2.

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Le mois de novembre est déjà bien présent. Je ne t'ai pas encore trouvé, mais je ne désespère pas. Je sais que je vais y arriver. Voilà mon leitmotive depuis des jours et des jours. Je ne vais jamais me décourager. Tu dois être la proie parfaite. Je ne peux pas aborder n'importe qui. Je ne peux pas foncer sur un coup de tête. Non, je te cherche, mais te ferai croire que tu es venue à moi sans que je ne demande rien.

En ce jour, il ne fait ni beau ni moche, mais sur la Côte d'Azur, c'est triste comme temps. Je me dirige vers la Bibliothèque Universitaire. Je dois travailler mes cours, au moins refaire la mise en page. Les partiels commencent dans un mois. Je ne peux me permettre de les louper. Et je ne les louperai pas. Je suis bon dans ce domaine, je ne peux pas connaître l'échec. Cela me permet également de pouvoir amadouer les profs avant le jour J. Les inciter à me dire sur quoi vont tomber les sujets de dissertations. Quel chapitre je devrais plus réviser comparer aux autres. L'année dernière, ça a fonctionné. Sauf pour un professeur. Un sacré sadique. Il disait de réviser particulièrement un chapitre, mais il nous a sorti un tout autre sujet que j'avais peu réviser. Je l'ai eu en travers de la gorge. Je n'ai pas eu la moyenne pour cette matière. Heureusement que mes notes de TD ont fait poids dans la balance.

Je m'allume une cigarette avant de rentrer dans la BU. Soudain, je vois une amie en sortir, accompagnée d'une jeune demoiselle avec elle.

- Eh Lisa, comment vas-tu ? Ça faisait longtemps !

- Oh, salut ! C'est clair, ça faisait longtemps !

- Qu'est-ce que tu deviens ?, demandais-je me fichant totalement de la réponse.

- Bah écoute, me rendant compte que je n'avais rien à faire dans cette fac, j'ai préféré partir sur quelque chose qui me plait bien plus et qui est moins compliqué. C'est pourquoi je suis partie sur un BTS commerce. Je faisais un tour dans le coin, puis je suis tombée sur Maéline, que je te présente.

- Bonjour, répond-elle timidement.

- Bonjour, Carl, enchanté.

- Carl ? Carlos ?, demande-t-elle en faisant une légère grimace ce qui fit rire Lisa.

- Non, non simplement Carl.

- Oh... C'est... Original.

- Mademoiselle, ce prénom à un sens important, il signifie Homme Fort, Viril !, dis-je en faisant semblant de montrer mes muscles sous mon pardessus noir de marque Hugo Boss.

- Oh, pardon, dit-elle en rougissant.

- Carl, on ne te changera jamais, répond Lisa en se moquant de moi.

- Égale à moi-même, tu me connais !

- Oui, justement !

C'est totalement faux, personne ne me connait. Si c'était le cas, les plus simples d'esprit ne m'approcheraient pas sachant que je les méprise au plus haut point.

- Maéline ?, ajoutais-je. C'est celte ça il me semble.

- Euuuh... Oui. C'est assez rare que les personnes le sachent.

- Je ne suis pas n'importe qui voyons ! Tu as des origines ?

- Oh non, pas vraiment, mes parents vivent en Bretagne. Du coup... Il fallait bien un nom en accord avec mon lieu de naissance !, dit-elle en souriant.

- Ouais ma pauvre, lui répond Lisa, tes parents ne t’ont pas gâté sur ce coup-là.

- Pas vraiment non !, répond Maéline.

Je les regarde parler de tout et rien. Des trucs de filles quoi. Des trucs sans aucune importance et pire que futile. J'observe Maéline, je crois que nous sommes dans le même amphi. Il me semble l'avoir déjà aperçue. Une jeune femme relativement mignonne. Je vois déjà que c'est une fille discrète. Elle n'est pas sûre d'elle. Je paris qu'elle se pense "nulle" en tout. Elle ne doit avoir aucune estime d'elle-même. Ce n'est qu'une impression. Je dois discuter plus en profondeur avec elle. Mais quand elle sera seule. Sa gestuelle et sa tenue vestimentaire en disent déjà long sur sa personne. Je ne pense pas me tromper.

