Chapitre 15 : Vilain Garnement.

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6h30.

Le radio réveil JAZ MOFIC s’alluma sur la station WSC 102 FM.

Mais au lieu des habituelles informations du jour, un grésillement aigu réveilla le pauvre Tomy en sursaut. Il se frotta les yeux, puis, cherchant à tâtons son cher Bruce, fut stupéfait de ne pas le trouver dans son lit. Une pâle lumière perçait péniblement aux travers des épais rideaux et il ne parvint pas à apercevoir son fidèle ours en peluche dans la pénombre ambiante. Le fond de l'air était glacial, tant et si bien que le jeune garçon crachait un nuage de condensation à chaque expiration. Il descendit aux pieds du lit et enfila sa petite robe de chambre aux motifs dinosaures, ainsi que ses pantoufles, puis se dirigea vers le radiateur en fonte. Ce dernier était si froid que le contact du métal glacé lui donna la chair de poule.

— Le chauffage est pt'être cassé, pensa-t-il en quittant la pièce.

En descendant l'escalier, il perçut des voix provenant de la cuisine dont la porte était fermée. Lorsqu'il fut assez proche pour entendre ce qu'elles se disaient, il reconnut celles de son père et de sa mère. Il s'avança sans faire de bruit et posa son oreille contre le bois froid.

— Je suis tellement déçue. Jamais je n'ai imaginé en arriver à une telle extrémité.

— Je comprends, ma chérie, mais nous n'avons pas d'autre choix.

Interloqué par le sujet de leur conversation, Tomy se décala vers le trou de la serrure pour observer discrètement la scène.

La cuisine était nimbée d'une douce lumière dorée, chaleureuse et réconfortante. Sa mère, dont les magnifiques cheveux blonds nattés retombaient sur une longue robe vaporeuse en mousseline parme, déposa une assiette formidablement garnie devant son père qui lisait son journal attablé. Lorsqu'il l'abaissa pour admirer le plat, Tomy remarqua qu'il portait une chemise blanche sous un pull en laine bleu ciel, et que ses courts cheveux châtains étaient gominés en arrière. Il porta sa tasse de café fumant à la bouche, lorsqu'il écarquilla soudain les yeux.

— Ah, tu es là, Tomy ! Entre.

La porte s'ouvrit avec douceur, tandis que ses parents le dévisageaient, un inquiétant sourire béat sur le visage.

— Nous parlions justement de toi, mon chéri, lança sa mère en posant sa main sur l'épaule de son époux, ton comportement nous pousse à prendre une décision radicale, mais nécessaire.

Tomy resta interdit plusieurs secondes dans l'encadrement de la porte avant que son père ne reprenne :

— Ta mère a raison, ce n'est pas de gaieté de cœur, mais allons devoir te ramener à l'orphelinat. D'ailleurs, s'il n'avait tenu qu'à moi, je t'aurais abandonné dans la forêt pour te donner la leçon que tu mérites.

Tomy ouvrit de grands yeux, muet d'incompréhension face aux terribles propos de ses parents.

— Tu es une telle déception, reprit sa mère, après tout ce que nous avons fait pour toi, ce sont là tes remerciements ?

— Mais je... de quoi vous parlez ? balbutia-t-il avec un sanglot dans la voix.

— Tu veux que je te rafraichisse la mémoire ? retorqua son père tout en continuant de sourire béatement, tu as poussé le pauvre petit Aftalion sous les roues d'une voiture sans raison ! Aussi, nous ne savons pas encore ce que tu as fait à la petite Myers pour qu'elle se retrouve à l'hôpital, mais je te jure que nous allons le découvrir !

— Surtout qu'à cause de ton attitude impardonnable, ton père et moi avons failli nous séparer, reprit sa mère, ta simple présence nous a poussée à nous détester l'un l'autre et ça, c'est inacceptable, jeune homme !

Soudain, dans un mouvement mécanique chorégraphié, son père se leva de sa chaise, puis la repoussa contre la table, avant d'attraper la main de sa mère qui se tenait droite face à la porte. Ils échangèrent un regard niais en arborant le même sourire crispé, puis tournèrent leur attention vers Tomy qui se tenait figé face à eux. Avec une synchronisation parfaite, ils commencèrent à marcher dans la direction du pauvre garçon qui, apeuré, recula jusqu'à trébucher sur l'ourlet du tapis de l'entrée.

En se relevant, il voulut jauger la distance qui le séparait de ses parents et laissa échapper un cri de frayeur en remarquant que leurs visages avaient disparu. Ils n'étaient plus que deux mannequins, machinalement articulés, qui avançaient d'un pas déterminé dans sa direction.

— Attends que je te donne une correction, hurla une voix fantomatique qui se répandit dans la maison.

Dans un élan de courage, Tomy courut vers la porte d'entrée et sauta à l'extérieur de la maison avant de la refermer avec précipitation. Le ciel était vert et encombré d'épais nuages noirs, faisant planer une atmosphère lugubre autour de lui. Un épais brouillard ceinturait la maison et il lui était impossible de voir à plus d'un mètre.

Un frisson lui parcourut l'échine lorsqu'il entendit la porte grincer en s'ouvrant. Sans réfléchir, il se mit à courir en direction du grand saule pour se réfugier dans sa cabane. C'était là le seul repère qui lui restait dans l'océan de brume qui l'entourait.

Arrivé aux pieds de l'arbre, il prit une seconde pour reprendre son souffle, mais déjà les deux mannequins déguisés s'approchaient à grands pas. Il escalada l'échelle de lattes clouées aussi vite qu'il lui était physiquement possible, lorsqu'une main agrippa son pied et le tira en arrière. Le pauvre garçon bascula dans le vide, redoutant l'instant où il s'écraserait au sol. Mais au lieu de se briser les os sur la terre gelée, il plongea dans un abime sombre et sans fond, aspiré par un néant qui l'étouffait inexorablement...

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