Chapitre 43 Renaissance

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1957, 21 avril


Lord Batten avait assisté à l'extraction des sceaux. Le médecin avait essayé d'être délicat. Beaucoup plus que lui ne l'aurait été avec le cadavre d'une morte. Quoiqu'il en soit, les 4 médaillons aux formes diverses baignaient maintenant dans une solution désinfectante près de lui. Là où s'étaient trouvés les artefacts, la peau avait été brûlée laissant voir la chair à vif cerclées de boursouflures hideuses. Le sorcier pensa brièvement à la douleur épouvantable qu'avait dû ressentir Etha lorsqu'Aloïs avait enchâssé les sceaux dans sa chair.

– Nous avons donc les 3 sceaux de notre Cour. Un quatrième dont j'ignore l'identité du propriétaire. Un élémentaire de feu à priori. Puis les deux qu'elle portait autour du cou : celui de la souveraine d'Irlande et celui d'Etha Milligan. Il nous manque toujours celui d'Aloïs Walsh. Or je ne vois aucune autre trace marquant la présence d'un sceau, même sous-cutané.

– Alors, il va falloir chercher plus profond.

– Vous êtes sûr ? Peut-être l'a-t-elle amené avec elle.

– Un esprit ne peut prendre avec lui quelque chose d'aussi matériel qu'un sceau ! Ne soyez pas ridicule ! Procédez ! s'exclama Batten en colère.

Il lui fallait le sceau de Walsh. Il comptait se servir de l'épisode dramatique qui avait eu lieu pour accuser la sorcière de tous les maux. Mais pour se prémunir contre toute attaque ultérieure de sa part, il devait s'emparer de son sceau. C'était là une occasion unique qui ne se représenterait pas de sitôt. Walsh à sa botte et les 4 Cours sous sa tutelle, il serait alors le plus puissant des sorciers. Suffisamment pour qu'enfin certaines cours européennes cessent de le snober. En absorbant les deux plus anciennes cours d'Europe, l'Angleterre qui n'était que la 6ème, se retrouverait devant toutes les autres, y compris celles de ces poseurs de français.

– Bien ! Bien ! Inutile de vous mettre dans cet état. Si le corps de Mlle Milligan recèle quoique ce soit, je le trouverai. Mais nous allons d'abord la passer à la radio. Inutile de tout découper, n'est-ce pas ?

Le médecin, aidé d'un assistant, posa le corps froid d'Etha sur la table d'examen de la salle du service radiologie de l’hôpital. Il était inhabituel de radiographier un mort, mais Harold McIntyre était chagriné à l'idée de découper cette pauvre jeune fille sans raison valable. Il était convaincu que le sceau d'Aloïs Walsh n'était pas en elle.

– Docteur McIntyre ?

Une infirmière venait d’apparaître à la porte. Elle tenait fermement un porte document et son regard dur n'augurait rien de bon.

– Oui ? Mlle Foller ?

– Je vous cherche depuis un moment, docteur ! L'inspecteur Carter vous attend depuis un quart d'heure déjà ! Et vous savez comme il est lorsqu'il doit attendre ?!

– Ohhh ! L'inspecteur Carter ! J'avais complètement...

– Oublié ?

– Excusez-moi auprès de lui. J'arrive immédiatement.

Convaincu par une longue pratique de la médecine légale que les morts ne se relevaient pas, McIntyre préféra privilégier les vivants. D'autant plus que l'inspecteur Carter pouvait se révéler très pénible dans son genre s'il était contrarié. Or, il détestait attendre.

McIntyre entraîna Lord Batten à sa suite après avoir demandé à son assistant de veiller à ce que personne n'entre (ni ne sorte, avait-il ajouté en souriant) de cette salle sans son autorisation.

– Écoutez, Lord Batten, je n'en ai pas pour très longtemps. Mais si vous ne vouliez pas attendre, je le comprendrais. S'il s'avère que le sceau est en elle, il me faudra du temps pour l'extraire. Je vous communiquerai tous mes résultats au plus vite.