Je les entends discuter d'un gars. Matthieu. Mh... "Don de dieu" en hébreu. Il n'a pas l'air si bon que son prénom l'indique car Maéline à l'air de s'en plaindre. Son petit ami je suppose. Cela devrait me freiner, mais s'il y a de l'eau dans le gaz... C'est surement une chance pour moi. Nous verrons bien. Avant, je dois être sûre que Maéline est une proie parfaite.

- Les filles, je suis désolé mais je dois aller en TD.

- Ah tu as TD de quoi ?, demande Maéline.

- Droit Administratif.

- Oh, moi aussi, j'ai changé de groupe la semaine dernière. Comment il est le chargé de TD ?

- Il est très gentil et donne des surnoms ridicules pendant les cours. Tu verras, c'est assez marrant.

- Oh vous m'abandonnez tous les deux ?, dit Lisa blasée.

- Ouais désolé ma Belle, mais si je veux préserver ma bourse, je dois y aller.

- Pareil pour moi, ajoute Maéline.

- Bon j'ai compris, vous n'avez pas le choix. Maé, on se tient au courant pour la soirée ! Et Matthieu a intérêt à être gentil !

- Ouais, enfin s'il vient. Mais entre sa fatigue et ses jeux vidéo... Je crois qu'il oublie qu'il a une copine.

- Je vais l'engueuler s'il t'oublie !

Elles rigolent, nous disons au revoir à Lisa et partons ensemble pour rejoindre la salle. C'est le moment ou jamais.

- Alors, qu'est-ce qui t'a amené par chez nous ? A part notre soleil merveilleux toute l'année ?, demandais-je afin de lancer la conversation.

- Oh... C'est compliqué, répondit-elle agacée.

Elle se méfie de moi, je dois la mettre en confiance.

- D'accord, je suis désolé, je ne voulais pas t'embarrasser. Tu ne me connais pas. Ce n'est pas évident de se confier. T'en fais pas, je survivrai !, lui dis-je en espérant la faire marcher.

- Oh non non, ce n'est pas que je me méfie de toi, répond-elle instantanément. Simplement que je ne suis pas très fière de la raison pour laquelle j'ai dû partir. Mais je ne regrette rien. Je suis bien ici. J'ai rencontré des gens formidables, je me suis fait plein d'amis. Je suis heureuse de vivre ici.

- C'est le principal ! Pourquoi as-tu changé de groupe de TD du coup ?

- Oh parce que Léa m'emmène et me ramène en voiture. Sinon je dois prendre le bus. Aller-retour ça me prend 3h tous les jours. Alors qu'en voiture c'est bien plus rapide, puis vu que nous n'habitons pas loin l'une de l'autre.

- Je vois. Je connais bien Léa, elle est dans mon groupe d'amis.

- Oui, j'avais remarqué que vous étiez souvent ensemble à la fac.

Donc tu m'as déjà remarqué. Jackpot.

- Oui. Tu as qu'à venir avec nous. A moins que tu aies ton groupe d'amis toi aussi ?

- Je ne les appellerai pas des amis non. Je suis avec deux filles qui étaient dans mon groupe l'année dernière. Elles sont sympas, mais ce ne sont pas des amies.

- Oh bah alors reste avec nous, n'hésite pas !

- Je ne veux pas m'incruster.

- Tu ne t'incrustes pas, c'est moi qui te dis de venir. Tu ne vas pas me briser le cœur en refusant cette invitation ?

- Bon... D'accord, répond-elle avec un petit sourire en coin.

Nous arrivons devant la salle. Je lui propose de se mettre à côté de moi. Elle me demande où je suis placé. Je lui réponds que je me mets toujours au premier rang. Elle me dit en rigolant que je fais mon "lèche-cul" avec les profs. Je réponds fièrement que c'est le cas et que ça fonctionne. Elle rit. Je sais que je marque des points. Cependant, elle refuse de se mettre à côté de moi, elle préfère se mettre au fond de la classe. Ce n'est pas grave. Je saurai être patient. Je sais qu'elle viendra tôt ou tard à côté de moi. Je vais tout faire pour ça.

