Chapitre 10 : Le cœur a ses raisons…

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6h30.

Le radio réveil JAZ MOFIC s’alluma sur la station WSC 102 FM et les actualités du vendredi 10 mars 1989. Tomy manqua de tomber hors de son lit tant il se jeta rapidement sur le bouton snooze. Il n’avait qu’une chose en tête : revoir Erin.

Après s’être habillé en quatrième vitesse et avoir embrassé Bruce, il dévala l’escalier en trombe. En jetant son cartable sur le petit banc, il fit basculer le porte-manteau, étalant sur le sol les vestes et écharpes de toute la famille.

— Eh bien ! Tu es pressé à ce que je vois, dit Jeffrey en l’aidant à ramasser la pile de vêtements.

— Pardon papa...

La raison de son excitation étant parfaitement claire pour Jeffrey, il ne lui en tint aucune rigueur.

— Ce n’est pas grave. Va prendre ton petit déjeuner, champion. Je vais ranger.

Tomy lui sourit et courut vers la cuisine d’où provenait une délicieuse odeur.

— Bonjour, mon chéri, dit Lucy en se penchant vers lui.

Il tendit une joue sur laquelle sa mère déposa un baiser.

— Ça sent super bon, maman, qu’est-ce que c’est ?

— Pain perdu, œufs brouillés et saucisses grillées !

Elle amena la poêle vers la table et garnit généreusement l’assiette de Tomy qui se rua dessus tel un affamé.

— Doucement ! Tu vas t’étouffer si tu manges trop vite, lança-t-elle en riant.

Jeffrey qui les avait rejoints, pouffa de rire à la vue de sa bouche pleine comme celle d’un hamster.

— Ta mère a raison, mange plus lentement s’il te plaît, somma-t-il d’un ton plus sérieux, nous savons que tu es content de revoir Erin, mais ce n’est pas une raison pour en oublier les bonnes manières.

Tomy déglutit, s’excusa et reprit son repas plus calmement.

Quelques minutes plus tard, devant la porte d’entrée, il enfila son manteau puis se tourna vers ses parents pour les embrasser.

— Passe une belle journée, mon champion, lança Jeffrey en lui tendant son cartable.

Sa mère lui vissa son bonnet sur la tête.

— Oui, passe une belle journée, je t’aime, dit Lucy en le prenant dans ses bras.

— Je vous aime aussi, lança Tomy avant de sauter hors de la maison en direction du bus.

En montant les trois marches, il repéra la première banquette disponible et s’y installa. Inutile pour lui de chercher Zach, son père le déposait à l’école en voiture tous les vendredis après sa séance hebdomadaire de rééducation oculaire. Le pauvre était né avec un strabisme sévère, nécessitant des séances régulières chez un spécialiste.

Vingt minutes plus tard, le bus s’approcha de la rue Ruby. Tomy sentit son cœur s’accélérer. Malheureusement, il continua sa route comme si de rien n’était, et Tomy comprit qu’Erin ne viendrait pas.

Ses yeux se remplirent de larmes et lorsqu’elles commencèrent à couler sur ses joues, il se tourna vers la fenêtre en se cachant sous son bras.

Au même moment, dans la petite cuisine aux meubles beiges, Lucy finissait la vaisselle pendant que Jeffrey lisait son journal en sirotant une tasse de café fumant. Lorsqu’elle attrapa son torchon pour essuyer les assiettes, elle se tourna vers lui.

— Tu ne vas pas être en retard au bureau ?

— J’ai décidé de prendre ma journée et de la passer avec toi, dit-il en posant son journal devant lui, tout sourire.

— Oh ! Et puis-je savoir quel est ton programme ?

De sa chaise, il l’attrapa par les hanches et l’attira vers lui.

— Eh bien… j’ai pensé que nous pourrions prendre une douche, comme l’autre jour… dit-il en dénouant doucement la robe de chambre en dentelle blanche de Lucy.

— Toute la journée ? lança-t-elle sur un air faussement sérieux.

