Prologue

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  Les cris n'arrêtaient pas. D'une part et d'autre de la pièce, deux femmes animées par la haine, s'insultaient sans retenue. L'une possédait une apparence soignée. C'était une grande rousse au corps élancé portant une jupe crayon bleue nuit avec un chemisier blanc crème ainsi que de ravissants escarpins. Cependant la colère et la peine déformaient les traits doux de son visage et son chignon qu'elle avait certainement réalisé avec soin laissait alors place à quelques mèches rebelles. En face d'elle, la seconde femme semblait beaucoup plus pitoyable. Son visage pâle, ses cernes violacées autour de ses petits yeux bleus, sa chevelure blonde emmêlée ainsi que sa tenue débraillée, lui donnaient un air désespéré. Entre elles, légèrement en retrait, un homme bien installé dans un beau costume et qui pour la première fois depuis longtemps ressentait l'impuissance. Son regard dur fixait une enfant de l'autre côté de la pièce. Il serrait les poings et contractait la mâchoire face à ce malheureux spectacle. Ils se trouvaient en plein milieu d'un grand repas, tous les invités n'osaient bouger de leur chaise mais certains se laissèrent aller à quelque chuchotements méprisants. Quel tableau étrange pour une petite fille, spectatrice silencieuse et apeurée de la scène. Elle mit ses mains sur ses oreilles et tourna le dos pour fuir cette réalité terrifiante. Des larmes inondaient ses joues de bébé, son corps tremblait de peur et elle murmurait sans cesse "Pardon". Mais rien n'y faisait, les cris s'intensifiaient.

"Cette femme est ta putain et cette gamine ta batarde hein ! s'exclama la femme rousse en s'adressant à l'homme planté là depuis le début."

  Tous les invités restèrent bouche bée face au vocabulaire utilisé dont il n'avait jamais pris l'habitude en public. On blâmera l'alcool et la situation pour justifier une telle attitude. Pendant une fraction de seconde les deux femmes rivales supplièrent l'homme du regard, le regard dur et accusateur de sa femme prit le dessus et il répondit calmement.

"C'était la femme de Maxime je ne l'ai pas revu depuis l'enterrement. Crois-moi Evy je n'ai qu'une femme dans ma vie et c'est toi. Je n'ai aucun intérêt à faire ça à notre famille, à tout ce qu'on a construit ensemble.

- Tu n'es qu'un menteur ! Un lâche ! Une merde ! s'indigna l'autre femme.

- Vous et votre enfant, sortez de chez moi, ordonna t-il d'un ton sec. Regardez ce que vous avez fait à ma femme."

  Evy semblait croire son mari et s'accrocha à son bras en fusillant du regard cette inconnue menaçant sa famille. Les invités regardèrent la mère de la petite fille comme une bête de foire, ce qui accentua sa rage. Elle sortit de sa poche son portable puis montra une série de photos plus parlantes qu'aucun mot à la femme crédule. Une fois de plus, elle se décomposa devant les preuves évidentes de la double vie de son mari. Elle fondit en larme, fit volte face et écrasa sa main sur le visage de cet homme qu'elle haïssait désormais avant de fuir. Une des invités d'une soixantaine d'années, se précipita pour la rejoindre ainsi qu'une adolescente qui fixait jusque-là la petite fille avec un mélange de colère et de curiosité. Un vieil homme trônant au bout de table tel le patriarche de la famille se leva sans un mot et se dirigea vers cette enfant seule et terrifiée. Il s'accroupit devant elle et lui caressa ses cheveux blonds vénitiens et lui adressa un large sourire. Son comportement surprit tous les invités y compris la petite fille qui écarquilla ses petits yeux d'un vert émeraude rougis par les larmes. Puis il détourna son regard pour attacher son attention sur celui qui avait délibérément menti à tous et déclara d'un ton rempli de reproche:

"Cette petite a tes yeux Ben.

- Mais ce n'est pas ma fille."

  A l'entente de ces mots, la jeune fille s'effondra encore davantage. Ce Ben de son vrai nom Benjamin Vilier, prit sa maîtresse par le poignet et la traîna hors de sa maison malgré ses plaintes. La jeune fille connue le même sort mais n'émit aucune résistance. Seul l'homme plutôt âgé lui adressa un sourire compatissant. La porte claqua derrière elle et son père la jeta contre sa mère et fut repoussée à nouveau par cette dernière. La petite blonde était tombée sur le gravier, ses mains étaient légèrement coupées et saignaient ainsi que ses genoux qui étaient écorchés cependant nul ne s'en préoccupait. Elle se releva donc sans se plaindre, sans un bruit avec toujours les mêmes larmes silencieuses qui coulaient sur son visage.

"Marie rentres chez toi, lui conseilla son amant d'une voix plus douce.

- Ne fais pas ton numéro d'hypocrisie avec moi Ben ! Tu allais nous abandonner enfoiré !"

  Sa maîtresse tendit dangereusement sa main mais son geste fut arrêté dans son élan. Il lui avait saisit le poignet et son visage se contracta de nouveau puis il échappa un rire nerveux qui pétrifia Marie.

"Tu me fais pitié depuis toutes ces années et c'est comme ça que tu me remercies? Je n'allais pas vous abandonner, je vous abandonne. Tu penses peut être que je vais prendre le risque de perdre ma famille, ma femme pour vous ? Je suis désolé de t'apprendre que ça n'a jamais été mon intention. Tu devrais prendre soin de toi et surtout de tes enfants plutôt que de te mêler de choses qui ne te regardent pas. Tu y penseras à deux fois la prochaine fois que tu sors avec un homme marié et que tu donnes son adresse à tes enfants. Maintenant, je vais essayer de rattraper tes bêtises et celles de ta fille."

  Après ces mots, l'homme se retourna et rentra dans la maison sans adresser la moindre attention à son enfant. Ce fut la dernière image de son père. L'amour d'un père et d'une mère, la chose qui peut sembler la plus naturelle à obtenir, lui fut alors interdite. Sa mère agrippa la chevelure blonde de l'enfant et la tira jusque dans sa voiture. Les cris recommencèrent et jamais ne cessèrent.

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