La chaleur du bain
Le bain est chaud. Peut-être un peu trop. La mousse produite par la friction du savon contre la couleur asphalte de la serviette bleue mouillée envahit tout le territoire humide de la baignoire, veillant sur la surface qu'elle écrase, sur ce calme tempétueux et transparent. Couleur mousse. Si le canard jaune en plastique n'avait pas été propulsé par une vague soudaine, la mousse aurait continué à peupler aisément ce désert impossible.
Il faut surtout se figurer les parois mouillées, les cheveux dégueulasses qui jonchent cet abrupt mur. Le canard est muet mais il y a de la musique. Du jazz assurément. Alors la brume swingue, fait l'amour à la fenêtre, s'y colle pour mieux pénétrer sa froideur. Elle se frotte et le canard jaune ne peut pas regarder ces putains de dégueulasseries. Il est trop jeune d'ailleurs, pour tout cet érotisme qui ne sèche pas.
Au dehors on voit la transparence de la fenêtre, paysage d'arbres de ciment qui se profilent davantage, comme des avantages sous ce ciel vierge, ce ciel moche, ce ciel gris pâli et moche. Alors le canard garde le regard immobile, en face, subissant sans ménages la surface de mousse sur laquelle il construit ses souvenirs. Il ne bouge pas, ne dit pas un mot, réfléchit longuement à ce qui aurait pu arriver s'il n'avait pas été jaune.
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