3.

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Ce matin, je suis de très bonne humeur. C'est quelque chose d'avoir rencontré Maéline, c'est autre chose de l'apprivoiser. Mais je suis le meilleur. Alors ce jeu me plait, il me plait beaucoup même. 

Je prends mon habituel café, je fume mon habituelle clope, première d'une longue série pendant la journée. Je me douche, et m'habille. Je me peigne et me parfume. Je suis prêt. 

Clés, mallette, téléphone, clopes et c'est parti. Je monte dans ma magnifique voiture et prends la route jusqu'à la fac. 

Une fois arrivé, je vois au loin mon groupe d'amis. Je m'avance vers eux, mais n'aperçois pas ma Belle. Pourtant Léa est là. Je ne montre rien, je dis bonjour à tout le monde, comme d'habitude. Je me dirige vers les machines à café. Je suis contrarié. Cette garce m'a dit qu'elle venait. Elle n'est pas là. Ça se passait trop bien. C'était sûr qu'il y aurait un loup. Mais je n'ai pas dit mon dernier mot. Elle va me le payer. Elle ne sait pas de quoi je suis capable lorsqu'on me contrarie. Elle va le regretter. 

Je boue de l'intérieur. Mais physiquement, les gens peuvent croire que je suis l'homme le plus heureux du monde. Ne rien montrer, voilà le plus essentiel. Ne jamais montrer aux autres que je suis vulnérable. Sauf si je veux leur faire croire que je le suis. C'est normal. La vie est un théâtre après tout. Je suis acteur, spectateur mais je dirige également. Je choisi qui fait quoi et à quel moment. Je suis fait pour ça. Voilà pourquoi je suis le meilleur. Dans la polyvalence de la vie, je suis expert en la matière. 

Je prends mon café et retourne voir mes amis. Je m'allume une cigarette, je ne dis rien, je fais semblant d'écouter les conversations. Je n'ai pas envie de les instruire aujourd'hui. Ils n'ont qu'à apprendre d'eux-mêmes un petit peu. Ça ne leur ferait pas de mal. Déjà qu'ils ne sont pas très intelligents et ne font rien pour l'être. Je ne vais pas constamment les tenir par la main. Je ne suis pas leur père et j'ai autre chose à foutre. Je me contente de "Mh" et d'acquiescer lorsqu'on me demande mon avis. Mais autant dire que je m'en tape. 

- Salut Loulou, dit une voix derrière moi. 

- Ah, salut !, répondis-je l'air de rien. 

Maéline. Tu es là, tu es bien là. Bon, je me suis peut-être énervé un peu rapidement. Mais sache que je n'aime pas les surprises de ce genre. Je te le ferai apprendre plus tard, tu comprendras dans quelques temps qu'il ne faut pas me contrarier. 

- Comment tu vas ma Belle ?, lui demandais-je 

- Bien, et toi ? 

- Ca va toujours ! 

- Encore merci pour le cours hier, tu m'as sauvé la mise.

- Je t'en prie, c'est rien. 

- Je ne m'en sors pas du tout dans cette matière et le prof est horrible. Il me fait peur !, me dit-elle en rigolant. 

- Ah ? Moi il m'adore ! Si tu veux, je pourrai faire en sorte qu'il soit plus gentil avec toi !

- C'est gentil, mais ne t'embête pas. En tout cas, grâce à toi, j'ai pu combler tous les manques de mon cours, c'est adorable. 

