Chapitre 16 : Disparition ?

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Tomy se redressa en sursaut. Il lui fallut plusieurs secondes pour reprendre son souffle et retrouver ses esprits, tant le cauchemar qu’il venait de faire lui avait paru réel. Une légère brise soufflait dans les branches du grand saule, les faisant onduler en un lent ballet hypnotisant et le ciel était encombré d’une fine couverture nuageuse qui diffusait une lumière solaire d’un rose très pâle. Malgré l’apparente humidité, Tomy n’avait pas froid ; le fond de l’air était doux et la fraîche odeur du matin planait dans la brume.

— Oh la la… ma tête, dit-il en plaçant ses mains sur son visage.

Il secoua la tête puis regarda autour de lui ; le soleil semblait sur le point de se lever et il prit conscience de l’endroit où il se trouvait.

— Pourquoi je suis encore là ? demanda-t-il à haute voix, papa et maman n’ont pas remarqué que j’étais pas à la maison ?

— En fait… ils ne sont pas là… répondit calmement une voix grave dans son dos.

Tomy fit volte-face et ouvrit de grands yeux ronds de stupeur en découvrant Bruce, debout sur ses pattes arrière, qui le fixait avec un sourire en coin.

— Toutes mes excuses, Tomy, je ne voulais pas te faire peur, s'excusa-t-il en s’avançant vers le jeune garçon.

— Mais comment tu… commença Tomy.

— Je ne le sais pas mieux que toi, ah ah, rit Bruce, je me suis réveillé dans ton lit ce matin et une petite voix dans ma tête m’a dit de te rejoindre au pied du grand saule.

La peluche hocha la tête en souriant, puis posa sa patte sur le bras de Tomy.

— Je suis soulagé de voir que tu vas bien, mon ami, souffla-t-elle en se pendant au cou du jeune garçon.

Tomy resta interdit une seconde, mais la douceur du faux pelage de Bruce et l’étrange chaleur qu'il dégageait le rassurèrent. Il serra son ami de toujours dans ses bras, lorsqu’un rugissement rauque et sourd se fit entendre dans le lointain.

— Qu’est-ce que c’est ? demanda Tomy en relevant la tête.

— Je ne sais pas et je ne suis pas certain de vouloir le savoir… répondit Bruce sur un ton effrayé, on devrait retourner à l’intérieur, tu ne crois pas ?

Sans attendre, Bruce se mit à courir en dodelinant en direction de la maison. Tomy se releva pour le rejoindre et, voyant qu’il courrait beaucoup plus vite que lui, le prit dans ses bras au passage.

Arrivé à la porte de la terrasse arrière de la maison, Tomy frappa en s’époumonant pour appeler ses parents, mais elle resta fermée à double tour. Il soupira, puis se tourna vers Bruce :

— Par où es-tu sorti ?

— Par là !

La peluche désigna la fenêtre de la chambre de Tomy, au premier étage de la maison.

— Mais… comment es-tu descendu ?

— Je suis en peluche, j’ai simplement sauté ! Je n’ai pas d’os susceptibles de se casser, contrairement à toi, ah ah ah ! Oh... je vois où tu veux en venir…

— Rah… allons voir la porte d’entrée, suggéra Tomy en grommelant.

Malheureusement, elle s'avéra aussi bien verrouillée, tout comme les fenêtres du rez-de-chaussée.

— Bon, ben… on n’a pas le choix ! À moins de casser une vitre, il va falloir escalader jusqu’à la fenêtre de ma chambre ; c’est la seule qui est ouverte !

— Tu pourrais me lancer !

— Quoi ? Comment ça ?

— Oui, tu pourrais me lancer jusqu’à la fenêtre et une fois à l’intérieur, je descendrais t’ouvrir la porte.

— Je crois pas être assez fort pour ça…

— Je suis persuadé que tu peux y arriver ! affirma Bruce en attrapant sa main avec un grand sourire confiant.

Soudain, le rugissement se fit à nouveau entendre, mais bien plus proche.

