VI. Boucan et grondement

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Cela faisait déjà une bonne heure que le spectacle avait commencé. Hazel n’avait pas vu le temps passé et pour cause ! entre l’humour, la beauté et la magie, impossible de se lasser. Tous les spectateurs avaient ri face aux mimes ou aux chiens qui dansaient sur deux pattes, puis s’étaient tus devant l’admirable représentation du couple perché à de longs tissus blancs ou de l’équilibriste, une ombrelle en main, marchant en effectuant de grandes élancées de bras sur le fil à plus de vingt mètres du sol. Par la suite, étaient apparu les magiciens… Que dire de ses hommes et femmes entourés de mystère ! « Apparu » était effectivement le mot, puisse qu’après une vive lueur, voilà que trois personnes s’étaient matérialisées au centre du chapiteau. Hazel savait par les livres – encore une fois – qu’il y avait forcément quelque chose caché derrière, une mise en scène qui créait l’illusion de la dite-magie. Mais elle avait préféré se laisser porter par la pouvoir du fantastique et avait abandonné la recherche de toute explication.

Il s’agissait à présent de l’entracte et l’enfant espérait vite que celui-ci se finisse.

— Cela ne durera pas longtemps. Attends encore quelques minutes, il prépare le « plat principal », sourit Viduus.

Son sourire avait quelque chose d’étrangement malsain, mais la petite fille n’y prêta pas plus attention. Puis le père se leva.

— Je dois aller voir le maître. Attends-moi là et ne bouge pas avant mon retour.

C’était à peine si elle l’avait entendu ; mais elle ne dit rien et le regarda partir. Elle le perdit de vue au bout de quelques secondes, engloutit par la foule qui entrait et sortait de l’enceinte de toile.

Et comme nous connaissons si bien cette enfant, nous savons déjà que la patience n’était pas un de ses points forts, et elle fut rapidement lassée d’attendre – qui plus est, seule – la reprise du spectacle. Alors que ses pieds tapaient en rythmes le bois de l’estrade, elle s’arrêta et sauta de la marche. Ah non ! elle ne comptait pas s’éloigner, mais seulement marcher. Elle reviendrait à l’heure pour la reprise et c’était tout ce qui importait. Elle sauta donc de palier en palier, jusqu’en bas, au véritable sol. Celui de la place aux Pics.

Père ne saura rien de mon absence.

Étant toute petite, elle se faufila facilement jusqu’à l’extérieur, et vit la lueur de la lune éclairant l’obscurité du ciel. Elle se déplaça un peu plus vers la droite, afin de ne pas être entrainer par la marée humaine et regarda autour d’elle. Elle avait envie de se déplacer. Cinq minutes seulement, mais elle ne pouvait pas rester en place.

En réalité, que ce fut consciemment ou non, la petite semblait savoir où elle allait. Quand elle avait été avec l’étoile, elle n’avait pas pu faire le tour de la place et de tous les stands – évidemment – mais il y a toujours des choses qui intéressent plus que d’autre… Emplie de la grande curiosité qui l’habitait depuis qu’elle connaissait l’existence des Contemptibilia, elle contourna le chapiteau.

L’entrée des artistes était probablement cachée aux spectateurs et le seul endroit de cette place invisible au monde était l’arrière du cirque – de l’autre côté, on retrouvait les rues noires de la citadelle.

Il lui sembla marcher un moment avant de ne plus entendre qu’un murmure étouffé du brouhaha ambiant. Et c’est alors qu’un autre son lui parvint. Mais celui-ci lui était plus famillié. Elle se stoppa. Un violoniste ! Peut-être le même que tout à l’heure… Elle fut soudainement partagée entre l’envie de le rejoindre et de danser tant qu’elle le pouvait, et la peur qui la signale à qui que ce soit pour la ramener à son père. Ô dieu, non !

Mais la musique cessa ; une voix s’éleva. Elle était féminine et tout aussi – quoi qu’un peu moins – envoutante que l’instrument. Quelle paire ferait ce duo de notes mélodieuses ! La voix était claire, blanche… Elle ne chantait pas, mais de la position de l’enfant impossible de comprendre un mot. Puis la parole laissa l’instrument reprendre.

Là, un énorme fracas de fer résonna bruyamment, immédiatement suivi d’un grognement inhumain. Animal, sans véritablement l’être. La fillette sursauta, mais contint son cri de surprise.

Il n’y eu plus de musique, plus de voix.

Elle fuit. Qui sait ! on aurait pu l’apercevoir. Elle en avait assez entendu. Il était maintenant préférable de reprendre sa place dans le chapiteau avant que son père ne s’aperçoive de son absence.

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