Pendant le cours, je n'oublie pas qu'elle est au fond. De temps en temps, je lui lance des petits regards, surtout lorsque le chargé de TD donne ses petits surnoms du style "Chouchou" ou "Loulou". Voici le premier lien de complicité que j'ai avec elle. C'est parfait. Ça fonctionne. Mais rien n'est encore joué. Même si, pour le moment, je ne pense pas me tromper sur sa façon d'être.

Le chargé de TD se perd quelques instants dans son cours en racontant des anecdotes qui n'ont rien à voir avec la matière. J'en profite pour aller sur Facebook quelques instants. Oh une invitation d'amis. "Maé Line". Bingo. Nous avons quelques connaissances en commun, ça n'a pas été difficile pour toi de me trouver. Mais je suis sûre que tu te serais donnée du mal pour trouver mon profil si ça n'avait pas été le cas. Je navigue un peu sur ton profil avant d'accepter. Comme je disais, tu es discrète. Tu ne veux pas que le monde connaisse ton nom de famille. Ton mur est bloqué au public, tes photos aussi naturellement. Seuls tes amis peuvent voir ce que tu publies. Tu as une photo de profil avec ton mec, le fameux Matthieu. Tu as l'air vraiment amoureuse. Mais ta relation connait d'énormes failles. Tu as l'air sensible, tu as besoin qu'on soit près de toi constamment, tu manques d'attention et d'amour. Peut-être est-ce la raison de ta venue dans la région. Je vois qu'il ne commente pas les beaux discours que tu lui écris. Non, il se contente de mettre "j'aime" et je parie que ça te frustre aux vues du roman que tu lui adresses pour exprimer ton amour. Tu n'aimes pas être ignorée ou que l'on te porte peu d'attention. Mais je n'ai pas le temps d'enquêter sur toi pour le moment. J'accepte ton invitation, ce sera bien plus simple pour te connaître.

Je te regarde, tu as un petit sourire, tu viens de voir que j'ai accepté ton invitation. Tu me jettes un bref coup d'œil timide. J'aime beaucoup tous ces petits signes. Ça en dit long. Je ne pense pas me tromper quant à ce que je pense de toi. Mais je ne vais pas m'avancer très vite. Je saurai m'adapter à toi. Jusqu'à ce que tu t'adaptes à moi. C'est le but.

Le cours se termine, les gens se pressent à sortir de la salle. Mais pas toi, tu prends ton temps pour ranger tes affaires, tu jettes un coup d'œil sur ton téléphone. Tu ne souris pas. Tu as même l'air triste. Ton mec doit encore "t'oublier" comme vous l'avez dit auparavant avec Lisa. Alors, je vais t'apporter l'attention dont tu manques. Je suis un expert en la matière. Bien sûr, il faudra que tu me rendes la pareille. Mais tu ne le sais pas encore. Tu verras. Je suis fort à ce jeu-là.

Je viens à toi.

- Alors, ma petite "chouchoute", lui dis-je en imitant notre chargé de TD.

- Oh bah oui Loulou !, réponds-tu en rigolant.

Tu as retrouvé le sourire, même si ton regard exprime de la tristesse. Ce n'est pas grave. Je vais te faire oublier ta peine. Fais-moi confiance.

- Alors vous deux vous venez ?, demande Léa se trouvant sur le pas de la porte.

- On arrive, réponds-je.

- Je ne savais pas que vous vous connaissiez, répond-elle l'air contrarié.

- En fait, on a commencé à se parler avant le cours. Une amie commune qui nous a présenté, répond Maéline.

- Mh, c'est bien, répond-elle voulant cacher l'amertume qui réside dans sa voix.

Désolé Léa, j'avais déjà dit que je ne ferai pas parti de ta cour. Tu as bien trop de caractère et tu es franchement insupportable. Je suis douée dans l'art de la manipulation, mais je ne suis pas masochiste. Avec toi, ce serait bien trop d'ennuis. De plus, je serai quoi ? Ton 3ème ou 4ème amant ? Hors de question que je sois souillé par une catain de ton genre. Puis je n'attends rien de toi émotionnellement parlant. Je ne te parle que pour les stages que tu peux m'apporter. C'est uniquement pour cela que je continue à te faire croire que je pourrai faire partie de tes pantins. Ne rêve pas, je suis trop bien pour toi.

