« J’ai fini mon cœur! » crie Alice. Sa voix retentit dans ma tête. Je l’entends. Mais un laps de temps s’écoule avant que je sorte de ma mélancolie. Je me lève, mécaniquement, et m’engouffre dans ce nuage de buée. Je traîne mon corps jusque dans la douche, règle la température de l’eau sur 38 degrés et m’assoie. Repliée sur moi-même. Les genoux contre ma poitrine, l’eau frappe en premier ma nuque et termine en une cascade le long de ma chair. Cette chair qui m’a servi d’échappatoire tant de fois. Mes bras tailladées en secret, souvent accompagné d’alcool ou de drogue anesthésiaient la douleur. La lame entaillait mon épiderme d’une ligne fine et droite.
L’eau continue de ruisselait sur mon visage emportant sur sa descente quelques larmes.

J’ai 26 ans et je ne sais toujours pas comment gérer mes émotions. Un rail, un joint, une vodka ou plusieurs et c’était fini. Je n’ai plus d’échappatoires à présent. Ma santé s’en porte mieux, certes, mais comment dois-je faire ? Ce serait plus facile de retrouver mon confort. Le confort d’oublier mes tourments pour un instant.

J’ai 26 ans et je gère mes émotions en baisant. Oui, j’aime qu’on me fouette, qu’on m’attache, qu’on me chatouille, qu’on me fasse éprouver des sensations. Des sensations assez fortes qui domineront toute cette tristesse, colère et rancœur confinées en moi.

Je me relève. Augmente l’eau à 41 degrés. C’est chaud. Presque brûlant. Ma peau devient écarlate. Mais peu importe, je me savonne sous cette lave.

Après une bonne vingtaine de minutes cloîtrée entre ses parois, je me glisse hors de la douche. Attrape du bout des doigts ma serviette abandonner sur le radiateur, et me plante devant le miroir. «Quelle mine de déprime.» me chuchote ai-je. «Essayons de camoufler cette gueule avec du maquillage.». Je continue de marmonner toute seule, en prenant machinalement mon fond de teint. Le liquide appliqué à l’aide d’un pinceau me donne meilleur allure. Je poursuis avec un peu de blush pour faire rougir mes joues et un trait d’eye-liner pour sublimer mon regard. Je me vêtis d’une mini-jupe en cuir, noire et d’un chemisier blanc.

Je saute à pieds joints devant Alice et lui dit «Me voilà prête chérie!». Elle m’agrippe par la taille, replace une mèche de cheveux derrière mon oreille et me dépose un baiser sur la joue. «Allons-y alors.»

Je m’installe sur le siège passager, enfonce ma clé USB et choisis I’d come for you du groupe Nickelback.
Je ne sais pas où Al’ m’emmène, je sais seulement qu’elle a préparé un pique-nique. Elle a toujours des folles idées, mais toutes aussi romanesques les unes que les autres. Elle est parfaite. Vous savez, la personne que dont rêvez. Attentionnée, cultivée, forte, belle évidemment. Enfin je vais pas vous expliquer, vous comprenez. Eh bien cette personne que j’ai tant cherchée, désespérémment, sans jamais y croire, c’est elle. Alice.

Je m’extirpe de mes pensées et relève la tête. Au loin, j’aperçois la mer. J’esquisse un large sourire. Le bruit, l’odeur et la beauté de celle-ci me rendent joyeuse. Alors je la remercie de m’y avoir emmené. «De rien mon amour. Peux-tu juste tenir ça s’il te plaît?» me demande-t-elle. Elle s’empare de la glacière et son autre main flirte avec la mienne.

Nous nous dirigeons sur un sentier décoré de pétales de roses. Main dans la main, nous marchons jusqu’à atteindre la plage. Au large de l’eau une couverture nous attend. Quelques cailloux reposent sur ses coins pour empêcher le vent de l’emporter. «Je t’en prie, assieds-toi mon ange» me dit-elle. Je défais mes talons et m’installe.

Ma chérie sort de son freezer quelques bières, des toasts au saumon et un panier de tomates cerises. Les amuse-bouches ainsi que le rafraîchissement qu’elle me propose me correspondent entièrement.

Je dépose la boîte qu’Alice m’a donné. «Qu’y a-t-il dans cette boîte?». Ma curiosité est plus forte que moi.
«Tu le sauras bien assez tôt. Soit patiente.» me réponds-t-elle, laissant un suspense autour de cette question.