Chapitre 10.1 – Ceux qui l’attendent assis.

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Tout autour de lui, les autres scouts s'émerveillaient également devant ce spectacle. Jeannot ne pouvait détourner le regard de l’étendue d'eau qui emplissait l'horizon. Il baissa petit à petit les yeux et aperçut tout d’abord une plage puis au bord de celle-ci un alignement de tentes. La destination finale de la carte gravée sur la coupe des paladins était enfin à portée de vue.

ils s'empressèrent de rejoindre ce qu'ils espéraient être le terme de leur mésaventure. Toutefois, arrivés en bas de la colline, ils ralentirent leur course haletante en apercevant un portique PH. Une structure, typiquement scoute, ornée d'un complexe entrelacement de ficelles formant une parabole et des hyperboles, d'où elle tire son nom.

Sa présence ne laissait aucun doute quant à leur entrée dans un camp scout

Deux jeunes vinrent à leur rencontre.

— Bienvenue, vous êtes arrivés sur votre camp, dit l’un d’eux. Je suis Jean-Christian.

L’autre prononça quelques mots en espagnol. Ses compatriotes qui accompagnaient l’équipe de Jeannot, levèrent la main et le suivirent.

— Ce n’est pas notre camp, rétorqua sèchement Bertrand.

— Ça va le devenir, alors.

— Macarel ! T'es bouché ou quoi ? On te dit que ce n’est pas le nôtre ! s’écria-t-il après l'avoir empoigné par le foulard.

— Ce n’est pas vous que j'attendais ? balbutia Jean-Christian.

Il se dégagea de l’emprise de Bertrand, sortit un papier de la poche de sa chemise et le déplia. Bertrand lui arracha la note des mains et confirma que leurs prénoms étaient bien inscrits. Seul Axel n’était pas présent. À sa place il était fait la mention d’un certain Calimucho

— C'est Calimero, corrigea Aimé en ricanant.

Axel ne se priva pas de rappeler à qui voulait l’entendre qu’il en avait marre de ce sobriquet ridicule pendant que Jean Christian les invitaient à le suivre pour leur indiquer l'emplacement de leur tente.

— Non, mais attends ! Nous avons atteint l’endroit sur la carte. Donc, fini de jouer ! s’agaça, de plus belle, Axel.

Jean Christian se figea, se retourna et lâcha un long souffle d’exaspération.

— Écoutez. Tout le monde a envie de rentrer chez lui. Mais pour l’instant, personne n’a trouvé la solution. Je n’ai rien de plus à vous proposer.

Un silence s’installa. Puis Jean Christian expliqua la situation. Tout le monde écouta avec attention. Les scouts étaient tous arrivés sur cette plage, certains grâce à la carte sur la coupe, d'autres par pur hasard. Cela faisait trois semaines que lui et son équipe étaient coincés sur cette plage.

— Trois semaines ! s’exclama Axel

— J'en connais, cela fait deux mois qu'ils sont ici, répliqua Jean Christian.

— Deux mois ! s’étrangla Axel. Non… Non… Non, mais, ce n’est pas po... po... possible.

Tandis qu’Axel se décomposait, Jean Christian détailla la situation. Les premiers arrivés avaient découvert un rocher gravé d'une inscription qui semblait être une énigme, mais jusqu'à présent, personne n'avait réussi à la déchiffrer. Il leur parla également d'une cabane sur la plage où des provisions et des instructions étaient mises à disposition.

— Par qui ? interrogea Jeannot.

Jean Christian haussa les épaules et hésita un instant avant de poursuivre. Il expliqua qu’ils ne savaient pas qui était derrière tout ça. Chaque matin, ils découvraient la cabane remplie de provisions et parfois une note indiquant l'arrivée d'une nouvelle équipe. Bien qu'ils surveillaient la cabane chaque nuit, personne n'avaient été vu en train d'y entrer ou d'en sortir.

— Mais elle ne se remplit pas par magie ! s’exclama Axel.

— De la magie, je ne sais pas. Il faut bien avouer qu'atterrir ici, ce n’est pas non plus normal, renchérit Jean Christian.

— Ah non ! Non, mais là non ! lança Axel en hochant la tête négativement. Non, mais je vais me réveiller. Il faut que je me concentre, murmura Axel après avoir fermé les yeux.

Au bout de quelques secondes, il les ouvrit à nouveau.

— Non ! Non, mais que quelqu’un me… Aïeuh ! hurla-t-il en se retournant vers Christophe.

— Me pince, tu allais dire ? demanda Christophe.

— Tu sais que tu es un vrai malade !

— La chochotte, je l’ai à peine effleuré.

— Bon je vous emmène alors ? questionna le jeune scout, qui sans attendre de réponse, se mit en marche.

Ils lui emboîtèrent le pas, silencieux, sidérés par cette nouvelle. La fin de cette étrange aventure ne semblait pas figurer sur l'itinéraire. Tout ce qu'ils avaient obtenu en suivant la carte était que le mystère s'épaississait encore un peu plus.

Ils avancèrent sur une allée bordée de dizaines de tentes identiques, le campement s'étendant sur une zone de sable, protégé des embruns par une petite dune. Des panneaux de bois avec des lettres peintes indiquaient les différents emplacements ici et là.

