Chapitre 14

5 minutes de lecture

Kendra se tenait en retrait, l'air soucieux, tandis que le docteur m'auscultait.

— Alors ? finissais-je par demander.

— Alors vous avez une cicatrisation qui dépasse l'entendement, mademoiselle. Cela ne fait seulement trois semaines que nous vous avons opéré, pourtant en regardant votre plaie, on pourrait jurer que cela fait plus d'un mois.

— Et c'est bien ? Je peux reprendre les entraînements ?

— Plutôt, oui. Mais, il va falloir faire attention.

Je restais silencieuse, retenant un soupir de soulagement. Ces dernières semaines avaient été interminables.

— Et pour mon œil ?

— Et, bien, je vais être honnête avec vous, je n'ai jamais vu ça. Certes, je ne suis pas ophtalmologue, mais il semble que ce soit votre iris qui ait changé de couleur. Pourtant, cela me parait impossible. Je vous conseille de garder le pansement pour le moment. Qui sait, peut-être que cela va se résorber tout seul.

J'acquiesçais en me demandant si ce médecin était vraiment compétent avant d'ajouter :

— Et Isis ? Vous avez trouvé pourquoi elle est muette ? Elle ne l'a pas toujours été, j'en suis sûr.

— Oui, ses cordes vocales sont très abîmées. On dirait que quelqu'un y a touché, si vous voyez ce que je veux dire. Pourtant, elle ne veut rien m'écrire à ce sujet.

— Pourra-t-elle reparler un jour ?

— Oui, je pense que oui.

Il finit par quitter la pièce, me laissant me rhabiller. Je remarquais que Kendra était encore là après avoir enfilé mon pull.

— Tu as quelque chose à ajouter ?

— Non, désolé, j'étais plongé dans mes pensées, dit-elle avant de sortir.

— Etrange, disais-je à voix haute.

— Quoi donc ? me répondait quelqu'un, me faisant sursauter.

San se tenait dans l'encadrement de la porte, il semblait juste de passage et semblait avoir cru que je lui parlais.

— Désolé, je me parlais à moi même.

— Qu'a dit le médecin ?

Était-ce la seule chose qu'il savait dire ? Je lui expliquais pourtant rapidement ce qu'avait dit l'homme.

— C'est super ! Tu devrais aller le dire à Kaleb, on lui a retiré ses bandages ce matin. Vous pouvez reprendre vos entraînements.

Je lui servais mon plus grand sourire et m'élançais dans le couloir.

Je trouvais Kaleb dans la cuisine. Il se faisait un sandwich dont les ingrédients me semblaient douteux.

— Confiture d'abricot et thon en boîte, le meilleur mélange du monde, disait sans se tourner vers moi.

Il ne put donc pas voir la grimace de dégoût dont je gratifiais son casse croûte. La chose en main, il finissait par se retourner pour me faire face. Appuyé sur le plan de travail, il croqua dedans, me faisant grimacer de nouveau.

— Tu veux goûter ? demanda-t-il.

— Non, merci.

— Tu rate quelque chose, tu sais.

— Je n'en doute pas, lui répondais-je en retenant un rire moqueur.

— Tu me cherchais ? changea de sujet le brun.

— Oui, nous pouvons reprendre les entraînements.

— Qu'à dit le docteur ? Précisément.

Je me taisais quelques secondes, le faisant hausser un sourcil, l'air de dire : "alors ?"

— Que je devrais faire attention... soufflais-je.

— Donc nous ne reprendrons pas tout de suite.

— Mais... commençais-je.

— Tu as été transpercé, Oswin. Je ne te ferais pas cours tant que tu ne seras pas entièrement guérie, me coupa le jeune homme.

— Je suis guérie.

— Un entraînement sans y aller à fond ne sert à rien. Fais ce que tu veux de ton côté, mais ça sera sans moi.

— Très bien ! m'exclamais-je en me dirigeant vers la porte. J'entraînerais Isis.

§

La jeune métisse se tenait devant moi, la lame que lui avait fourni San, tendue devant elle. J'avais l'impression de me revoir lors de mon premier entraînement avec Kaleb.