Je commence à combler les manques de ton cours, puis je comblerai les manques que tu as dans ta vie. Je serai l'ami que tu souhaites que je sois, fusionnel avec toi. Je ne me consacrerai qu'à toi. Ainsi, je pourrai combler le manque d'attention que ton copain ne t'apporte pas. Je prendrai en premier lieu sa défense car je ne le connaîtrais pas. Tu essaieras de me persuader que non, il a tort, qu'il n'est pas correct avec toi. Une fois que nous serons assez proches, je prendrai ta défense. Te dirai que ton copain ne te mérite pas, que tu mérites mieux que lui, que tu mérites quelqu'un qui te comprenne. Je serai ton preux chevalier. Puis quand tu le largueras enfin, et ça arrivera bien vite, je serai toujours là. Je serai l'homme le plus gentil et le plus adorable du monde. Tu ne pourras compter que sur moi. Tu me mettras en avant avec tout le monde en disant que je suis juste un ami. Mais en réalité, ce sera déjà le bazar dans ta tête car tu seras perdue entre ton ex et moi. Tu ne sauras plus où donner de la tête. Et à partir de ce moment-là, il ne me restera pas grand-chose à faire avant que tu ne craques et ne tombes dans mes bras. C'est presque trop facile. Mais avec les personnes comme toi Maéline, c'est toujours comme ça que ça se passe. 

Je pourrai avoir des regrets, des remords, me flageller. Mais ça n'arrivera jamais car j'en suis incapable. Je peux te faire croire que j'ai des regrets et des remords. Je peux te faire croire que je me flagelle. Mais je ne peux en aucun cas le ressentir. Ça ne m'apporterait rien, tout simplement. Je ne suis pas masochiste, je l'ai déjà dit. Et ce qui me fait du mal, ne me plait pas. Mais avant de me faire du mal, il faut y aller. 

- Maéline, je te présente Palmyre, Joe et tu connais déjà Léa.

- Oui, bonjour, Maéline, enchantée. 

- Salut Maéline, répond Joe

- Bonjour !, ajoute Palmyre

Vu la tête de Léa, elle n'apprécie pas que je fasse rentrer Maéline dans notre groupe. Elle ne sourit pas, elle a l'air blasée. Mais je m'en fiche. Si je veux que ma proie reste à mes côtés, je dois l'intégrer à mon groupe. Il ne faut pas que ça se passe autrement. Joe et Palmyre ont l'air ravi. Ils sont accueillants. Cependant, je sens que je vais devoir mettre les points sur les i avec Joe, car il regarde Maéline comme son quatre heures. 

Je m'en occuperai plus tard, je dois être le centre d'attention de ma "protégée".

Nous discutons et allons en cours. Ce n'est pas la matière que nous préférons le plus, beaucoup de chiffres et de concepts particuliers à retenir, mon cousin s'amuserait comme un fou. Mais nous venons surtout pour le prof. Il est vraiment marrant. En nous montrant les plus grosses dettes de la France et en nous expliquant à quel point nous sommes dans la merde pour qu'un jour le pays se sorte de ça, ce qui est impossible aux vues de la somme, il relativise en riant et en faisant des blagues. C'est plutôt sympa, ça ne sera pas difficile de lui faire cracher le morceau quant au sujet qu'il va nous mettre le jour de l'examen. Mais j'ai un doute sur le fait que même avec le sujet, je puisse m'en sortir, nous n'avons pas de support, de matière. Même si nous assistons à tous les cours, notre traitement de texte reste vide car il n'y a rien de concret à noter. Je ne compte vraiment pas sur cet examen. 

Midi arrive vite, je demande à tout le monde s'ils veulent venir manger au restaurant universitaire. Je savais d'avance que Joe, Palmyre et Léa diraient non. Ils préfèrent manger dans les snacks à côté de la fac plutôt qu'au RU. Maéline accepte. C'était du tout cuit. 

Nous nous installons à une table, j'ai pris soin de me mettre dans un coin isolé, elle sera plus encline à parler et à se dévoiler. Je dois avant tout la mettre en confiance en lui parlant de moi. Si elle voit que je lui donne ma confiance, elle me donnera la sienne. C'est ainsi qu'elle fonctionne. Et c'est ainsi que toutes mes exs fonctionnaient. C'est ce qui arrivent quand elles ont été trop trahies, trop blessées, autrement dit ce qui arrive quand elles sont trop naïves. Et elles le sont tellement. Chance pour moi, sinon la tâche serait plus compliquée. 

