Introduction : Papa et maman

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Le dimanche 22 avril 1979, à 5 h 32 du matin, naquit Thomas Jeffrey Nathaniel Prescott, fils de Jeffrey Edward Prescott et de Lucy Mathilda Jefferson, un charmant jeune couple vivant aux bords du lac Solberg dans la petite ville de Phillips, état du Wisconsin.

Avec ses 3kg84 pour 52 centimètres, les infirmières le qualifièrent de beau bébé.

Très vite, ses parents le surnommèrent Tomy. Lucy avait toujours souhaité prénommer son premier fils Thomas, comme son propre père, un héros américain décédé pendant la guerre de Corée en 1952.

Son deuxième prénom, Jeffrey, était évidemment celui de son père. Quant à Nathaniel, c'était un hommage au prêtre qui les avait mariés six ans plus tôt. N’ayant que peu connu son père, Jeffrey refusa d’imposer son prénom à son fils.

Jack était un ivrogne et joueur de casino invétéré qui n’avait eu aucun scrupule à abandonner femme et enfant lorsqu’il gagna l’astronomique somme de 12 625 dollars à une table de Blackjack de Dallas. Cela peut paraître peu d’argent de nos jours, mais dans les années 1960, c’était une somme plutôt rondelette.

Un coup dur que la mère de Jeffrey dût encaisser sans broncher. Habitant à Fairfield dans un Texas conservateur, aucun ne se gêna pour rejeter la faute du divorce sur la pauvre Mary Gabrielle, trouvant nombres d’excuses à son ex-mari.

À 14 ans, Jeffrey fut contraint de travailler pour aider sa mère à subvenir aux besoins du foyer. Enfant unique, peu gâté, jamais il ne rechigna à la tâche pour aider sa mère à garder la tête hors de l’eau.

Le matin du mardi 7 mars 1967, tandis que Mary Gabrielle se rendait à pied à son travail, un conducteur de semi-remorque de la compagnie Fairfield Express INC la renversa sur le trottoir alors qu’il s’était endormi au volant, la tuant sur le coup.

À 17 ans, Jeffrey se retrouva totalement livré à lui-même avec 1541 dollars en poche, le dédommagement versé par la société de transport. Il dépensa la majeure partie de cet argent pour offrir une sépulture décente à sa mère, avant de quitter Fairfield et le Texas pour toujours, souhaitant ainsi tirer un trait définitif sur ces douloureux moments.

Il posa ses valises dans la petite ville de Phillips, dans le Wisconsin, et trouva rapidement un emploi dans une entreprise locale de vente en porte à porte. C’est d’ailleurs de cette manière qu’il rencontra la belle Lucy.

Le matin du 6 août 1971, il avait frappé à la porte d’une charmante petite maison en bardage blanc, juste au bord du lac Solberg. La jolie Lucy lui avait ouvert, et ce fut instantanément le coup de foudre.

Jeffrey avait vingt et un ans et Lucy vingt-deux.

Tragiquement, la mère de Lucy décéda tout juste un an après leur rencontre, de complications dues à une pneumonie mal soignée. Le jeune couple décida alors de s’installer dans la maison.

La bâtisse n’était ni grande, ni à la mode des maisons modernes du début des années soixante-dix, mais sa proximité avec le lac offrait un cadre de vie exceptionnel et une vue imprenable. Il y avait, au fond du jardin qui donnait sur le lac, où un immense saule avait été planté, un ponton en bois duquel l’on pouvait sauter dans l’eau pour se baigner. Il y avait aussi une barque que le père de Lucy utilisait pour pêcher avant son départ pour la Corée en 1950.

Lucy avait tout juste un an lorsqu’il fut envoyé à la guerre. Son père espérait offrir une vie plus confortable à sa famille à son retour. La mère de Lucy disait toujours qu’il n’appréciait pas la maisonnette, la trouvant trop rudimentaire dans l’Amérique du grand boom de l’après-guerre mondiale. Mais c’était tout ce qu’ils avaient pu s’offrir.

Bien que construite à la fin des années 1940, le jeune couple y voyait un havre de paix idéal pour élever leurs futurs enfants.

Le 6 août 1973, Jeffrey et Lucy se dirent oui devant le père Nathaniel de l’église Baptiste de la ville. Un petit mariage très intime, comme ils le souhaitaient.

Leurs revenus augmentant au fur et à mesure que Jeffrey gravissait les échelons de son rêve américain, ils transformèrent la maisonnette en une véritable maison familiale, la faisant passer de soixante-cinq mètres carrés, à cent vingt. Ils firent construire un étage et ajoutèrent une extension pour créer le jardin d’hiver dont rêvait Lucy.

Pour ne pas être en reste, Jeffrey fit construire un grand garage non attenant à la maison, et y installa son atelier. Passionné d’automobile, il adorait bricoler Lydia, sa magnifique Plymouth Barracuda modèle 1968. Un petit bijou qu’il chérissait au moins autant que sa femme, même s’il lui avait toujours affirmé le contraire.

Pendant plusieurs années, le jeune couple tenta d’avoir un enfant. Mais au bout de trois fausses couches, ils se tournèrent vers un spécialiste qui leur annonça la mauvaise nouvelle. Une malformation génétique rare touchant l’utérus de Lucy empêchait le fœtus de s’y accrocher correctement. Une opération restait possible, mais les minces chances de réussite les poussèrent à privilégier le bien-être de Lucy.

Un matin d’octobre 1978, après avoir vomi son petit déjeuner pour la troisième fois de la semaine, Lucy décida de consulter son médecin. Elle manqua de s’évanouir dans son cabinet lorsqu’il lui annonça qu’elle était enceinte de trois mois. Le soir même, elle faillit à nouveau régurgiter son repas sur Jeffrey lorsque, emporté par l'émotion, il la fit tournoyer dans les airs.

Puis, le 22 avril 1979, précisément à 5h32 du matin, leur maison se transforma enfin en foyer.

Le petit Thomas Jeffrey Nathaniel, dit Tomy, venait de naître.

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