Chapitre 27

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Mon cœur s’arrêta de battre pendant ce qu’il me sembla une éternité.

Disait-il la vérité ? Kaleb était mort ? J’avais envie de me laisser tomber au sol et d’y rester pour toujours. Pourtant, je ne pu m’empêcher de penser à ce que m’avait dit un jour Kendra. Pas de corps, pas de preuves. Et j’étais persuadé que c’est ce qu’elle pensait en ce moment même.

Cette dernière s'était accroupie et avait attrapé le visage de San dans ses mains.

— K-Kendra ?

— Tu vois que c’est bien moi, imbécile.

J’entendais qu’elle souriait. Elle prit tout de même une voix dure pour lui demander :

— Comment sais-tu que ton frère est mort ?

— Je l’ai vu brûler, lâcha-t-il sans une larme.

Nous restâmes silencieuses. Il n’y aurait pas de corps si Kaleb avait été immolé par le feu. Je prenais sur moi et chuchotais pour ménager mes cordes vocales :

— Nous ne pouvons pas rester plus longtemps.

— Tu abandonnes ? me demanda-t-elle sans se retourner.

— Non, je recule pour mieux sauter. Si nous restons, nous serons de nouveau capturés et nous ne pourrons rien faire pour Kaleb. De plus, San est dans un sale état.

Je m’abstenais de lui faire remarquer que nous avions aussi beaucoup à nous dire.

— San ? Tu penses pouvoir marcher ?

Au vu de l’état de ses jambes, je me demandais pourquoi elle posait la question. Il était évident qu’il ne pouvait pas. Pourtant, je la regardais le redresser difficilement. Peut-être pourrait-il marcher alors, mais qu’en était-il de courir ?

Lorsque nous le sortâmes de sa cellule, il se protégea les yeux de ses bras maigres. A la lumière, il inspirait encore plus la pitié. A tel point que je détournais le regard.

— Je vais le porter, me disait Kendra. Nous irons plus vite. Tu devras nous protéger d'éventuels ennemis.

— Mais je ne suis pas armé !

— Je t’ai déjà dit de ne pas forcer sur ta voix. Tu n’as qu’à refaire ce que tu as fait tout à l’heure, avec Marcus.

— Mais...commençais-je.

Elle me fit taire d’un regard et je gardais pour moi ma remarque. Je ne savais pas comment j’avais fait, voilà où était le problème.

La brune souleva notre ami et commença à courir, je la dépassais pour ouvrir la voie en priant pour ne rencontrer personne.

Nous courions sans vraiment savoir vers où, lorsque des rires se firent entendre. Ils semblaient humains, heureusement pour nous.

— C’est probablement des gardes. Ils doivent surveiller l’entrée, supposa Kendra derrière moi.

Je serrais et déserrais les poings, essayant de faire réapparaître les flammes. J’essayais toutes les formules que je connaissais dans ma tête. Abracadabra ! Incendio ! Dracarys ! Ou tout simplement des ordres. Allumes-toi ! Feu ! Viens à moi ! Et même des gestes que j’avais vu dans des films, séries ou manga. En vain.

Nous arrivâmes trop rapidement dans le dos des hommes. Je me jetais instinctivement sur le premier, espérant réussir à l'assommer. Je ratais mon coup. Je serais donc mon bras autour de son cou pour l’étouffer. Mais cela prenait bien trop de temps et l’autre garde approchait. Si seulement j’arrivais à faire venir ces flammes !

L’homme tira et j’utilisais celui que je tenais comme bouclier. Avant qu’il ne s’en rende compte, j’étais sur lui. Toujours aucun feu, pas même une étincelle ou une chaleur. Mon poing non enflammé alla tout de même finir sa course dans son nez. Il tira dans le vide mais je n’avais plus l’effet de surprise.

Il riposta et envoya la crosse de son arme vers ma tempe. J’esquivais mais me prenais quand même le coup dans l’épaule. Cette dernière se déboita dans un clac sonore.

— Oswin ! criait Kendra.

Je jetais un coup d'œil vers elle, elle me faisait signe, montrant un autre couloir d’où venait deux autres hommes qui avaient dû entendre les coups de feu. Je n’y arriverais pas.

En tout cas pas sans arme.

Je visais le poignet du garde pour lui faire lâcher prise. Mes coups étaient trop faibles et je n’avais plus qu’un seul bras valide. La situation était désespérée. Mais c’était peut-être ce qu’il me fallait pour me motiver.

J’esquivais plusieurs coups, seulement concentré sur mes mains, sur la chaleur de mon corps.

Les deux nouveaux venus approchaient dangereusement. Armés de matraque, ils s'apprêtaient à me faire passer un sale quart d’heure.

