La semaine suivant l’accident, Lucy et Jeffrey se rendirent au Texas pour rencontrer maître Anderson et régler une bonne fois pour toutes cette histoire d’héritage. Malheureusement, les choses ne se passèrent pas comme ils les avaient imaginés ; pensant repartir avec quelques effets personnels et une somme d’argent quelconque, c’est en laissant un chèque conséquent pour une dette de casino et une facture funéraire exorbitante qu’ils repartirent pour le Wisconsin, le jour même. Jack était mort sans le sou, sa vie entière tenant dans une petite valise, et hormis une strip-teaseuse du nom de Candice, personne n’était venu à sa crémation. Ce dernier coup en traître de sa part ne passait pas pour Jeffrey, et même si Lucy tenta de lui faire voir le bon côté des choses, son humeur demeura massacrante pendant plusieurs semaines, altérant significativement leurs échanges.

Zach sortit de l’hôpital le 1 avril, après trois semaines de convalescence mouvementées. Son « aventure » avec Tomy s’était rapidement ébruitée, le propulsant au rang de star improvisée. Ses camarades, certains professeurs, mais aussi de nombreux anonymes se pressèrent au chevet du « miraculé », comme ils le surnommèrent. Il eut même droit à une interview sur la chaîne locale Hello Phillips, lui offrant un quart d’heure de gloire télévisé.

Le 20 avril, les médecins lui retirèrent le bandage de son bras qui s'était rapidement remis. Il lui restait tout de même plusieurs mois de rééducation en perspective. Mais malgré sa jambe toujours plâtrée, il lui était impensable d'imaginer manquer la fête des dix ans de son meilleur ami, le 22 avril. Car même si le fâcheux accident du 10 mars les avait conduit vers un lot de punitions méritées, cet événement les avait beaucoup rapprochés, soudant leur amitié pour l’éternité.

Durant ce laps de temps, Tomy prit régulièrement des nouvelles d’Erin auprès de sa mère, Jessica. Mais la pauvre enfant ne fut pas autorisée à quitter l’hôpital à la suite de ses examens, et c’était là tout ce que Tomy savait de son état de santé. Une ignorance difficile à vivre qu’il fit de son mieux pour supporter. Malgré son triste état de santé, il lui parla à plusieurs reprises au téléphone, ce qui lui remonta grandement le moral. Jessica lui confirma même qu’elle serait probablement sortie de l’hôpital à temps pour se joindre à sa fête d’anniversaire. Une affirmation qui mit le jeune garçon dans un état d’excitation extrême durant plusieurs jours.

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21h15.

Vendredi 21 avril 1989.

— Tu es sûr que tout sera prêt pour demain ? demanda Tomy avec une excitation palpable, tandis que Lucy le bordait dans son lit.

— Oui, mon chéri. Tout sera parfait, tu verras. Maintenant, tu dois dormir si tu veux être en forme pour en profiter.

Elle remonta la couette jusqu’à ses épaules puis déposa un baiser sur son front.

— Dors bien, mon ange.

— Merci maman, toi aussi.

Il lui sourit avant de se tourner vers le mur en serrant Bruce dans ses bras, tandis que Lucy quittait sa chambre sans un bruit. Elle ferma la porte et descendit les escaliers pour rejoindre Jeffrey dans la cuisine.

Il se frottait les yeux, les coudes sur la table, lorsqu’elle passa à côté de lui et posa sa main sur son épaule.

— Tout va bien, chéri ? demanda-t-elle.

— Oui, ça va, dit-il sèchement, juste une atroce migraine.

— Ces derniers temps, tu as beaucoup trop travaillé, tu devrais prendre quelques jours de repos.

— Oh, merci du conseil, je n’y avais pas pensé, cracha-t-il sur un ton sarcastique, je te rappelle que si je travaille autant, c’est pour rembourser nos vingt-cinq mille dollars de dette !

— Cette dette n’est pas de mon fait, que je sache !

— Peut-être, mais si tu n’avais pas insisté pour que l’on aille à Dallas régler cette histoire, c’est l’état qui s’occuperait de cet argent !

Lucy éclata d’un rire nerveux en le dévisageant.

— Tu penses sérieusement que l’état aurait remboursé l’ardoise d’un ivrogne sans une petite pensée pour toi, son unique fils et bénéficiaire testamentaire ? Serais-tu devenu soudainement naïf ?

Il balaya sa question d’un geste de la main.

— Et toi, tu penses que de nos jours, une famille peut s’en sortir avec un seul salaire ?

Elle ouvrit de grands yeux et une bouche ronde d’effarement.

— Oh ! Mais c’est toi qui as insisté pour que je reste à la maison ! À l’époque, j’aurais accepté ce poste de secrétaire, si tu ne m’en avais pas dissuadé !

Jeffrey poussa un petit rire de dédain en la regardant du coin de l’œil.

— Et tous nos problèmes seraient résolus grâce à ton petit salaire de secrétaire à mi-temps ! Alléluia !

Il leva les mains au ciel puis les frappa sur la table.

— Calme-toi enfin, chuchota-t-elle, tu vas réveiller Tomy !

Il soupira, secoua la tête et se prit le visage dans les mains.

— Je suis désolé, c’est juste que… c’est tellement injuste ! Il n’a jamais été un père pour moi, et c’est tout ce qu’il me laisse…

Lucy s’agenouilla à ses côtés et posa sa main sur sa joue. Son regard plongea dans le sien, et il esquissa un sourire.

— Tout va s’arranger, tu verras, dit-elle en posant son autre main sur la sienne, ce n’est que de l’argent. L’important, c’est que nous soyons ensemble, tous les trois.

Elle se releva d'un bond et posa ses poings sur ses hanches.

— Tomy aura dix ans demain, ce n’est plus un petit garçon, il peut se débrouiller seul. Dès lundi, je me mets en quête d’un emploi, si tu es d’accord ?

Jeffrey se leva et attira Lucy vers lui en l’attrapant par la taille.

— Pourrais-je rêver d’être marié à une femme plus parfaite que toi ?

— Hum... possible… mais aucune chance que l’une d’elles veuille de toi.

Jeffrey éclata de rire tandis que Lucy tentait de garder un visage impassible. Il se mit alors à la chatouiller, inondant la pièce de son éclat aiguë.

Lorsqu’il s’arrêta, il contempla son visage quelques secondes. Des larmes de joies lui humidifiaient les joues, et l’excitation leur donnait un joli teint rose.

Sans un mot, il passa ses mains dans sa nuque et attira sa bouche vers la sienne pour y déposer un tendre baiser.