V. L'Iter Circus

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Hazel grimpa en courant les marches de l’estrade. Le bois ne grinçait pas sous ses souliers ce qui étonnait la gamine qui n’avait connu que sa vieille maison. Mais le plus important était de rejoindre sa place en plein centre du théâtre au chapiteau rouge. Il semblait lui rappeler ces grandes marches grecques sur lesquels s’asseyaient ceux qui assistaient aux représentations qui se déroulaient en contre-bas, les courses de chars... ou encore les combats de gladiateurs. Mais nous n’étions pas chez les Grecs, n’est-ce pas ! Il ne s’agissait que d’un cirque des temps modernes.

Aussi, celui-ci lui semblait plus avant-gardiste que ceux décrit dans les livres qu’elle lisait souvent. Dans ce cirque-là, on ne se déplaçait pas pour voir ce qu’il avait à offrir, c’était lui qui se déroulait sous les yeux des hommes, des femmes et des enfants. Il n’y avait qu’à s’asseoir et profiter. Elle avait d’ailleurs remarqué à l’entrée du chapiteau un panneau indiquant « La Nouvelle Ère du Cirque ».

Enfin, Hazel s’assit d’un bond sur l’une de ces marches et attendit son père avançant lentement et maladroitement jusqu’à elle. La fillette en profita pour contempler toutes les personnes qui prenaient place autour d’elle. Toutes les femmes portaient des robes colorées, toujours à la mode ; les enfants, garçons comme filles, étaient coiffés de la plus simple des manières, mais gardaient tous la tête haute. Hazel leva les yeux vers son chapeau et vérifia sa bonne position. Ensuite, elle raidit son dos et releva la tête, de façon à se rapprocher du mieux qu’elle le put à ces femmes prestigieuses.

Le chapiteau était immense. Le nez en l’air, on aurait pu penser que le toit – à peine visible, il fallait bien plisser des yeux – touchait le ciel. À droite et à gauche, on ne distinguait plus qu’un cercle de personnes assises, les yeux convergeant vers le bas. Quelques lumières éclairaient le sable au sol, mais d’une manière générale, il faisait un peu sombre.

Mr Viduus s’installa enfin près d’elle. Ils s’étaient retrouvés devant le mur de toile, à l’entrée ; l’étoile l’avait quitté là.

— Pour le moment, je trouve ce cirque affreux. Le déplacement sous le chapiteau est déplorable et les sièges sont mauvais ! se plaignit le soldat.

Hazel admit les mauvaises conditions dans lesquelles ils se trouvaient, mais au fond d’elle, elle trouvait justement cela très différent de ce qu’elle connaissait – et c’était bien.

Il fallut attendre encore cinq bonnes minutes avant que les lumières ne s’éteignent complètement en un « CLAC » retentissant ; inédit ! la ville livrait l’électricité au cirque alors que ce n’était pas un foyer. Le public émit un petit cri de surprise – ou rit – avant que le silence ne se fasse totalement.

Puis, on crut entendre un son faible de violon. Trois cordes claquèrent. Le son reprit. Cette fois-ci, il fut un peu plus enjoué. Tout le public semblait enivrer par ce son clair et chantant. Mais d’où provenait-il ? On l’entendit se déplacer. Ce n’était qu’un solo, mais le musicien devait être extrêmement doué pour réussir à faire entendre son instrument jusqu’à l’autre bout de l’estrade. Et en quelques notes seulement, il – ou elle – les avait tous hypnotiser.

La musique stoppa ; le public murmura. Puis après quelques secondes, les lumières revinrent et un violoniste apparut debout, aux pieds des premiers spectateurs. Ces derniers furent surpris, ils ne l’avaient probablement pas senti s’approcher, mais le musicien, lui, n’affichait aucune expression (enfin, c’était ce que pensait voir Hazel, mais de sa place, il était difficile de juger).

Le violoniste ferma les yeux. Son archer tourna dans sa main et vint se coller à l’instrument. Lentement, les cordes vibrèrent à nouveau.

Tous les regards convergeaient vers cet homme qui se déplaçait encore. Par la droite de notre enfant, il longea le public pour finir par se faufiler entre les spectateurs. Toujours par sa musique enivrante, il commença à monter les grandes marches. Près d’un enfant, il s’arrêta et le regarda.

