Lᴇ ᴘʀᴇᴍɪᴇʀ sᴏᴜʀɪʀᴇ♭

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Il n’avait suffi que d’un simple sourire.
C’était tout ce que ça avait pris… un sourire.

Un simple exercice facial honnête ou malavisé, qui avait transformé ma solitude si profonde en un bonheur à nul autre pareil ; moi qui ait toujours été si triste et accompagnée de ma seule personne, je découvrais les mots « deux » et « ensemble ». Etrange sonorité à mes oreilles que ces mots, quand l’unique mélodie qui m’a toujours bercée était le silence de mes larmes, alors que je tentai de me consoler dans mon grand lit vide. Il ne devait pas être si grand, seule ma peine l’était en effet.
Mais, tout ce tourment avait disparu en un mois avec un sourire ; si contagieux que je découvrais que moi-même je pouvais en faire un, sincère. Puis plusieurs.
C’était magique.

Pourtant, c’est aussi ce qui a mis fin à ma vie.

Quelle débile… quelle imbécile, maintenant que j’y repense j’aurai pourtant dû comprendre que tout était faussé dès le départ.

Je me revois dans ce miroir encore aujourd’hui, et la seule chose qui me revient c’est toujours ce sourire enivrant, que j’aurai dû fuir.

Je scrute l’écran de mon ordinateur portable avec une concentration des plus sérieuses. Mes yeux dévient involontairement vers l’heure qui défile sur ma barre de tâches.

Argh ! Je ne devrai pas mais, je perds patience, c’est maintenant ou jamais. J’ai besoin de savoir si j’arriverai à m’en sortir encore un jour de plus.

A la minute où je reçois une notification, mon cœur fait un bond, et toutes les invocations que j’ai en tête ne suffisent pas à le calmer. Je me lance. Et c’est là. C’est ce jour que j’apprends que c’est fini.

L’amère déception et la frustration grandissante en moi à ce moment, je m’en souviens encore parfaitement. De toute façon connaissant mon parcours j’aurai dû me préparer à ne pas avoir de chance, mais c’est toujours pareil avec moi, j’espère que des miracles me tombent dessus comme une pluie providentielle et que tout se réparera.

Mais la réalité elle est brutale, elle est dure, elle fait si mal qu’on a l’impression que tout ça n’est qu’une blague de mauvais goût.

« Pourquoi ça n’arrive qu’à moi » ou « pourquoi ça ne peut pas changer » ? C’est sûrement ce que j’ai dû me dire ensuite, je ne suis plus sûre.

Eh bien voilà, c’est fini.

Je viens de me faire renvoyer pour de bon, je ne vais pas pleurer ni crier, rien de tout ça.

Je passerai simplement le reste de mes deux prochaines journées recluse dans le coin de mon lit, ressassant comment inlassablement je suis une erreur, comment je ne mérite que tout ce qui m’arrive. D’ailleurs j’aurai perdue connaissance deux fois durant, sans m’en rendre compte.

Je ne peux appeler personne, je n’ai personne. Des amis ? Ca fait bien longtemps que du haut de mes 23 ans que j’ai rayé toute présence amicale de mon entourage. De la famille ? Tous m’ont tourné le dos. Des connaissances ? Ironiquement, même les gens qui ignorent tout de moi, ne peuvent pas me saquer.
Ne reste plus que moi. Et voilà. Je ne me supporte déjà plus.
Et cette dernière nouvelle était la raison de plus de mettre fin à mon existence, personne n’avait besoin de moi de toute façon. Je partirai, c’était aussi facile que ça. Je partirai dans un silence.
Mais avant… Il fallait que je me rende à l’institut d’où je venais de me faire renvoyer pour récupérer mes affaires. Je ne les avais pas voulu, eux non plus. Je les amènerai dans mon grand voyage avec moi donc.

Quatre jours plus tard, me voilà au pied de l’immense entrée de ce qui était il n’y a pas si longtemps mon lieu de travail. Le conservatoire me parait bizarrement plus joyeux que toutes les fois où j’y ai mis pied. Peut-être parce que je m’en vais ? Sûrement.
De toute façon je n’ai jamais aimé cet endroit.
Résolue, je passe l’entrée munie de mon carton, et je me fais accueillir aussitôt par Sylvie toujours aussi rayonnante et charmante, qui est chargée de m’accompagner à mon bureau. Je ne l’écoute pas vraiment parler, puisque tout le long du chemin mon regard se fixe sur toutes les salles que je connais mieux que ma propre maison.

Cet endroit, c’était mon chez-moi.

Ne pas pleurer, ne pas pleurer, je ne dois pas pleurer.
Heureusement personne ne me fixe, ils sont tous trop concentrés sur leurs cours pour me prêter attention, ou juste que je suis invisible ; parce que je jurerai que c’est la cinquième fois en 5mn que Sylvie se fait complimenter sur sa nouvelle coupe de cheveux.
Je m’en fiche de toute façon, ce ne sont que des détails, après ce sera fini.

J’ai l’impression de subir un chemin de croix lorsqu’au final j’entends la jeune blonde me lancer un « Nous y voilà. Enfin je suppose que vous connaissez déjà ». Suivi d’un rire gêné, auquel je ne prends même pas la peine de répondre, je veux juste que ça se termine. Alors je me contente de hocher la tête et je pousse la porte de mon bureau.

Et je découvre un monde qui apparemment m’attendait pour je ne sais quelle raison exactement. Le premier visage que je reconnais c’est celui du directeur dans son costume, ce qui me fait froncer les sourcils. J’aurai crû qu’en effet son mail était assez clair pour comprendre qu’il ne voulait plus de moi ici.
Et puis…
Lentement, je tournai la tête et je comprenais de plus en plus que je n’aurais peut-être pas dû venir, et qu’au diable mes instruments et mes affaires de bureau, il aurait mieux valu qu’ils finissent à la décharge.
Le sentiment de dégoût et de pitié, mêlé à une peur et une angoisse que, j’ignorais jusque-là en moi, se déclenchèrent tous à la fin; tant et si bien que je ne tenais plus en place sur mes propres jambes. Je manquais de reperdre connaissance.

Dans cette pièce j’apercevais chacun des visages qui avait participé à ma descente aux enfers, tous plus souriants les uns que les autres ; leur hypocrisie si flagrante qu’elle me donnait un haut le cœur affreux. Mais rien n’était plus visible que ce sourire-là. Je ne voyais plus que lui, alors que le directeur réhaussait ses lunettes et me parlait sans que je ne l’entende.

Son regard, son air si calme, et sa posture si droite pendant qu’il tenait dans ces mêmes mains qui m’avaient touché et réconforté, un gâteau d’adieu.

C’était plus qu’il ne le fallait.

Ma conscience s’en allait au fur et à mesure que ma tête me faisait de plus en plus mal, ma vision devenant de plus en plus floue, je me sentais partir.
Je me sentais plonger dans des abysses et, les seules choses que mon esprit ressortait de ses profondeurs étaient des souvenirs chaleureux et doux, pourtant empreints d’une cruauté inoubliable.

Et lui… il me regardait couler. Il savait qu’il avait gagné. Son air satisfait me le prouvait.

Et moi… je…

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