Nous fumons une clope tous ensemble avant de prendre chacun la route pour rentrer chez nous. Maéline ne parle pas trop, elle n'a pas l'air de se sentir à l'aise. Peut-être a-t-elle senti l'amertume de Léa tout à l'heure. Je la rassurerai sur le sujet plus tard. Puisque forcément, devant Léa ça ne va pas être possible.

En rentrant, je me mets devant mon ordinateur. Je fais la mise en page de mes cours et en profite pour les relire. Je commence par le Droit Pénal, c'est bien plus intéressant. Je sens mon téléphone vibrer. Je jette un œil dessus. C'est toi. A peine es-tu rentrée que tu m'envoies déjà un message. C'est un très bon début ! Tu te confonds en excuses de me déranger et me demandes si je peux t'envoyer le cours de Droit Administratif car tu n'as pas eu le temps de tout noter pendant le cours. J'accepte bien sûr. Je t'envoie le fichier.

Maé : Oh merci beaucoup Loulou, t'es adorable.

Moi : Avec plaisir ma chère !

Alors tu m'as déjà trouvé LE surnom. C'est bien. C'est même très bien. Encore plus rapide que prévu. Tout fonctionne à merveille. Tu ne vas peut-être pas être si difficile à apprivoiser.

Tu continues à me parler. D’abord des cours, puis tu changes rapidement de sujet. Tu me parles de tout et rien. Tu me demandes si je vais en cours de Budgétaire demain matin, je te réponds par l’affirmative. Tu es contente et me dis que du coup, tu viendras. Tu ne peux déjà plus te passer de moi où je rêve ? Mais c’est très bien, continue sur cette lancée ma Belle. Tu vas tellement me faciliter les choses. Si tu n’étais pas aussi amoureuse de ton copain je croirais que tu me dragues. Peut-être le fais-tu ? Mais non. Tu n’as pas l’air d’être ce genre.

Je profite d'aller sur ton profil pour faire un peu plus de découverte sur toi. Tu es discrète dans la vie de tous les jours, mais sur Facebook, c'est limite un journal intime pour ceux qui arrivent à le voir. Beaucoup de chansons tristes. Que tu ne mets jamais là au hasard. Lorsque tu les publies, c'est pour faire passer un message à quelqu'un. Et au vu des chansons, je suis persuadée que c'est pour ton copain. Mais il ne fait pas attention à ce que tu publies car tu en mets trop. Il a pris l'habitude que tu mettes des chansons tristes pour le "forcer" à se concentrer sur toi. Alors tu en mets de moins en moins au fil du temps. De temps en temps tu lances des phrases, surement des citations que tu trouves sur internet. Tu veux paraitre cultivée. Tu cherches à ce que les gens t'aiment ou au moins t'apprécient. Tu cherches les compliments. Tu appelles indirectement à ce que les gens te parlent, à ce qu'ils se souviennent que tu es là, que tu existes. On dirait que tu as honte de toi même.

Tu as une énorme fragilité psychologique. Hypersensible. Besoin perpétuel de créer un lien fusionnel avec quelqu'un. Surement t'a-t-on déjà abandonné. Tu as besoin qu'on te rassure, constamment. Non, ce n'est pas écrit sur ton mur tout ça. Mais je le sais. Les autres, mes exs, étaient comme toi. Vous êtes pareilles. Et c'est une bonne chose pour moi. Tu es malléable. Avec les bons mots et de la persuasion, j'arriverai à t'amener dans mes griffes. Tu seras mienne, dans la nouvelle toile que j'aurai tissé rien que pour toi. Mais tu vas croire que je te prends sous mon aile. Tu me penseras bienveillant. Et d'une certaine manière je le serai. Je te façonnerai à ma manière pour nous. Pour notre confort. Et je serai le plus heureux des hommes.

Mais chaque chose en son temps. Le chasseur qui s'approche trop et trop vite fait fuir la biche. Même la plus naïve d'entre elle. Silence et patience. Tu seras à moi.

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