3. La révolte

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C'était pour sûr la pièce la plus somptueuse du château. Peu d'espace en comparaison de la taille du de l'édifice, mais  le raffinement et la précision y régnaient. Lorsqu'on pénétrait à l'intérieur, on pouvait en premier lieu être attiré par cet immense tableau représentant une scène de bataille très largement enjolivé. Broam de Bret à la tête d'une armée, combattant la vermine. Cette peinture reproduite de nombreuses fois, était très certainement la plus éloquente.

Il s'avérait guère aisé maintenant pour un chevalier de prouver sa valeur, mis à part peut-être en déjouant bravement quelques rares émeutes, ou attaques de brigands.

Le roi Alorda aurait aimé être un de ces héros, figé sur la toile, ainsi tout aurait été plus simple pour lui.

Érigées pourtant dans cette même pièce, des statues imposante à son effigie, plus ou moins proches de la réalité selon l'artiste, tentaient de lui rendre une allure fière et digne d'un grand roi. Mais la fierté, voilà bien un sentiment qu'Alorda ne connaissait pas.

Une table épaisse sans assise autour comblait le centre de la pièce. Ce plan horizontal esquissait en fait une carte du continent. Une prouesse d'ébéniste de la région, dont les reliefs du terrain renvoyaient à la perfection.

Le temps semblait peut-être venu de redonner de l'utilité à cette projection du royaume.

Justement, sur cette réflexion, on frappa à la porte.

Un domestique entra, courbant le dos et inclinant la tête.

– Le duc de valaire, votre majesté.

– Qu'il entre, fit le roi en agitant mollement sa main. Et dites au garde à l'entrée que personne ne nous dérange.

– Vos ordres sont lois monseigneur.

Le sujet resta immobile, prenant soin de ne pas poser le regard sur son souverain, attendant que le duc entre, puis ferma la porte.

Le duc se présenta devant le roi. Un personnage bien connu du château par ses nombreuses allées et venues. Les joues bien remplies, la barbe fournie aussi rousse que ses cheveux et le teint rosé de sa peau, lui donnaient un air bourru. La panse bien rebondie laissait deviner qu'il passait plus de temps à table qu'a se maintenir une quelconque forme.

– Mon roi, fit le duc avec un léger mouvement de tête.

– Et bien Valaire, commença le roi en posant une main sur son épaule. Quelles sont les nouvelles ? Rassurez-moi, j'ai peur que les choses aillent trop vite !

Le duc fut surpris de cette marque d'attention de la part du roi, mais cela lui sembla être de bon augure.

– Allons Sire, ce n'est pas le moment de douter, les ''choses'' avancent normalement. Cela fait assez longtemps que nous préparons tout cela.

– Fort bien mais dites moi, qu'en est il des actions menées ?

– Depuis la création de l'Ordre Ussarien, nous avons triplé nos partisans. La bannière franche est un succès total...

L'Ordre Ussarien. Nom donné par certains hommes à une cause, désirant que le continent soit nettoyé de toutes créatures non-humaines. Les Gurs comme ils les appelaient.

Ce parti, avait vu un grand nombre de membres rejoindre leurs mouvements. Au départ, ils enrôlaient les hommes par de simples discours, conspirant de ville en ville. En expliquant, que les Gurs étaient une menace pour la paix du royaume, qu'ils volaient le travail, et que les moindres maux sur ces terres, provenaient de leurs faits.

L'Ordre avait mis en place une odieuse stratégie pour faire rallier plus d'hommes et de femmes à leur cause.

Dans la citadelle d'Ebur, un des seul vestige encore debout de la période des guerres sauvages. L'ordre y installa son fief, formant des prophètes qui sillonaient les villages pour annoncer des catastrophes à venir.

Et à chaque fois, les créatures étaient la cause de soit disant destructions du monde humain.

Leurs paroles étaient bues par ceux qui venaient les écouter. Le bouche à oreille se répandait comme une trainée de poudre dans le royaume.

La personne qui adhérait aux idées de l'ordre, devait verser un tribut. Et se voyait octroyer un coutelas avec la bannière franche gravé sur la lame.

L'ordre voulant rester caché, ne menait pas d'actions grossières, leur but étant dans un premier temps, de se constituer un plus grand nombre de partisants.

Les prêtres de l'ordre affichaient dans chaque parties du royaume des missions que les membres devaient effectuer. Cela pouvait être pour un petit village, de mettre a sac des fermes de Gurs. Pour une ville, de crever les yeux d'un gobelin tenancier. Mais l'objectif que devait garder en tête les fidèles, demeurait dans l'annonce du jour de la purification. Un appel au rassemblement des troupes de la bannière franche.

Alorda ôta nerveusement sa main.

– Je veux des chiffres Valaire ! Je veux des détails concrets, cessez de me prendre pour un enfant, cela a le don de mettre hors de moi.

– J'entends bien sir, et sachez que je suis venu ici avant tout pour vous les communiquer ! Donc comme je vous le disais, la bannière franche dépasse ce que nous avons espéré, le travail des prophètes pour faire ouvrir les yeux de la populace a été plus qu'efficace.

Le duc toussa légèrement et lorgna sur une bouteille posée toute proche, espérant faire comprendre à son souverain l'envie de se désaltérer.

– La trésorerie de l'ordre, reprit il presque tristement, déborde tant le nombre de partisans gonfle de jours en jours. Au moment où l'on parle, nous sommes forts de dix mille cinq cents hommes et femmes, sans compter bien sûr les forces militaires du royaume.

