Chapitre 8 – Tout seul on va plus vite.

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Occupés à se crier dessus, ils n’avaient pas remarqué la présence des pionniers français. Jeannot reconnut immédiatement le jeune qui était apparu la veille dans les fourrés avant de détaler aussitôt comme un lapin. Il les salua en arrivant à leur hauteur. Stupéfaits de les voir, ils se turent. Une expression de soulagement éclaira leurs visages. Ils se mirent à leur parler en espagnol. Pierrot eut un échange bref avec eux et soupira.

— Eux aussi sont paumés ! lâcha-t-il.

— Super ! s’exclama Aimé. Deux jours à les suivre, et finalement ils sont dans la même panade que nous.

— Ils me demandent si nous connaissons la direction de la plage.

— La plage ? s’étonna Aimé.

— Tu es sûr que tu as bien compris ? questionna Jeannot.

— Certain, répondit-il brièvement alors qu'il continuait d'échanger avec eux.

Christophe et Bertrand les rejoignirent et déposèrent Axel sur un rocher. Le blessé, anxieux, demanda des nouvelles.

— T’inquiète Calimero. Ils sont juste aussi paumés que nous, ironisa Aimé.

— Non… s’insurgea-t-il dans un long râle.

— Si... si... insista Aimé qui paraissait s’amuser de la situation.

— La poisse jusqu’au bout ! Et maintenant ?

Jeannot ne lui répondit pas, préférant attendre la suite de la discussion entre Pierrot et les scouts espagnols. Après quelques échanges, Pierrot se retourna. Il haussa les sourcils, prit une longue respiration et leur expliqua que les Espagnols s’étaient perdus dans une forêt alors qu’ils participaient à un grand jeu pendant leur camp. Ils avaient passé toute la nuit à chercher leur chemin. Il fit une pause, hésitant à poursuivre.

— Vas-y accouche ! s’impatienta Christophe.

— Ils sont tombés sur des trolls.

— Man ! Faut qu'ils arrêtent de fumer la moquette ! s’exclama Aimé en éclatant de rire.

— S’ils sont aussi peureux que Calimero, perdus la nuit en forêt, ils ont confondu des mecs qu’ils ont croisés avec des trolls, répliqua Christophe.

— Tu peux toujours parler ! répondit Axel vexé.

— Si nous laissions finir Pierrot ? interrompit Jeannot.

Celui-ci expliqua alors que les scouts espagnols avaient été pourchassés jusqu'à ce que les pionniers français les croisent. Ils avaient trouvé un radeau dans un campement abandonné au bord d’une rivière et l'avaient utilisé pour la descendre.

— Quoi ! Ce n’était pas leur camp ! s’exclama Aimé. Mais combien y a-t-il de scouts dans les parages ?

Pierrot haussa les épaules en guise de réponse. Il continua à conter que par manque de fond, le radeau s'était retrouvé coincé lors du crépuscule. Ne voyant rien, ils n'avaient pas osé le dégager craignant d'être emportés par le courant. Ils avaient donc attendu sur l’embarcation que le jour se lève, sans fermer l’œil de la nuit. Puis au lever du jour ils avaient continué jusqu’à trouver le chemin pour finalement arriver ici. Mais depuis, ils ne savaient pas quelle direction prendre pour rejoindre la plage.

— La plage ? demanda Aimé. Mais, quelle plage ?

— Apparemment, celle qui est indiquée sur la carte.

— Une carte ! Enfin, une bonne nouvelle ! s'exclama Christophe.

Le scout espagnol s'éloigna brièvement avant de revenir avec la coupe des paladins en main. Jeannot fut surpris de constater que les Espagnols étaient en possession de l'objet qui avait été découvert lors du grand jeu à Susin. En apercevant celle-ci, Bertrand se jeta sur le jeune.

— Les enfoirés ! Ils nous l'ont chourée, vociféra-t-il.

— Arrête Bébert ! s’écria Christophe.

Après avoir fouillé dans son sac à dos, il brandit la coupe qu’il avait soigneusement conservée. Axel s'empara des deux exemplaires pour les comparer.

— C'est dingue ! Ce sont exactement les mêmes.

Abasourdi, Jeannot les lui arracha des mains, incrédule. Il dut se rendre à l'évidence : les deux étaient identiques, au détail près.

De plus, la carte illustrait le périple qu’ils venaient de vivre. Tout y était représenté : la colline, la forêt, le chemin, la rivière et enfin la cascade. Les scouts espagnols avaient été plus malins. Jeannot fut soulagé d’avoir croisé les Espagnols sur leur route afin d’obtenir ce détail important.

Cependant, cette découverte n'apporta pas les réponses attendues, elle ne fit qu'épaissir le mystère. Pourquoi les Espagnols avaient-ils une coupe identique à la leur ? Et pourquoi s'étaient-ils également perdus tout comme eux ? Toutes ces questions laissèrent Jeannot perplexe.

— On est où ? Un monde parallèle ? La quatrième dimension ? s'interrogea Pierrot.

— Mais arrêtez avec vos conneries, rouspéta Christophe. C’est Francis qui a organisé un super grand jeu avec des scouts espagnols et on s’est simplement paumé, comme eux.

Jeannot calma tout le monde et se concentra sur la carte de la coupe. Ils avaient passé l’étape de la rivière et devaient désormais trouver un cairn non loin de la chute d'eau. Ce tas de pierres devait leur indiquer le chemin pour atteindre la plage.