Nous parlons de choses et d'autres, je lui demande pourquoi le droit, a-t-elle des frères et sœurs, lui reste-t-il des amis en Bretagne ? etc... Pour elle, ces questions paraissent anodines. Mais je sais qu'elles vont beaucoup me servir. Puis, je viens sur le sujet Matthieu

- J'ai cru comprendre que ça n'allait pas très bien avec ton chéri, veux-tu en parler ? Je peux peut-être te conseiller ? 

- Non merci, ça va aller..., répond-elle sans y croire. 

- Ça fait combien de temps vous deux ? 

- 2 ans et demi passé. 

- Ah oui, ce n'est pas tout jeune... 

- En effet... 

- Tu sais, avec mon ex, nous avons presque fait trois ans aussi. Et j'en suis malheureux tous les jours. Elle me manque terriblement, je l'aime toujours tu sais. J'étais tellement fou amoureux d'elle. Je ne l'ai jamais dit car j'avais peur que les autres ne me comprennent pas, mais je ne sais pas. Avec toi c'est différent, tu as l'air différente. Tu m'as l'air plus mature que les autres. C'est pour ça que je pense que tu peux me comprendre. 

- C'est gentil, mais je comprends. Je ne sais pas trop quoi te dire, je suis désolée pour toi Loulou. Que s'est-il passé ? 

- Oh je ne veux pas trop en parler, dis-je la voix cassée avec des fausses larmes aux yeux. Je veux simplement que tu comprennes que ce n'est pas une fois que c'est fini qu'il faut agir. 

Mon petit jeu fonctionne à merveille. Elle a de l'empathie. J'ai également piqué sa curiosité avec cette histoire d'ex. Mais je ne peux rien te dévoiler pour le moment, j'attends que tu me racontes ton histoire. Sinon comment vais-je pouvoir faire coïncider nos histoires ?

- Avec mon copain ça ne va plus trop car je le trouve trop distant. Il passe son temps à jouer à ses jeux vidéo. Quand je viens chez lui le week-end, j'ai l'impression que ça ne lui fait rien ou alors que je l'emmerde. Comme s'il voulait être seul. Il est dans la même fac que nous et je ne le vois jamais. Quand les après-midis nous sommes dispos tous les deux, il ne veut pas qu'on fasse quoi que ce soit, il préfère rentrer chez lui pour se "reposer" mais chez lui reposer veut dire jouer. Il passe son temps à jouer, vraiment. Et quand ce n'est pas les jeux, ce sont ses potes... 

Bingo ! Tu as voulu me faire penser à autre chose pour ne pas que je pleure et la seule chose qui t'ai venu en tête est la dernière conversation que nous ayons eue avant que tu sois mal à l'aise. C'est très bien. Maintenant je commence à connaître le problème. J'écoute chacun de tes mots, chacune de tes phrases. Je fais attention au ton que tu emploies. Ma cocotte, si je t'écoute ton mec est un pur connard. Je ne le connais pas. Mais j'irai chercher quelques informations sur Facebook. 

- ... Je pense qu'il ne m'aime pas autant que je l'aime et ça me tue. Ça me bouffe. J'ai voulu le quitter plusieurs fois, mais quand je l'ai fait j'ai regretté dans les heures qui ont suivi et je suis revenue. Je ne peux pas le quitter, je l'aime trop. Mais ça me fait mal en fait...

Je prends ta main et te la serre pour te montrer que je compatis. J'attends que tu me déballes tout mais surtout que tu te calmes, car il y a beaucoup trop d'émotions en toi, j'en ai le tournis ! Tu es sur le point de pleurer, tu sens que je te serre la main. Ce qui t'incitera à te lâcher et à pleurer. 3... 2... 1... Bingo. Je me lève de ma chaise pour venir à côté de toi et te faire un câlin pour te réconforter. Ce n'est pas encore à ce moment que je prends sa défense. J'attends la suite. 