– Que me chantez-vous là ? Vous espérez que je puisse partir en guerre avec si petite armée ? Nous parlons de paysans, que voulez vous qu'ils constituent des soldats dignes de ce nom ?

– Les paysans constituent des milices efficaces, et nous en avons déjà discuté monseigneur, croyez bien que cela suffira amplement. Les Gurs mettront du temps à réagir, ils sont divisés et n'auront d'autres choix que de fuir le royaume. Cela nous laissera le temps de parfaire notre armée.

– Vous savez Valaire que je place en vous une confiance aveugle. Si vous parvenez à accomplir ce projet de nettoyer la terre de ces créatures, alors je ferai de vous un des représentants les plus hauts placé du royaume.

Après quelques nouveaux toussotements, le duc s'engouffra dans la brèche que lui ouvrit le roi. 

– J'imagine sir, que vous avez pensé m'octroyer une place de premier choix... au plus près de vous pour mieux vous conseiller... comme... la place de votre soeur ?

Le regard soudain pris au dépourvu, le roi se sentait comme pris au piège de son propre discours.

– Et bien... oui, cela va de soit !répondit-il.

– Et j'aimerais personnellement pouvoir combler cette dame et affermir nos relations par une union.

La pêche est parfois affaire de chance, se dit le duc, je lance la ligne à tout hasard...

– Allons Valaire ! Vous ne pensez tout de même pas... Enfin je veux dire que ma soeur est une dame respectab...

Alorda se retint de terminer sa phrase déjà trop avancée.

– Vous ne perdez pas le nord ! se reprit il, Je serai ravi de voir ma sœur entre de si bonnes mains que les vôtres, mais laissons nos plans se dérouler et reparlons de cela après notre réussite.

Un large sourire se discerna à travers son épaisse barbe. Le duc se sentait comblé que sa petite tentative qui lui semblait perdue d'avance, ait finalement portée ses fruits.

– Tout est parfait Monseigneur... une dernière chose, un village entier de nain à été rayé de la carte selon une mission des prophètes, les hommes de l'ordre ont laissé deux survivants, des femelles m'a-t-on rapporté.

– Très bien, faites moi pendre deux hommes de la bannière franche, pour montrer que le roi n'est en rien responsable de ce massacre ! Personne ne doit connaître ma participation à cet Ordre Ussarien, le moment n'est pas encore venu.

– Et les femmes Orc ?

– Faites les conduites au château en leurs promettant de les reloger et de les indemniser grassement. Arrangez-vous pour les Gurs alentours aient vents de la bonté du roi. Et une fois qu'elles seront entre nos murs...

– Je connais deux ou trois tortionnaires effica...

– Ma soeur ne doit pas entendre les cris depuis les prisons !

– Ne vous en faites pas sir, certaines potions privent de la parole, autrement les cordes vocales leurs sont rapidement arrachées.

– La discrétion est encore de mise Valaire, ce n'est pas le moment de tout gâcher.

– Rien ne peut faire remonter ces actes jusqu'à vous sire, nous avons bien d'autres personnes à qui faire porter le chapeau si jamais quelqu'un cherchait à trouver un coupable.

– Je me méfie surtout du conseil. Ces espèces de détraqués verraient bien placer un de leurs membres à la tête du royaume !

– Un gueux au pouvoir, s'esclaffa le duc.

– Bientôt, ils goûteront à ma vengeance ! Ils se frottent les mains de me savoir sans héritier. Mais je n'ai pas dit mon dernier mot.

– J'ai assez de bâtards seigneur pour en trouver un qui vous ai quelconques ressemblances...

– Crois-tu que je n'y ai pas déjà songé ? Le conseil invoquerait trouverai une rusé médicinale pour authentifier que mon sang coule dans les veines de l'enfant ! Non... Il me reste une dernière chance de tous les berner.

– Monseigneur... ?

Certains sujets ne demandaient pas à être révélés, ce pourquoi Alorda hésita à en faire part à son complice. Sa soeur n'approuverait aucunement un excès de confiance, surtout envers un personnage qui l'a rebutait au plus haut point.

– N'avez vous jamais entendu parler de L'Orus de Praven ?

– Tout le monde connaît cet artefact sire, mais il est juste un pouvoir de protection rien de plus...

– Pourquoi croyez vous qu'un simple bouclier soit autant convoité depuis tant et tant de générations ? Il permet à celui qui le détient de vivre éternellement ! C'est bel et bien un bouclier, mais contre le temps qui passe.

– Personne ne pourra donc plus vous tuer ?

– Je pourrai toujours être tué ou blessé, mais je ne ressentirait plus les effets des années. Si je ne peux avoir de descendance pour assurer ma lignée, alors je siégerai pour l'éternité.

– Tout le monde sait que cet artefact est gardé par une crevure d'homme rat de Port Autan !

Le duc cracha dans sa manche, comme si le simple fait d'énumérer cet être le dégoutait.

– Pourquoi n'envoyez-vous pas un contingent de l'armée du royaume raser sa demeure ?

– Maudit soit cette sale race de rat puant ! Je l'aurai fait depuis longtemps si ce Titsh n'était pas aussi influent ! Croiyez-moi que j'ai dépensé des sommes folles par le biais de mes assassins pour tenter de le faire disparaître !

C'était avec un regard rempli de haine que le souverain parlait.

– Mais sa réputation ne le précède que trop bien ! Mon père avait un respect profond pour cette erreur de la nature, et m'a toujours mis en garde de ne jamais me retrouver sur sa liste noire.

Serrant son point comme pour écraser ses folles pensées, Alorda laissa sa colère le gagner.

– Je fais le serment, de le faire disparaître ainsi que tous les maudits Gurs de notre royaume !

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