Sans plus de réflexions, Tomy attrapa Bruce par la taille et le lança dans les airs de toutes ses forces. Le malheureux rata de quelques centimètres le bord de la fenêtre et s’écrasa mollement sur la terrasse.

— Oh mon Dieu, Bruce ! Tu vas bien ? l'interrogea Tomy en se penchant sur lui.

— C’est vraiment dommage que tu ne puisses pas essayer, c’est très amusant ! Je pourrais faire ça toute la journée, plaisanta-t-il en se relevant.

L’horrible cri résonna une nouvelle fois autour d’eux et Bruce sauta dans les bras tendus de Tomy. Ils firent une nouvelle tentative et Bruce parvint à s’agripper au rebord, avant de se hisser à l'intérieur.

Les minutes qui séparèrent l’instant où Bruce ouvrit la porte parurent durer une éternité pour Tomy. Une fois à l’intérieur, ils verrouillèrent la porte derrière eux au même instant où le rugissement se fit entendre, encore plus proche.

Tomy courut dans toute la maison en appelant ses parents, mais aucune réponse ne vint briser le pesant silence qui régnait. En passant dans la cuisine, un morceau de papier bleu attira son attention sur la table. La note n’était griffonnée que d’un seul mot.

— Qu’est-ce que c’est ? demanda Bruce.

— J’en sais rien… y a juste marqué « Hopkins »...

Accablé par l’incompréhension et au bord des larmes, Tomy se dirigea vers la cheminée du salon et se laissa tomber lourdement sur le fauteuil dans lequel Lucy adorait lire.

— Où sont-ils ? pleura le pauvre garçon.

— Je suis sincèrement désolé, Tomy... mais je n’en ai aucune idée... s'excusa Bruce en posant sa patte sur son épaule.

— Tu crois qu’il leur est arrivé malheur ? l'interrogea Tomy en se tournant vers lui.

— Je suis certain que non ! Ils ne sont juste… pas ici...

— Et s’ils ne revenaient jamais ?

Tomy baissa la tête entre ses genoux.

— Tout est ma faute… je suis le pire enfant et le pire copain qu’on puisse avoir…

— Allons, ne dis pas de bêtises plus grosses que toi. Tu es le fils et l’ami que tout le monde rêverait d’avoir !

— Tu dis ça juste pour me remonter le moral…

— Absolument pas ! Tomy, depuis combien de temps nous connaissons-nous ? Depuis combien d’années me confis-tu tes secrets ?

— J’en sais rien… cinq ou six ans ?

— Ton père m’a ramené dans cette maison le 22 avril 1981, le jour de tes deux ans. En huit ans, combien de fois as-tu oublié de me souhaiter une bonne journée, le matin, avant de partir pour l’école ? Aucune !

Tomy renifla bruyamment en s’essuyant le nez avec la manche de son sweat-shirt. Il leva la tête vers Bruce qui le regardait avec une tendresse et une affection notables malgré ses yeux de plastique noir.

— La vérité, c’est que je n’aurais jamais pu rêver être adopté par une famille plus gentille et aimante que la tienne. Savais-tu que ta maman me lave tous les vendredis matin ? Elle est si gentille qu’elle m’a toujours lavé à la main, jamais à la machine, pour que je n’aie pas peur. Et les matins, quand ton père se lève tôt pour aller au travail et qu’il passe dans ta chambre pour t'embrasser ? Il me fait toujours une petite tape amicale sur la tête. Je ne suis peut-être qu’une peluche faite de polyester et de plastique, mais grâce à vous, j’ai toujours senti que je faisais partie de la famille, comme si j’étais une vraie personne.

Tomy esquissa un sourire. La plaidoirie de son ami le touchait profondément. Même s’il ne comprenait pas encore comment il pouvait se tenir debout devant lui et parler, il prit conscience qu’après toutes ces années à ses côtés, Bruce le connaissait bien mieux que n’importe lequel de ses parents ou amis.

— Je n’ai aucune idée de ce qui nous attend… mais je serai avec toi ! Peu importe les dangers !

Tomy essuya une larme qui perlait aux coins de ses yeux. Il attira Bruce vers lui et murmura :

— Merci, mon ami...

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