– Humm ! Vous ne pouvez pas simplement vous débarrasser de l'importun ?

– Si c'était aussi simple, croyez-moi, je le ferais sans hésiter. Carter n'a jamais eu la réputation d'être quelqu'un d'agréable. Il attend mon expertise sur un meurtre et je ne peux la lui refuser. C'est là mon travail, voyez-vous.

Batten fit la moue avant de soupirer. Après tout, il avait les 6 autres sceaux. Si celui d'Aloïs se trouvait dans le cadavre de Milligan, comme il le soupçonnait, McIntyre le lui remettrait. L'assemblée exceptionnelle qu'il avait convoquée attendait sa présence.

Arrivés au sas de l'entrée, trop occupés par leurs propres pensées, aucun des deux hommes ne prêta attention à la haute silhouette qui passa en poussant un chariot transportant un corps dans une housse.


L'assistant du Docteur McIntyre, Sullivan Ekart, s'installa sur un des fauteuils inconfortables du couloir. Il sortit un journal de sa poche de blouse et commença à faire les mots croisés. Plongé dans des définitions obscures à la recherche de solutions qui ne venaient pas, il ne remarqua pas l'homme qui s'était faufilé jusqu'à lui sans un bruit. Il n'anticipa non plus le coup de poing qui le cueillit à la tempe, et envoya sa tête heurter le mur derrière lui. Il s'effondra comme un pantin.


Aloïs sourit. Ce corps lui allait comme un gant. À part le petit désagrément du sexe auquel elle allait devoir s'habituer, le reste était parfait pour servir ses plans.

Elle entra dans la salle radio et sans perdre de temps, se précipita sur le cadavre d'Etha. Armée d'un couteau, elle incisa au niveau du sternum et extirpa son sceau. De petite taille, le médaillon octogonal, tenait dans sa paume. Sans se préoccuper du sang qui le recouvrait, elle ouvrit sa chemise et l'appliqua sur la poitrine de son nouveau corps en marmonnant.

Irradiée de sa magie, elle reprenait possession de ce qu'elle était, et le sceau lentement commença à s'enfoncer dans sa chair. Sans un cri, les yeux fermés, elle acceptait la douleur. Elle la savourait. La peau se referma. Parfaite. Sans aucune trace.

Sans plus attendre et sans un regard pour le cadavre d'Etha, elle sortit tranquillement. La chasse pouvait reprendre. Et cette fois, elle ne se laisserait pas surprendre. Jusqu'ici, elle avait joué de malchance. La prochaine fois, elle prendrait ses ennemis l'un après l'autre. Ils n'auraient aucune chance de s'en sortir. Aucune.

***

Un souffle unique. Une longue inspiration venue du plus profond d'elle. Elle émergeait de son long voyage dans les brumes comme un plongeur qui aurait trop tardé dans les grands fonds. Elle vivait ! Brune l'avait ramenée à la lumière ! À la douleur aussi !

Chaque inspiration était une déchirure qui venait s'ajouter aux élancements de douleurs qui agitaient son corps meurtri. Elle souffrait. Elle souffrait infiniment. Elle tenta de se relever une première fois. Ses yeux se posèrent sur sa poitrine dont l'incision précise laissait s'échapper un filet de sang juste sous celle plus large que le couteau fatal qui avait tué Aloïs avait laissée. Puis son regard s'égara sur son abdomen martyrisé, sur son bras, enfin, lui aussi marqué. Elle se laissa retomber et manqua de hurler. Elle sentait encore la brûlure des sceaux et la morsure de l'acier froid des instruments chirurgicaux. Elle aurait voulu hurler mais n'en fit rien.

Son esprit plus alerte que son corps avait noté les détails qui révélaient où elle se trouvait. Elle devait fuir au plus vite. Son pouvoir était-il toujours là ? Allait-elle pouvoir s'en servir sans son sceau dans l'état de faiblesse où elle se trouvait ? Elle n'avait pas le choix pourtant. Il fallait qu'elle fuit.

Un seul sorcier pouvait lui venir en aide. Un seul. Findan.

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