Il l’attira sur ses genoux avec délicatesse et passa ses bras autour de sa taille.

— Douterais-tu de mes performances ? répondit-il en la chatouillant.

Elle se débattit quelques secondes puis commença à l’asticoter à son tour. À bout de souffle, il lui attrapa les mains.

— Tu as gagné, ma chérie, dit-il en l’embrassant. Que dirais-tu d’aller faire les boutiques avant de déjeuner dans un petit restaurant sympa ?

Lucy fronça les sourcils.

— Aurais-tu besoin de nouveaux costumes ?

— Non, je parle pour toi. À quand remonte la dernière fois où tu t’es fait plaisir ?

Elle ouvrit la bouche en levant les yeux, fouillant dans sa mémoire.

— J’avoue que je ne me rappelle pas… mais je n’ai besoin de rien.

— J’insiste ! Aujourd’hui, c’est ta journée. Et je t’offrirai tout ce qui te fera plaisir.

Il plongea ses yeux dans les siens, lui indiquant qu’elle n’aurait pas d’autre choix que d’obtempérer.

— D’accord, acquiesça-t-elle en se levant. Mais d’abord, tu m’as promis une douche !

Tout en douceur, elle laissa glisser sa robe de chambre sur le sol puis se dirigea d'un pas nonchalant vers la porte. Jeffrey esquissa un sourire et lorsqu’il se leva, tous deux se mirent à courir en direction de leur chambre, inondant la maison de leurs rires coquins.

8h05.

Le bus s’arrêta devant l’école élémentaire. Tomy fut le dernier à se lever de son siège, le visage rougi par les larmes et la déception. Zach, qui l’attendait devant la porte du bâtiment, remarqua aussitôt son air défait.

— Mince, Tomy ! Qu’est-ce qui t’arrive ?

— Erin est toujours pas revenue… dit-il en réprimant une nouvelle vague de larmes.

— Zut… je suis désolé mon pote… répondit Zach et lui tapant sur l’épaule. Tu crois qu’elle est toujours malade ?

— J’en sais rien…

Zach se redressa d'un mouvement vif en se touchant le menton, les yeux pleins de malice.

— Et si on allait la voir ?

— Comment ça ?

— Ben, la ferme Jenkins est à une heure de marche, à tout casser. On sèche les cours, et on va voir Erin !

— T’es cinglé ! On va se faire tuer !

— Hey ! Je propose une solution à ton problème, moi ! C’est pas ma petite amie que je sache !

— Rohh, mais c’est pas ma petite amie !

— Bien sûr, tu pleures depuis trois jours parce que c’est juste une copine, hein !

Tomy s’apprêtait à lui répondre lorsque la sonnerie retentit. Pris de court, il jeta un regard à Zach qui, sans réfléchir, l’attira vers les buissons bordant la sortie du parking. Juste a temps avant que Mr Smith passe la tête par la porte de l’établissement pour vérifier qu’il n’y avait plus d’élèves à l’extérieur.

— OK, il faut qu’on se dépêche avant qu’ils remarquent notre absence et appellent nos parents, chuchota Zach.

— Mais maintenant, on fait quoi ? demanda Tomy.

— Par ici, répondit Zach en lui faisant signe de le suivre.

Le plus discrètement, possible les deux garçons se dirigèrent vers la piste cyclable qui longeait l’avenue principale.

— On va remonter jusqu’au pont de la rivière Elk, en passant par les petites rues pour pas se faire remarquer. À la sortie de la ville, il y a un sentier qui passe à travers les champs jusqu’à la ferme.

— Comment tu sais tout ça ? demanda Tomy, dubitatif.

— Avec mes frères, on passe par là à vélo pour rentrer à la maison quand on part en balade. Le chemin est à l’écart de la route, personne pourra nous voir.

Surpris par l’assurance des propos du petit Zach, Tomy le suivit sans broncher tandis qu’il avançait déjà d’un pas déterminé.

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