— Il y a le conseil des chefs d’équipe à dix-huit heures au point Charlie, informa Jean-Christian devant un rocher. Puis là, c’est la fameuse cabane, ajouta-t-il alors qu’ils passaient non loin d'une petite cahute en bois montée sur pilotis.

Il leur montra plus loin un grand marabout, servant à l'intendance.

Après quelques pas, il leur désigna le secteur Uniform. Il leur indiqua leurs tentes. L’une d’elles contenait les duvets et l’autre leur matériel d’équipe. Il les informa qu’il séjournait au secteur Bravo avant de prendre congé.

— C’est Christophe qui va être content, soupira Aimé. Secteur Uniform on ne pouvait pas mieux tomber !

Ils inspectèrent les deux canadiennes. Aimé fut dépité en découvrant les duvets verts kaki.

— de vrai sac à patates, se gaussa Christophe afin de remuer encore plus le couteau dans la plaie.

— En parlant de sacs à patates… Je ne sais pas vous, mais moi, j’irais bien voir à l’intendance ce qu’on peut y grappiller, car j’ai vraiment la dalle, suggéra Bertrand.

— T’inquiète Bébert, j’ai trouvé les apéritifs, répliqua Pierrot resté à l’extérieur. À douze heures… Matez les amuses bouches, se réjouit-il pendant qu'il observait un groupe de filles de l’autre côté de l’allée.

— T’es con, BG ! J’ai vraiment la dalle.

— Tu as raison Bébert, jamais le ventre vide. Allez, c’est parti ! Direction l’intendance. Le dessert attendra, s’exclama Pierrot amusé.

— Hé, les gars, réveillez-vous ! s’écria Axel. Nous sommes coincés ici, et c’est le seul effet que ça vous fait.

Jeannot assura à Axel qu’ils étaient tous conscients de la situation. Mais se lamenter sur leur sort ne résoudrait pas leurs problèmes. Axel acquiesça d’un timide signe de tête.

Ils se dirigèrent vers l'intendance. Deux scouts se tenaient derrière une table qui servait de comptoir.

— Salut, on a quoi au menu ce midi ? interrogea Bertrand en se frottant les mains.

En guise de réponse l’un des scouts désigna par un geste un panneau : « Horaire de distribution de 07h00 à 8h00 de 11h30 à 12h30 de 19h00 à 20h00 »

— Allez, les gars ! Soyez sympa, nous venons juste d’arriver, rétorqua Jeannot.

— Quand c’est plus l’heure, c’est plus l’heure, répondit-il d’un ton moqueur.

Bertrand l’attrapa de l’autre côté du comptoir par le col de la chemise et le ramena violemment vers lui. Le pauvre se retrouva à plat ventre sur le meuble, en lançant un regard apeuré.

— Si je n’ai pas à manger dans les secondes qui viennent, je t’embroche et je te fais cuire ! grogna Bertrand.

— Nous pouvons vous donner du pâté et quelques tomates, répondit fébrilement l’autre scout.

Bertrand relâcha son emprise. Il s’étonna de voir plus de choses que ce que le jeune annonçait. Mais celui-ci lui précisa que le reste était l’intendance prévue pour le dîner. Il accepta finalement de leur donner quatre petites boîtes de pâté et une belle miche de pain, ainsi que des tomates.

— C’est sûr que c’est du pâté ? demanda Axel après avoir inspecté les conserves exemptes de tout marquage.

— En principe oui, c’est la forme qu’ont celles-ci. Il n'y a jamais d’étiquette sur les boîtes.

— Comment vous faites pour les dates de péremption ? interrogea d’un air inquiet Axel.

Le scout haussa les épaules.

Christophe désigna deux conserves posées dans un coin à même le sol en demandant s'il pouvait les prendre. Le jeune acquiesça en prévenant qu'il ne savait pas ce qu'elles contenaient.

— J’espère que ce sera plus consistant que des fruits au sirop, soupira Bertrand.

Après avoir récupéré leur repas, ils retournèrent aux tentes.

— Bébert, il faudrait quelquefois que tu sois un peu moins… commença Axel.

— Quoi ? fulmina Bertrand.

— Impulsif, termina Axel en baissant la voix.

— De toute façon, comme Bébert il est bête, on ne l’écoute jamais. Alors il faut que bien que je lève le ton pour me faire entendre.

— Arrête de dire à tout bout de champ que tu es bête.

— Oui et bien, on me l’a tellement dit, depuis la primaire !

— Ne fais pas attention à tous ces idiots ! Pas besoin de toujours jouer de tes muscles, tu nous as déjà prouvé que tu savais réfléchir. Tu nous as sortis plusieurs fois de la mouise.

— Sauf pour porter les malles… plaisanta Aimé. Là on apprécie que tu joues de tes muscles.

— Si on passait à table ! lança Pierrot.

— Arrête de faire ton Bébert, répondit Bertrand, en éclatant de rire.

— Mince, je suis démasqué !

Les grandes boîtes de conserve contenaient des raviolis qu’ils avalèrent goulûment sans même les réchauffer. Terrassés par la fatigue, ils s’allongèrent dans la tente, et s’endormirent presque aussitôt.

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