A la pensée du brun, je serrais les dents. Pourtant, je savais qu'il avait raison, mais j'étais têtue, probablement autant que lui d'ailleurs.

Inconsciemment, j'avais décidé, pour commencer, d'apprendre la défense à Isis.

Elle se tenait donc là, campé sur ses positions comme je lui avait montré. L'air concentré à l'extrême, la jeune fille prenait l'exercice très au sérieux, au point de me faire lâcher un petit sourire.

Je m'élançais enfin vers mon apprentie qui para aussi vite que possible.

— Pas assez rapide et surtout, ton arme a trop reculé vers toi. Je te rappelle qu'elle est à double tranchant. Si j'avais frappé plus fort, elle se serait planté dans ton épaule.

Me faisant signe qu'elle avait compris, Isis ajusta sa position et raffermit sa prise sur le pommeau.

Nous enchaînâmes les exercices sans nous soucier du temps qui s'écoulait. La nuit arriva donc rapidement.

J'allumais justement les bougie lorsque je me figeais. Était-ce le briquet que je tenais qui dégageait autant de chaleur ? Il faisait si chaud tout à coup.

Le brune se tenait un peu plus loin, attendant que je finisse pour reprendre. Pourtant, je ne pouvais la rejoindre, mon corps ne répondait plus.

Voyant que quelque chose clochait, la métisse laissa tomber son arme et accouru vers moi. Isis attrapa le briquet encore allumé qui s'éteignit lorsque je ne fus plus à son contact. Ce n'était donc pas la source de la chaleur extrême dont je semblais être la seule à ressentir.

Incapable de lui dire ce qu'il n'allait pas, je lui jetais des regards paniqués. "Vas chercher quelqu'un !" avais-je envie de lui crier.

La chaleur semblait venir de ma blessure. J'avais l'horrible sensation que celle-ci bouillonnait. Sans le soutien de mon apprentie, je me serais sûrement affalé au sol. Aucune douleur ne traversait mon corps, seulement cette même impression que dans mon cauchemar. Comme si l'air devenait solide, comme si il ne voulait plus entrer dans mes poumons.

La jeune fille finissait par m'allonger délicatement au sol avant de me faire signe qu'elle allait chercher quelqu'un.

"Enfin." pensais-je avec soulagement.

Respirant un peu mieux ainsi, je fermais les yeux pour me calmer. Mes cheveux collaient à mon front et à ma nuque. Je transpirais à grosse goutte. Pourtant, je me sentais presque bien. J’essayais donc de bouger pour essuyer mon visage d’un revers de la main. Mon pansement à l’œil était à moitié décollé, je tirais dessus avec une grimace.

J’ouvrais les yeux, des pas précipités approchaient.

Pourtant, ce n’est pas cela qui m’alarma et me fit me redresser vivement. La lumière tremblotante des bougies coulait comme de la cire chaude sur le sol. Habituellement recouvert de matelas bleu foncé, le sol s'imbibaient de rouge. Assise, je reculais paniqué et heurtais le mur du fond.

Froid et un peu rugueux, il détourna mon attention quelques instants de la masse visqueuse. Lorsque je regardais de nouveau, tout était normal.

— Oz ? résonna une voix dans le couloir.

Super, Isis avait ramené la seule personne que je ne voulais pas voir.

Sa silhouette se détacha dans l’encadrement de la porte et tout redevint rouge autour de moi. Un sentiment de danger s’empara alors de moi, brouillant mon esprit.

L’homme s’approchait mais ce n’était pas Kaleb. Il s'accroupit devant moi, me permettant de voir ces yeux diabolique. Il n’avait pas de visage, seulement deux trous flamboyant. J’eus un mouvement de recul mais me cognais contre le mur, m’égratinant le dos à travers mon t-shirt.

— Oswin ? demanda la voix rauque.

Ma respiration s’accéléra et, avec une vitesse incroyable, j’attrapais mon couteau qui était glissé dans son étuis dans mon dos avant de me jeter sur l’ennemi.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 2 versions.

Vous aimez lire O_rion ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0