Chapitre 5 • Hanaé

5 minutes de lecture

Naïas a eu une étrange demande à me soumettre. Puisque je partage l'amitié incongrue avec une nymphe dévoreuse de chair humaine, je pouvais m'attendre à tout sauf cette requête qui dépasse mon imagination.

La rusalka n'a pas tort. La sorcière empeste l'odeur putride de Cédrick, mais le collier en Jadukara Loha ne doit pas être une mise en scène pour affaiblir notre vigilance. Aucune jeteuse de sorts saine d'esprit ne mettrait de son plein gré un tel bijou diabolisé.

Pour le moment, la jeune femme est tapie dans les fourrés. Le vent souffle à notre avantage, sinon j'aurais dû improviser une solution pour cacher sa forte odeur. Ma délicate truffe est ultrasensible, tous comme celle de mes rivaux.

Même sans le bruit de leurs pattes foulant le sol de la forêt, je perçois leur présence toute proche. Le vent apportent leur pestilence. Rien que de les sentir et j'ai envie de grogner mon mécontentement. Trainer leur carcasse à la frontière est rare, surtout dans ce lieu si reculé de leur territoire.

Campée sur un rocher plat en hauteur, j'impose ma stature pour qu'ils prennent conscience de la limite. Je suis dans mes droits et je compte bien leur rappeler.

Les buissons frémissent et une carrure noire s’y découpe. Trois, ils sont trois loups à la poursuite de cette frêle sorcière. Naïas a vu juste. La jeune femme n'est pas n'importe qui pour Cédrick. S'il met autant de lycans à sa poursuite, c'est qu'elle représente un tel trésor. Mais à quoi lui sert-elle ?

Si un loup peut sourire, mon museau afficherait une telle grimace en ce moment.

Bien résolue à ne pas faciliter la tâche de Cédrick, je prends les devants sur les décisions de mon Alpha. Ma petite voix me souffle qu'il appréciera l'initiative. Peut-être que j'aurais droit à une récompense...

Ce n'est pas le moment de faire des plans sur la comète. Je dois m'imposer face à ses trois gaillards et leur remémorer les limites.

Oh mais regardez-moi ça, mes frères. Une jeunette nous fait face, raille le loup noir.

Toujours aussi désagréable et provocateur les lycanthropes de cette meute de bras cassés. Ils prennent tout le monde de haut juste parce qu’ils sont sous l’autorité de Cédrick.

Oh mais que fait trois lourdauds si loin des jupons de leur Alpha.

La confrontation entre deux membres de meutes adverses et toujours tendues et agrémentée de joutes verbales nullissimes. Je dois m’ajuster à leur diapason bien bas.

Toi, la blancharde, tu ferras moins la maligne quand j'aurais traversé ce cours d'eau.

Si j'étais vous, je m'y risquerais pas.

Tu crois que tes beaux yeux me font peurs ?

Il pose une patte dans le courant, mettant sa menace à exécution.

Il vous apprendre vraiment rien, me lamenté-je.

Devant leur silence, je prends :

Passez ce cours d'eau et je serais dans ma légitimité de vous égorger. Et votre Alpha ne pourra plus rien pour vous.

Il rétracte sa paluche de l'eau, tout en grognant son mécontentement. Dépasser la limite et entre dans un autre secteur sans y être invité annonce les hostilités. Tout loup-garou de la meute peut appliquer la sentence de mort sur l’imprudent ; même les larbins de Cédrick ne se risqueraient pas sur d’autres terres sans leur Alpha. Les lycans sont très territoriaux.

Même pas foutu de connaitre leur propre limite, me moqué-je.

Des brutes sans cervelles. Je suis heureuse de n’être pas membre de leur meute. Mon Alpha est bien plus humain que le leur qui n’est qu’un assoiffé de pouvoir et par sa faute, tous les loups-garous en payent les pots cassés.

Après une si belle tirade, je m’attends à ce qu’ils déserte la berge. Grave erreur. Ils n’en ont pas fini avec moi.

Dis, tu n’aurais pas croisée une jeune sorcière, pas très grande, les cheveux auburn dans les parages pendant ta mini-promenade des limites de ta misérable meute ?

Je dois me retenir de jeter un coup d’œil dans les buissons.

Une sorcière ici ? Depuis quand elles s’aventurent aussi loin dans le nord ? … À part les cheveux verts des rusalki, je n’ai rien vu.

Si tu venais à nous mentir…

Je lui ferme le clapet d’un grognement féroce, oreilles en arrière et babines retroussées. Il n’a aucun droit de me menacer, car il n’est pas un Alpha. Ah les mâles ! Ils m’horripilent avec leurs hormones de dominateur.

Ils repartent la queue entre les jambes, sûrement pour continuer à flairer la trace de la jeune sorcière le long de la berge. J’attends. Je veux être certaine qu’ils ne resteront pas dans les parages quand la jeteuse de sorts sortira de sa cachette. Le vent cingle mes poils et apporte des odeurs de forêt, mais plus celles de loup.

Bon, maintenant, je dois m’adapter à communiquer avec une ignorante du langage lupin. Je la pousse du bout de ma museau pour lui expliquer qu’elle n’a plus rien à craindre. Puis je trotte entre les arbres quelques pas et me retourne pour lui faire comprendre de me suivre.

Elle est toujours prostrée sous les buissons et me regarde d’un air ahuri. Je ne suis pas sortie de l’auberge avec un esprit aussi lent à la détente. Je reviens vers elle et entreprends les mêmes manœuvres. J’attrape un pan de sa robe entre mes dents et tire pour l’inciter à se lever.

— Tu veux que je te suive ?

Enfin, elle saisit ! Pour lui confirmer, je hoche de la tête. Au moins, cela elle comprend parfaitement la signification.

Il aurait été plus facile que je me retransforme en humaine, mais je suis bien plus vulnérable. Premièrement, je peux flairer le danger plus rapidement sous mon apparence loup. Bien que nos sens bipèdes soient plus développés grâce à la Morsure, en lycan, ils le sont encore plus. Deuxièmement, je ne fais pas entièrement confiance à la sorcière. Il m’est d’autant plus facile de la surveiller sous cette forme.

Elle marche d’un pas lent derrière moi. Malgré ses chuchotements, j’entends clairement ce qu’elle se dit. Elle peste sur les loups-garous. Au moins, nous sommes toutes les deux d’accord de notre appréhension mutuelle sur l’espèce de l’autre.

Et puis, je l’entends frissonner. Ses dents claquent sans arrêt, agaçant mes oreilles sensibles. Elle frictionne ses bras pour essayer de se donner un minimum de chaleur, mais peine perdue trempée comme elle est. Des frêles créatures, ces sorcières, tout comme les humains. Je dois me dépêcher de rentrer au village avant qu’elle finisse en hypothermie. Tant qu’elle marche, c’est un bon signe.

Annotations

Vous aimez lire Azurne ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0