d'agir en ma faveur pour une fois ! Il quitte la salle par une porte dans le fond et je reste perplexe.

C'est le moment de fuir !

  Pourquoi je reste là moi? Mais pas le temps pour une conversation avec moi-même qu'il revient déjà un sandwich emballé dans du film plastique à la main. Il me le tend mais je ne réagis pas.

"Pervers et voleur... pensai-je à voix haute."

  Oups... Il rigole beaucoup plus. Je l'ai sûrement insulté.

A ton avis idiote !

  Faut que je romps ce silence gênant tout de suite pour décamper d'ici en vitesse !

"Euh...Non merci, ça ira. Je vais y aller.

- Je travaille ici. Donc t'inquiète c'est pas du vole et je te toucherai pas, les sacs d'os c'est pas mon truc."

  Ok, là ça fait presque mal. Je l'ai mérité mais bon pas besoin d'être aussi méchant comme le reste du monde ! Je n'ose rien dire ni même bouger. Ses mots, son ton, son regard dur, tout me rappelle la haine de ma mère envers moi. J'attire la cruauté des autres, je le mérite sûrement. Il prend mon bras et dépose le sandwich dans ma main. Je me retire instantanément de son emprise et fais quelques pas en arrière. J'essaie de retrouver mon calme et c'est plus facile dans l'obscurité de la nuit. Maintenant qu'il le dit je reconnais sa voix, c'est lui qui m'a prévenu. Drôle de façon de le remercier, je sais.

"Manges, m'ordonne-t-il.

- Je ne reçois pas d'ordre d'inconnu.

- Je suis Mathys, détail réglé maintenant bouffes."

  J'ai une magnifique hallucination ! Sa tête a explosé ne laissant derrière lui que des morceaux de pastèque ! Il servira au moins à quelque chose dans sa vie ! Me nourrir! Pourquoi il rigole lui ?

T'as encore pensé à voix haute, juste pour t'informer.

  Je suis fatigué cette nuit... Je fais que des gaffes ! Je suis pas censée être expressive, ça tue tout mon personnage. La bonne chose c'est qu'il est moins en colère à moins qu'il se moque juste. Je ne sais pas trop. Il est bizarre lui.

"T'es bizarre toi, m'informe inutilement ce Mathys.

- Oublie ce que tu viens d'entendre.

- Pas envie.

- Sois pas buté, c'était juste une erreur de scénario.

- Si tu le dis mais j'ai une excellente mémoire, dommage pour toi."

  Pour une raison que j'ignore je me suis assise sur le sol, loin du vomi de mon frère qui marmonne toujours, et commence à manger le sandwich. Poulet crudité ! Ce que je préfère ! Jour de chance! Je lève les yeux me sentant observer.

"Ouais je t'observe mais je suis pas un pervers donc manges et après je vous ramène en voiture.

- Si tu y tiens."

  Tu peux crever pour un merci ! Même si c'est de rigueur. Ce ne sont pas mes parents qui vont venir me le reprocher. Fatiguée des conversations, je choisis le silence pour le reste de mon petit repas qui se révèle succulent pour un sandwich.

***

  Me voilà dans la voiture d'un inconnu, mon frère saoul couché sur la banquette arrière. Tout ce qu'il faut éviter ! Je devrais regarder plus de séries policières ainsi j'aurai davantage conscience de mon imprudence. Malheureusement je n'ai pas le temps pour ce genre de distraction. J'indique la direction à suivre et très vite on arrive à destination. Avec une voiture on fait un gain de temps qui me serait bien utile mais encore une fois le budget ne permet que de rêver. Malgré que je lui interdise, Mathys s'entête à transporter mon frère jusqu'au seuil de chez moi. Aucun son ni aucun massacre ne se fait entendre de l'autre côté de la porte alors je prends le risque d'ouvrir espérant ne pas croiser ma mère. Je marche devant Mathys qui porte en silence mon frère jusqu'à son lit. Nathan nous insulte au passage mais rien de bien surprenant venant de lui. Attention au sommeil de la star! Alors que j'allais conduire ce barman hors de chez moi le plus gentiment possible, je me rappelle que ma sœur Méganne se prend pour une chauve-souris et sort toute la nuit je ne sais où ! Jamais de repos je vous le dis ! Je me précipite à ouvrir la porte juste en face de celle des garçons et pénètre dans ma chambre. Je soupire en remarquant la présence de ma soeur dans son lit avec son éternelle capuche. Malheureusement, elle écoute de la musique au lieu de dormir. Situation presque parfaite. Mais au moins je peux dormir tranquille et elle m'épargne le cache cache en pleine nuit.

"Dors, lui ordonnais-je avant de refermer la porte."

  Je marche vers l'entrée suivie par Mathys qui ne doit pas tout comprendre enfin j'espère parce que je sais que Alexie parle beaucoup trop quand il est saoul. J'ouvre la porte et lui indique d'un geste du bras la sortie. Il s'exécute et je ne perds pas de temps pour lui fermer la porte au nez bien trop crevée pour improviser un au revoir poli qui ne serait pas sincère. Aller hop au lit ! Il est plus de 2h30, je tiens plus, mes paupières vont faire grève si ça continue à ce rythme. Je file donc dans ma chambre, évidemment Méganne ne dort pas. Obéis un jour ! Bref je monte sur le lit du dessus, retire mes habits que je dépose au bout du lit et reste en sous-vêtement sous la couette car oui je n'ai pas vraiment de pyjama non plus. Alors que je ferme les yeux, une voix presque inaudible me parvient:

"Bonne nuit.

- Bonne nuit Méganne, dis-je en souriant."

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