Puis soudainement, la musique se fit plus rapide et dansante. Oui, dansante était bien le mot, puisse qu’une foulée d’artistes apparurent par quatre portes sous les marches. Ils grimpèrent et le public applaudit. Des danseuses indigènes se mêlaient aux acrobates. Certains tenaient en équilibre sur une main au bord des places, d’autres sautèrent au-dessus des familles ou effectuaient des saltos dans le sable. Depuis le haut de l’estrade, une jeune femme – peut-être même une adolescente – fit une série d’acrobatie toutes impressionnantes jusqu’à sauter en vrille au plus bas étage. Des lumières convergèrent en hauteur et sur un fil de funambule, qu’Hazel n’avait pas préalablement aperçût, un homme et une femme se maintenait tête en bas. D’une certaine lenteur, les deux attrapèrent le fil et se laissèrent pendre par un bras au-dessus du vide. Hazel était partagée entre la prière pour qu’ils ne tombent pas et la fascination qu’elle ressentait à nouveau.

La musique s’approchait d’elle. Elle l’entendait, le musicien venait dans sa direction, mais elle était bien trop absorbée par ces hommes qui, par la force de leurs bras, projetaient leurs camarades en l’air, ceux-ci ré-atterrissant juste devant eux.

Hazel se leva et sautilla sur place. Ses yeux brillaient certainement et impossible pour son père de la faire rasseoir.

— Mais père, regardez comme c’est extraordinaire !

— Hazel, tu verras bien plus impressionnant après.

Mais elle ne l’écoutait déjà plus. La fillette se retourna et observa plus haut deux femmes portants de magnifiques serpents. Elles passèrent dans les rangs, mais tout le monde s’écartait. Ils en avaient peur manifestement.

Hazel, elle, ne pouvait être effrayée. Elle savait par les livres que ces animaux étaient potentiellement mortels, mais quand ces femmes parvinrent à sa hauteur, elle ne cilla pas à la vue de ces êtres rampant sur leurs bras, dont l’un d’eux s’approcha dangereusement de sa tête. La dompteuse l’attrapa et le ramena derrière sa nuque, souriant à l’enfant qui avait doucement commencé à lever sa main. Elle savait qu’elle n’en verrait certainement pas deux fois dans sa vie, alors elle se leva sur la pointe des pieds et tenta de toucher la tête de cet animal si intriguant. Et la femme la laissa faire. Hazel fut surprise, la sensation était étrange, mais pas désagréable. Elle se laissa tout de même retomber, lorsque le violoniste s’arrêta de jouer. Il n’était qu’à une marche d’elle et lui souriait gentiment face à cette scène plutôt inattendue de la part d’une enfant.

Hazel fut immédiatement frappée par cet homme. Il semblait jeune – 17 ans, tout au plus – portait une chemise blanche sous ses bretelles grises et n’avait pas de chapeau, laissant apparaitre ses cheveux d’un noir couvert par endroit de petites mèches blanches et argentées. Ses yeux étaient légèrement rieurs laissant penser qu’il était d’une origine asiatique.

Quel jeune homme intriguant, pensa-t-elle quand il lui tourna le dos pour descendre les marches. Puisse qu’en plus de ses cheveux particuliers, sa peau était étrangement blanche et sa corpulence laissait penser qu’il ne mangeait pas à sa faim.

Puis, tous les artistes redescendirent et disparurent derrière l’une des quatre portes sous l’estrade circulaire. Le public riait et murmurait de cette introduction impressionnante.

Vint ensuite un homme à la corpulence complètement opposée à celle du musicien, coiffé d’un haut de forme et entièrement habillé de rouge et de noir.

Il rit et porta sa voix clair, forte et grave.

— Mesdames et messieurs, j’espère que cette entrée en matière vous aura plu ! Je suis le maître de cérémonie Mr Malum… Enchanté ! (Il s’abaissa pour les saluer et revint droit.) Sans plus d’attente et de parole, laissez-moi vous guider dans mon monde ourdissant que j’ai nommé… l’ « Iter Circus » !

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