III. Le cœur d'Éphialtès

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Ce n’est plus la même ville, pensa-t-elle. Nous sommes partis !

Hazel connaissait la citadelle depuis ses premiers souvenirs. Elle n’avait jamais déménagé, jamais voyagé, et voir tant de changement était bien trop impressionnant pour ses yeux d’enfant. Les rues grouillaient de monde, pour la plupart de jeunes gens bien habillés, de couples, parfois de familles entières… ; les feux se consumaient à travers les vitres des lampadaires ; des lumières filtraient encore à travers certains carreaux de maison…

Le cœur était vivant. Elle ne savait pas qu’il pouvait vivre ainsi la nuit. Était-ce dû au cirque ou était-il comme cela chaque soir ? Elle ne s’en souvenait pas. La dernière fois où elle avait eu l’occasion de sortir si tard était à l’un des jours d’Incinération – jours où l’on s’amusait à tuer, puis à brûler les plus pauvres, aux abords de la ville. Il y en avait un chaque année, et elle avait eu l’occasion d’y assister quatre ans auparavant. Il s’agissait d’un exemple, un jour où l’on expliquait aux plus jeunes ce qu’était le mal et comment l’éradiquer : c’était de « la faute des gueux ». Cependant, elle n’aurait droit d’y assister une nouvelle fois et d’y participer avant ces quinze ans.

Les yeux grands ouvert, son nez collé à la vitre, elle refusait de s’y détacher. Elle trouvait magnifique de voir tant de personne en un coup, tant de couleur… Les murs étaient placardés d’affiches, de décorations ou de dessins tous plus drôle les uns que les autres… Des hommes et des femmes secouaient des pancartes hurlant le nom de leur reine, et étrangement, leur discours étaient parfois contradictoires : un coup, ils hurlaient sa bienveillance et lui souhaitaient un long règne, un autre, ils incitaient la haine et la colère envers celle qui ne leur conférait pas les « droits que nous méritons ». C’en était à n’y rien comprendre pour la gamine.

Puis en levant les yeux, elle aperçut les banderoles suspendues aux arches de pierres. Multicolores ! Le ciel était plein d’étoile. La lune, elle ne la voyait pas. La nuit noire était déjà là. Mais tout ceci n’était que splendide.

- Père, quand arrivons-nous ? hurla-t-elle, surexcitée. Vite, Nick et Judith m’ont raconté tant de chose sur ce cirque, et dire qu’il passait ici !

Le paternel mima un sourire et ordonna à la petite de se rasseoir.

- Comment tes cousins peuvent savoir « tant de chose » ? Demanda le père sceptique. Mais bientôt, Hazel. Patiente encore un peu.

Il souffla à lui-même qu’elle était incontrôlable – elle l’avait toujours été – et la petite entendit.

- Mais je suis si heureuse ! Savez-vous exactement ce que nous y trouverons ?

- Bien sûr que je le sais, mais je te garde la surprise.

Bien qu’il tentait d’être gentil, sa voix restait dur et ferme, mais après tout, c’était ce dont l’enfant était habitué.

- Vous ne voulez même pas me dire à quoi ressemblent les Contemptibilia ?

- Sûrement pas, répondit-il. C’est ce qui fait l’originalité de ce spectacle.

Impossible de deviner si la petite fille était d’accord avec lui ou faisait la tête. Mais cela ne changeait rien au fait que l’impatience l’habitait et elle voulait à tout prix mettre pied à terre.

- Hazel, regarde donc au dehors, dit Viduus la tête tournée vers l’extérieur.

Hazel se jeta subitement sur le rideau ; l’émerveillement revint aussitôt. Là, sur les trottoirs, se trouvaient des dizaines d’acrobates, de jongleurs, de clowns… Plus loin, un homme immensément grand enjambait les passants. Ces derniers se tordaient le cou afin d’apercevoir son visage, tandis qu’il souriait à quiconque croisait son regard. Puis vint la danseuse qui, sur une pointe, fit une pirouette gracieuse avant de tendre la main dans sa direction. L’enfant l’aurait bien attrapé si une barrière transparente ne les séparait pas.

Bientôt, bientôt, bientôt… Elle en était convaincue. Bientôt, elle descendrait de cette voiture et rencontrerait enfin ces personnes toutes plus impressionnantes les unes que les autres.

Et les personnages principaux de ce cirque…

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