Ils fouillèrent chacun de leur côté les alentours. La cascade était nichée au creux d'un amphithéâtre naturel, bordée de falaises escarpées et de sapins imposants. Les rayons du soleil perçaient à travers la canopée, créant des reflets chatoyants sur l'eau en mouvement. Des touffes de mousse et des plantes grimpantes poussaient sur les parois rocheuses, donnant à l'ensemble un aspect sauvage et serein. L'air était empli du bruit apaisant de l'eau qui coulait tranquillement contre la roche. Cela aurait été un véritable havre de paix en d’autres circonstances. La cascade terminait sa course dans un bassin qui se déversait dans un canal creusé dans la pierre. Ce dernier serpentait ensuite à travers l'esplanade, avant de se perdre dans la végétation environnante.

Après avoir effectué une recherche minutieuse de chaque recoin, Jeannot revint à son point de départ devant la cascade. Quelques instants plus tard, tout le monde était de retour, mais aucun d'entre eux n'avait trouvé le cairn.

Bertrand se tenait immobile et silencieux, les yeux rivés sur le haut de la chute d'eau.

Jeannot tenta de l'interpeller plusieurs fois avant qu'il ne réagisse finalement. Il répondit par la négative, absorbé par une réflexion intense. Il se malaxait le cuir chevelu sans quitter du regard la cascade. Il se tourna vers Axel et le dévisagea un long moment.

— Dis Axel, comment on calcule la quantité d'eau qui passe dans une rivière ?

Axel, pris de court par la question, leva brusquement les épaules avec une expression perplexe.

— Macarel, ça doit bien pouvoir se mesurer ! Non ? insista Bertrand.

— Oui, c'est le débit. Tu calcules le volume d'eau qui passe en un temps donné.

— Et à ton avis, c'était quoi le débit de la rivière que nous avons descendue en radeau ?

— Je n’en sais rien, il faudrait le mesurer.

— À bisto de nas, tu dirais combien ?

— À vue de nez...

— Hey man ! Nous sommes vraiment dans la quatrième dimension, s'exclama Aimé. V'la Bébert qui joue à l'intello.

— Ah ouais ! Comme Bébert il est bête, on ne l'écoute jamais ! grommela-t-il avant de tourner les talons.

— Mais non, je te taquine, admit Aimé après l'avoir rattrapé. Vas-y, explique-nous où tu veux en venir.

— Bon, OK… Axel, à ton avis, tu dirais que le débit de la rivière que nous avons descendue en radeau est le même que celui de cette cascade ? demanda-t-il.

— Pas besoin de calculer !

— Donc cela veut dire…

Bertrand laissa la phrase en suspens, pressant Axel de poursuivre. Ce dernier, stupéfait, resta bouche bée, le sourcil froncé, figé sur place.

— Qu'il manque de l'eau ! répondit d’un air triomphant Bertrand.

— Bon, voilà ! Le problème est réglé. Il manque de l'eau, s’emporta Christophe. Si on s'occupait d'un souci plus important. Comme, je ne sais pas… Hum... Chercher à retrouver la plage !

— Macarel ! Et l'eau, elle est où ? Je suis peut-être bête, mais une telle quantité d'eau, elle ne disparaît pas comme ça ! grommela Bertrand.

— On s'en fout de l'eau, s’insurgea Christophe. On recherche le cairn !

— Sauf si, bien sûr, il y avait une autre cascade un peu plus loin avec justement le fameux cairn. Mais, comme Bébert il est bête…

Bertrand s'était montré un fin observateur, capable de voir au-delà des apparences. Axel fut le premier à le féliciter pour sa découverte. En suivant le chemin, ils avaient longé le cours d'eau et avaient repéré une première cascade qui n'était en réalité qu'un défluent. Ils devaient poursuivre leur route pour trouver une nouvelle chute, issue du bras principal de la rivière. Jeannot prit rapidement les choses en main, pressé d'atteindre le point indiqué sur la carte de la coupe. Il lança alors le traditionnel :

«Allez, c'est parti ! »

Mais après quelques pas, Pierrot le rappela à l'ordre.

— Et les Espagnols ?

— J'espère qu'on ne va pas se traîner des boulets, dit Christophe. Mais, ce ne serait pas très scout de les laisser dans la panade.

— Man, je ne voudrais pas dire… Qui sont les boulets qui n'ont même pas fait gaffe à la carte sur la coupe ? demanda Aimé.

— Oui, comme dirait Francis : « Tout seul on va plus vite, mais ensemble on va plus loin », lança Pierrot en signe de capitulation.

Jeannot acquiesça. Pierrot les invita à suivre l’équipe.

— Il ne faudrait pas m'oublier non plus ! s’exclama Axel assis sur le rocher.

— Non, mais maintenant que Bertrand s’est transformé en tête pensante de l’équipe, on n’a pas besoin de s'encombrer d'un autre génie, s'esclaffa Aimé.

— Allez les gars… répondit Axel, dépité.

Jeannot prit la tête du groupe. Bien qu'il ne connaisse pas parfaitement la géographie des Pyrénées Aragonaises, il était certain qu'aucune mer ne se trouvait à proximité pour qu'ils puissent y accéder à pied. Il chassa les questions qui le tourmentaient pour se concentrer sur l'objectif immédiat ne pas faire de faux pas sur la pente si raide que même les arbres semblaient jouer aux équilibristes. Puis, au détour d'un devers, il entendit un grondement sourd.

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