Chapitre 22

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Durant le trajet jusqu’au bâtiment où j’avais laissé l’ange, Kendra se mura dans un silence obstiné. Elle m’en voulait, c’était assez clair. Mais cela ne durera pas longtemps.

Je n’avais peut-être pas suivi le plan, mais le résultat était le même.

Je sus pourtant que quelque chose clochait lorsque je voyais la porte de l’entrée entrouverte. Je dégainais immédiatement ma lame et courais à l’intérieur. Il était hors de question que l’on me vole mon butin.

Un homme se tenait au-dessus de mon ange ligoté, un large couteau dans la main droite. Ce dernier était propre, j’en déduisais donc qu’il n’avait pas encore agi. Heureusement pour nous, j’arrivais à temps.

Je le plaquais violemment au sol en lui tenant le bras pour éviter qu’il ne plante la lame quelque part. Il gémit et grogna tandis que je l’immobilisais difficilement. Kendra et Isis arrivèrent enfin et m’aidèrent à le ligoter lui aussi.

— J’espère que l’on aura plus besoin d’attacher quelqu’un, nous n’avons plus de corde, faisais-je remarquer en me relevant.

Isis redressa l’homme et c’est alors que je le reconnut.

Je le revoyais tout tremblant sous ma lame. La dernière fois que je l’avais vu je l’avais épargné. Isis aussi le reconnut, elle envoya son poing dans son nez sans aucune forme de procès. C’était lui qui l’avait truffé de balles.

Le sang coulait à flot sur sa bouche et son menton mais ne cachait pas son sourire. Lui aussi savait qui nous étions.

— Où est le jeune homme qui était avec vous ? demanda-t-il innocemment.

— Que fais-tu ici ? Je ne t’ai pas épargné pour que tu viennes nous mettre des bâtons dans les roues, disais-je en ignorant sa remarque.

— J’ai fait courir la rumeur, comme tu me l’as demandé, ricanna-t-il. Comment va la résistance ?

C’est alors que mon cerveau fit le lien.

— Tu n’es pas là pour tuer l’ange, murmurais-je avant de hausser la voix. Tu es là pour le libérer !

L’homme ne démentait pas et je continuais.

— Depuis quand es-tu devenu le petit toutou des anges ?!

— Qu’est-ce que tu racontes, Oswin ? demanda Kendra, inquiète.

— Cet homme est à la solde des anges. Il nous a probablement suivi, Kaleb, Isis et moi jusqu’au manoir ou du moins jusqu’à ce que je me fasse empaler par cet ange sur le chemin.

— Magnifique spectacle, cela dit, m'interrompit-il.

Je serrais les poings, je ne devais pas céder à la colère. Il pourrait nous être utile, bien plus utile que l’ange.

— Je pense que c’est lui qui a donné la localisation de la résistance aux anges. Je pense que c’est de sa faute si tous ces gens sont morts, si Kaleb et San ont disparu.

L’autre ricana de plus belle, s’étouffant dans son sang. Il ne fit rien pour s’excuser. Son attitude suffit à convaincre les deux filles.

Kendra me fit signe et nous sortîmes de la pièce.

— Si tu as raison, il va nous être très utile, dit-elle immédiatement après avoir fermé la porte.

J’acquiesçais avant de demander :

— Comment va-t-on lui faire cracher le morceau ? Et l’ange qu’en fait-on ?

— Nous allons les isoler, une pièce pour chacun. Nous pourrons ainsi les interroger séparément et recouper les informations qu’ils nous donneront.

¤

Nous nous tenions debout face à l’ange. Les bras croisés, Kendra le détaillait du regard.

Je l’avais ligoté en plaquant ses ailes contre son dos. Certaines de ses plumes grises étaient donc cassées ou abîmées. Ainsi saucissonnée, la créature était bien moins menaçante. A mes yeux, il était même ridicule.

De près, la transition entre sa tête d’oiseau et son corps d’homme musclé ne semblait pas aussi bien faite. Les plumes s'arrêtaient net, laissant la place à la peau, comme un collage. Si j’avais créé une créature chimérique semblable, j’aurais fusionné les deux parties plus subtilement. Mais là n'était pas la question.

— Où avez-vous amené les jumeaux ? demanda de but en blanc Kendra.

L’ange la fixa avec ses yeux jaune mais ne répondait pas. Nous le questionnâmes sans relâche jusqu’à ce que ma compagne craque face à son silence et ne le frappe violemment. Je la faisais sortir de la pièce sous le regard étrange de notre prisonnier.

— Nous n’y arriverons pas comme ça, lui faisais-je remarquer.

Elle acquiesça avant de dire simplement, la main sur la poignée de la porte à ma gauche :

— Je vais voir l’autre. Seule.

¤

Cela faisait à peine dix minutes que Kendra était entrée dans la pièce lorsque j’entendais l’homme hurler. Il ne devait vraiment pas être coopératif.

Lorsqu’elle sortit enfin, elle me fit signe de la remplacer. Je m’exécutais sans un mot.

L’homme était ligoté à une chaise. Une odeur de chair brûlée flottait dans l’air. Je me demandais ce qu’avait pu lui faire Kendra mais n’en montrais rien. Je m’asseyais en face de lui et le questionnais :

— Comment t’appelles-tu ?

— Vous la jouez good cop, bad cop ? demanda-t-il en ricanant. Sache qu’avec ce bandeau à l’œil tu aurais dû choisir le rôle du mauvais flic. D’ailleurs qu’est-il arrivé à ton œil ?

Je retirai mon cache œil et le fixai silencieusement. Il pâli et je redemandais :

— Quel est ton nom ?

— Marcus, bredouilla-t-il.

Lorsque je replaçais le bout de tissu, il reprit des couleurs et osa même parler d’une voix moqueuse :

— Pourquoi ce n’est pas l’autre jeune fille qui me questionne ?

— Oh, tu n’aimerais vraiment pas qu’elle soit là à ma place, tu sais. Tu as failli la tuer, et elle est quelque peu rancunière.

Il ricana de nouveau, il s’en souvenait. Je décidais de passer à l’offensive.

— Alors Marcus.

Son regard changea et je compris quelque chose d’important. Cela faisait sûrement très longtemps qu’on ne l’avait pas appelé par son prénom.

— Ce n’est pas comme ça que les anges t'appellent, n’est-ce pas ? Te donnent-ils seulement un nom ? Non, je ne pense pas. Je ne sais pas si tu te rends compte que même un chien a un nom, alors que toi, à leurs yeux, tu n’en a pas. Tu n’es rien pour eux, alors pourquoi leur obéir, pourquoi les protéger ?

J’entendais presque ses dents grincer de colère. J’avais touché la corde sensible.

Je me levais et commençais à lui tourner autour en lui posant des questions sur sa vie de moins que rien. Il finit par cracher sur l’une de mes chaussures. Instantanément, la salive retourna dans sa bouche par le biais de mon pied volant dans sa face.

Il saignait de nouveau du nez et avait probablement quelques dents cassées. Je l’attrapais par les cheveux et lui murmurait :

— Il n’y a pas de bon ou de mauvais flic, nous ne sommes pas la police, Marcus. Nous sommes ce qui reste de la résistance.

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