— Aller… Aller… chuchotais-je en frictionnant les mains l’une contre l’autre.

Rien ne venait et la première arme s’abattit sur moi. J'encaissais les coups, en esquivant quelques-uns. Mais ils étaient trois.

Tout à coup, une lumière verte s’enroula autour de mes assaillants. Après quelques secondes d’éblouissement, je retrouvais les hommes se roulant au sol. Des flammes léchaient la chair, les enveloppant dans un cocon vert mortel.

Ces flammes ne venaient pas de moi. J’en étais sûr. Je me retournais immédiatement vers Kendra qui me regardait avec des yeux étranges. Pendant une fraction de seconde, ses yeux luisaient d’un éclat aussi vert que les flammes qui dévoraient les cadavres autour de moi.

C’était elle.

— Allons-y, dit-elle seulement en prenant les devants.

Je la suivais doucement en tenant mon épaule déboitée. Je ne me sentais pas de la remplacer moi-même comme dans les films. Je la laissais donc ainsi, de toute façon j’avais mal partout.

Nous finîmes par arriver dehors. Contrairement à mes craintes, nous étions encore dans la zone du Parc des Princes. La nuit tombait doucement, nous devions trouver un endroit où nous reposer.

— Nous ne pouvons pas chercher Isis avec San dans cet état, disait Kendra.

Ce dernier semblait avoir perdu connaissance depuis un petit moment.

— Toi aussi tu es dans un sale état, continuait-elle.

Je ne parlais pas, je n’en avais plus la force. Je ne faisais que la suivre, mécaniquement. J’étais comme un automate désarticulé que l’on traînait derrière soi.

La brune nous emmena dans un immeuble qui ressemblait à tous ceux aux alentours. Je ne pris pas le temps de dire quoi que ce soit et m’affalais sur l’immense canapé avant de m’endormir immédiatement, à moins que je ne sois tombé dans les pommes.

Je me réveillais pourtant en hurlant quelque temps plus tard. Une douleur dans mon épaule m’avait réveillé.

— Je l’ai replacé, désolé. Il ne fallait pas plus tarder, disait Kendra près de moi.

J’avais des bandages un peu partout et une crème épaisse avait été étalée sur mes bleus et mes bosses.

— Combien de temps j’ai dormi ? demandais-je en me redressant.

Ma voix était toujours dans un sale état.

— Deux jours.

— Comment va San ?

— Il est toujours inconscient. J’ai eu peur qu’il ne se réveille plus jamais mais son état s’améliore.

— Bien. Nous allons pouvoir discuter alors.

— Tu devrais avaler quelque chose avant.

Elle me tendait une assiette de lentilles que j'avalais en quelques secondes. Je lui rendais et répétais :

— Nous allons pouvoir discuter, maintenant.

Il y eut un silence, elle me souriait gentiment.

— Je ne sais pas par quoi commencer…

— Tu pourrais me dire qui tu es, par exemple.

— Je m’appelle vraiment Kendra. Mais je… je ne suis pas humaine.

On aurait dit que le fait de le dire la libérait d’un poids énorme.

— Je ne l’ai jamais dit à voix haute, tu sais, disait-elle en riant.

— Et… qu’est ce que tu es alors ?

— Oswin, tu dois bien te douter que si il y a des anges, il y a des démons.

— Tu es un démon ?! Mais tu…

— J’ai l’air humaine. J’ai vécu parmi les humains toute ma vie. Je me considère plus comme une humaine que comme un démon.

— Qu’est-ce que tu veux à la Terre ? Les démons vont-ils débarquer comme les anges ?

— Pas du tout ! Tu me connais, Oz.

— Je pensais te connaître.

Elle sembla blessée et je ne pu me retenir de me sentir coupable.

— Je suis désolé, Kendra, mais tu dois bien comprendre que ça fait beaucoup à avaler.

— Je comprends… Je suis sur Terre parce que ma mère y a été envoyée pour surveiller les jumeaux. Mon père est celui que Kaleb et San considèrent comme leur propre père. Il ne reste que moi.

— Les surveiller ?

— Oui.

Elle prit une grande inspiration et lâcha :

— Kaleb et San sont les fils de Lucifer. Ils ne devaient rien leur arriver mais j’ai échoué. San est blessé et Kaleb est probablement mort…

— Attends…

Ces informations faisaient leur petit bonhomme de chemin dans ma tête. Je revoyais les hallucinations que j’avais faites en présence de Kaleb, la créature que j’avais vu.

— Que m’arrive-t-il ? murmurais-je.

— Pour te sauver, les jumeaux t’ont donné du sang. Je crois que ce sang t’a changé. Je ne m’attendais pas à ça. Oswin, je crois que tu es une sorte de sang-mêlé. Mi-humaine mi-démon.

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