Bonheur symphonique passager♭♭

5 minutes de lecture

Je sursautai quand le bruit d’une trompette se fait soudainement entendre.

Je soupirai et lançait un regard confus, plus pour moi-même qu’autre chose d’ailleurs. C’est vrai… J’étais en plein cours.

J’ai comme l’impression que pendant un moment j’étais comme absente. Constatant visiblement mon étourdissement, mes élèves les plus assidus s’empressent déjà de me rafraichir la mémoire et, je ne peux que faire un mouvement de la tête pour reprendre ma leçon.
Je regardais distraitement l’horloge au mur tout en essayant de les guider par la même. Je ne pensais qu’à une chose.
Plutôt à « une personne », que je brûle d’envie de voir, au point que je supplie l’horloge du regard de précipiter ses gambettes contre le cadran. Ce qui m’arrache un rire amusé, et un sourire qu’évidemment mes élèves me font automatiquement remarquer, piqués de curiosité.
Je leur lance un sourire espiègle et les remet aussitôt au travail, après tout je ne peux rien leur dire, c’est censé être un secret.

Ca fait un moment que j’ai fini mon cours, je suis encore confuse par l’écart que j’ai eu plus tôt ce matin, ça ne m’arrive pas vraiment quand je suis concentrée.
Mais je suppose que je manque de sommeil, et j’en ai profité pour noyer mon inquiétude dans une bonne tasse de café. Loin d’être le meilleur pour ma santé, mais je n’ai pas fini ma journée, il faut que je carbure.
Je me tourne lentement dans mon fauteuil observant pour la centième fois mon bureau, que je connais par cœur. Ca va bien faire 3 ans que je travaille dans ce conservatoire, aucune pièce ne m’est inconnue, tout comme ma maîtrise des instruments.
Je n’ai jamais été du genre à m’exprimer, mais ça a été inné dès que j’ai placé mes doigts sur un piano pour la première fois. Puis j’ai enchaîné les autres tout aussi passionnément que je le pouvais et j’ai fini ici.
Je sais que mon parcours a été dur, que je n’avais aucun entourage, aucun soutien même si mon esprit a occulté ces moments de ma mémoire, mais j’aime vraiment mon bureau. Je ne crois pas travailler pour le salaire ou quoi que ce soit. Mon appartement le démontre bien, j’aime juste la musique, j’aime le fait de trouver un refuge en son sein ; car pour les autres je ne suis pas approchable et compréhensible.

J’ai appris à faire avec le jugement des autres, de toute façon on est bien obligé quand on a personne d’autre que soi.

Je ferme les yeux, imaginant chaque détail de mon décor de travail ; de la plus petite agrafeuse à mon tableau de Modigliani. Art et musique vont de pairs dirait-on.

La quiétude se dessine sur mon visage, je le sens.

Du moins je suis tellement prise dans ma représentation intérieure, que je n’ai pas le temps de comprendre ce qui se passe, quand mon fauteuil se retourne et que ma tasse de café lévite, hors de mes mains, à 3cm de mon visage pris d’étonnement.

-Le café ? Vraiment ?

-Eeh ? Je ne te permets pas.

-Je me permets dans ce cas ma chère. Ce n’est pas bon pour ta santé.

-Tu proposes donc de me remplacer pour mes cours ?

-Moi un violoniste de bas étage ? Je n’oserais pas voyons.

Je fais un sourire à l’étranger, pas si étranger que ça, alors que je reprends mon breuvage, triomphante.

-Bien, raison de plus pour me laisser reprendre où j’en étais.

Il soupire avec un air adorable pourtant, s’avouant vaincu. Encore une fois, mais je ne le souligne pas, il le prendrait mal.

-Et tu n’es pas un violoniste de bas étage, je te ferai remarquer que tous mes élèves ne rêvent que d’une séance de cours privé avec le grand et l’unique Mr Carell.

-Elan pour les intimes évidemment

-Evidemment !

Je retourne mon fauteuil pour l’ignorer et fais mine d’observer mon plafond.
Il laisse échapper un rire et retourne une nouvelle fois mon siège, appuyant sa prise contre les bras de ce dernier afin que je ne puisse pas bouger.

-Est-ce que je sens de la jalousie ?

-Non. Seulement l’odeur de mon délicieux café instantané que tu ne me laisses pas savourer Elan.

-Définitivement de la jalousie Mlle Loyd.

-Annie pour les intimes.

-Ok ok j’arrête. Tu es beaucoup trop forte pour moi. Je capitule. Armistice !

Il fait un signe de croix avec ses mains qui m’arrache un pouffement involontaire. Les révolutionnaires français se retourneraient dans leurs tombes s’ils le voyaient à ce moment.

-Si tu penses à une référence historique dans ta tête, ton instantané passe à la trappe ma chère.

Je tiens mon mug loin de lui avec un air innocent.

-Touché.

Je regarde par la fenêtre de mon bureau, mais je sais qu’à cette heure il n’y a pas un chat, puis reviens à lui. Je l’observe et je finis par fermer les yeux, comme avec mon bureau et ma zone de confort, je me l’imagine en tête. Ses longs cheveux bruns, ses yeux noirs aussi fins qu’espiègles quand il s’agit de m’embêter, tout le reste… et surtout son sourire. Celui qui a fait se dérider mon être depuis un an maintenant.

Je sais qu’il me regarde avec un sourire en ce moment même, et ça me fait rigoler doucement.

-J’aime bien quand tu fais ça. Tu n’imagine pas le sourire que tu as au visage. C’est mignon.

-Tu n’arriveras pas à me faire rougir Elan, mais bien tenté.

Je l’entends prononcer un « zut » adorable et j’ouvre enfin les yeux alors qu’il me regarde.

Pas besoin de dire quoi que ce soit, on a pas besoin de mots entre nous. Je pense qu’on est télépathes.
Et je reste là à l’observer gardant chaque détail, chaque trace de son visage en tête, j’aime ces moments. Je l’aime vraiment. Parce que je sais que je ne le mérite pas.

Je ne l’ai jamais mérité, pas même depuis ce jour où par hasard je l’ai conduit à ce qui allait être son futur travail ici. Pas même après que je lui ait remonté le moral involontairement et qu’il n’a cessé de me sourire, jusqu’à ce que mon cœur se décide à flancher, car personne ne m’avait jamais souri aussi sincèrement.

Je le regardais dans les yeux, me remémorant toujours ces moments.

-Je t’aime

Et comme d’habitude il esquissait ce sourire si chaleureux, étais-je déjà tombée autant amoureuse d’un sourire de toute ma vie? Il me caressait les cheveux.

-Je t’aime ma belle.

C’était toujours comme ça. Depuis un an, il m’en semblait plus.

J’allais bien… je crois. C’est ce qui s’en rapprochait le plus pour moi.

Pourquoi n’avais-je rien vu venir ?

J’aurai dû apercevoir autre chose dans ce regard, mais je crois que j’étais plus aveugle que je ne le pensais.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire oelounD ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0