De toutes mes exs, je dois reconnaître que tu es bien la plus émotive. Ça me parait si parfait. 

Je te sors un mouchoir et te le donne, en me relevant je pose ma main sur ton épaule et exerce une légère pression. A ton regard, je sais que tu penses t'être trouvé l'Ami et le Confident Idéal. Je sais que tu me vois comme quelqu'un d'attentionné désormais. Je sais que tu iras me raconter tous tes secrets et plus encore. Et chaque jour, je ferai en sorte de t'offrir toutes ces petites attentions, sans en faire trop car de l'Ami et Confident je passerai au rôle de Chien. Or ce n'est pas moi que l'on va abandonner sur une aire d'autoroute. C'est toi, quand je n'aurais plus besoin de toi. Mais tu as le temps pour ça. Tu as tellement à m'offrir. Tu ne le vois pas, mais je suis tel un gamin le jour de noël. Je découvre mon nouveau jouet et il me plait, il me plait tellement. Je vais jouer avec, en prendre soin, le chérir quelques temps et puis je voudrai un nouveau jouet car tu n'auras plus de secret pour moi et ne m'apporteras qu'ennuie et lassitude. 

Tu sèches tes larmes, je te dis que ça va aller, que tu ne dois pas t'inquiéter, que ce n'est qu'une très grosse mauvaise passe avant les 3 ans. Je te sors le fameux dicton des 3 ans, 6 ans etc... qui concernent les relations. Je ne veux pas te dire que tu fais certainement les choses bien. C'est encore trop tôt. Je te dis de ce fait que j'ai hâte de trouver quelqu'un qui me comprenne, qui m'aime de manière inconditionnelle car c'est ce que moi je ferai avec elle. Je te dis que je veux une relation stable, qui dure. Une relation remplie d'amour, de complicité, de joie. Que je cherche quelqu'un qui partagerait tous les plus beaux comme les plus mauvais moments de sa vie. Que je cherche quelqu'un qui me rassure au quotidien, qui me dise qu'elle m'aime car pour ma part je ne cesserai jamais de lui dire. Que je veux tomber amoureux d'une personne franche et honnête, une personne qui serait entière. Que j'accepterai ces défauts car je te dis que j'en ai aussi et que personne n'est parfait alors qu'il faut accepter l'autre comme il est. En bref, je te dis tout ce que TOI tu attends d'une relation. Et tu me dis à chaque fois que tu es d'accord avec moi, que ton idéal c'est ça. Qu'avec ton copain tu rêverais d’une relation pareille. D'une relation aussi belle et fusionnelle. Je ne fais que te conforter dans ta manière d'être sans pour autant te dire que tu fais exactement ce qu'il faut avec ton copain. Trop tôt. 

Je ris en te disant que nous ne sommes peut-être pas normaux, qu'avant toi, je n'avais encore jamais rencontré quelqu'un qui avait les mêmes attentes que moi sur le couple que je rêverais de former avec une femme. Je créer de plus en plus de liens avec toi. Tu te sens très proche de moi. Ça te rassure et t'apaise. Tu ne te sens plus seule, tu te dis qu'une autre personne pense exactement comme toi. Ça te fait du bien, car tu as l'impression d'être bizarre comparé à tes copines ou autres connaissances. C'est très bon pour moi tout ça. 

Aujourd'hui, nous avons franchi un cap. Ça me parait si parfait.

Nous retournons en cours, je continue à te faire rire, à te changer les idées. Je fais exprès de nous trouver des points communs et des blagues rien qu'à nous. Je veux créer une forte complicité entre nous. Et je suis sûre que bientôt, tu penseras à moi très souvent, tu ne pourras plus te passer de moi. Les gens appellent ça de la dépendance affective. C'est si niais.

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