Chapitre 2.2 - La vie est un grand terrain de jeu.

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Au coup de sifflet, ils se précipitèrent en direction de la chapelle. En pénétrant dans le pré, ils esquivèrent les autres pionniers, qui tentaient de se saisir du foulard d’un adversaire pour l'obliger à repartir dans son camp et lui faire perdre ainsi un temps précieux. Ils se frayaient un chemin avec agilité, se faufilant entre les jeunes en évitant de se faire attraper le foulard. Aimé et Christophe semblaient particulièrement habiles à ce jeu, esquivant les mains tendues de leurs adversaires avec une facilité déconcertante. Sortis sans encombre de la mêlée, ils empruntèrent au pas de course l'unique ruelle en direction de la chapelle. Couverte de pavés sommairement placés, elle serpentait entre quelques maisons typiquement aragonaises. Ils lancèrent chacun un « bonjour m’dame », au moment de croiser la propriétaire, Angelines, installée sur un banc.

Ils arrivèrent haletants devant l’église. Le bâtiment, fièrement dressé sur une légère élévation de terrain, semblait veiller sur le hameau endormi. Un mur d'enceinte de pierres sèches l'entourait, donnant l'impression d'un refuge fortifié contre les aléas de la montagne. Le porche en bois sombre, délicatement travaillé, offrait une invitation timide à la découverte de la chapelle. L'entrée, encadrée de pierres blanchies à la chaux, s'ouvrait sur un minuscule parvis, ombragé par un figuier majestueux.

Une tour carrée, comme posée sur un des côtés de la chapelle, semblait s’élancer vers le ciel pour mieux la protéger. Ils passèrent sous une porte en bois en demi-voûte et pénétrèrent dans l'église, impatients de découvrir les secrets de la première énigme.

— Je me poste à l'entrée et je fais le guet, lança Christophe.

— Allez ! Dispersez-vous et ouvrez l'oeil, ordonna Jeannot.

Dès son entrée, Jeannot se sentit subjugué par l'endroit. Les bancs en bois sombre semblaient avoir été polis par l'usure des générations de fidèles qui s'y étaient installés. Les dessins, d'un bleu intense, formaient un contraste saisissant avec les tons ocre de la voûte. Il avança sur les dalles irrégulières de la nef. L'atmosphère était paisible et silencieuse, seulement interrompue par le chuchotement du vent à travers les vitraux teintés. Au fond de la pièce, il aperçut l'autel, majestueux et sobre, taillé dans un bloc de pierre calcaire qui semblait avoir résisté à l'épreuve du temps. Un bouquet de petites fleurs des montagnes y était posé, offrant une touche de couleur et de vie à cet endroit sacré. À côté, une croix faite de deux perches en bois était appuyée contre le mur, reliée par un brêlage carré , un nœud typiquement scout, qui témoignait de la présence d'autres scouts avant eux. Intrigué, il se dirigea vers une pièce d'étoffe de velours rouge, pendant devant une niche, à l'arrière de l'autel. Il retint sa respiration et souleva le rideau pour jeter un coup d'œil à l'intérieur.

— J’ai ! cria-t-il triomphalement en la découvrant.

Face à lui, la coupe qu’ils recherchaient trônait dans sa cachette.

— Elle est vraiment superbe ! lança Axel. Les chefs se sont surpassés !

Les chefs avaient l'art de surprendre les pionniers en confectionnant des objets ou des déguisements avec de simples matériaux de récupération. Mais cette fois-ci, c'était différent. Devant les yeux émerveillés des pionniers se trouvait une coupe magnifique en métal argenté, montée sur un socle en bois. Le pourtour était orné d'une carte gravée avec précision, ajoutant une touche de mystère et d'aventure à l'objet. Ils s'approchèrent en silence, admirant la beauté de la coupe, sans oser y la saisir de peur de la briser.

— Grouillez-vous les mecs ! Ils vont nous repérer, héla Christophe.

Jeannot recommanda à Christophe de la cacher dans son sac et de faire attention à ne pas l'endommager. Au moment de sortir, ils entendirent courir non loin d'eux. Ils se plaquèrent contre la façade, retenant leur respiration. Après le passage du jeune, ils décidèrent de se rendre discrètement à l’ermitage en passant par le potager. Ils pouvaient ainsi avancer occultés par le mur qui longeait le sentier.

Christophe jeta un coup d'œil rapide à l'extérieur.

— C'est clear, on y go ! lança-t-il.

Aimé éclata de rire.

— Oh ! Il va me faire mourir ! Go, Go, Go ! chuchota-t-il en se bidonnant.

Ils traversèrent le chemin, menant au portail du potager. Une fois à l'intérieur, ils avancèrent, dissimulés par le mur, jusqu'à atteindre l'extrémité. Bertrand fit la courte échelle à Christophe afin qu'il puisse s'assurer que la voie était libre.

Ils franchirent un par un l'obstacle, avant de s’accroupir immédiatement pour ne pas être vus.

— C'est pas vrai ! s’écria Axel.

— Chut ! intima Pierrot.

— Je viens de tomber dans les orties, gémit Axel.

— Souffre en silence, pauv’ chochotte ! Sinon on va se faire repérer, grommela Christophe.

— Pff... À chaque fois, c'est pour ma pomme...

— C’est vraiment trop inzuste ! murmura Pierrot avec un large sourire.

— T'as le mauvais œil, renchérit Aimé, hilare.

L’Ermitage se trouvait à une centaine de mètres, isolé sur une sorte de promontoire au bout du sentier. Ils avancèrent accroupis jusqu'à la petite bâtisse de pierre blanche, Christophe partit en éclaireur pour s'assurer que celle-ci était vide. Après avoir disparu quelques secondes à l’intérieur, il leur fit signe d’entrer. L’Ermitage, pourvu d’une seule pièce, ne disposait pour mobilier que d’un gros bloc de schiste flanqué sur un des côtés, devant servir à l’époque de couchage sommaire. Les murs de la salle étaient constitués de pierres calcaires taillées. À l'autre bout de la pièce, une porte en bois. Elle était verrouillée, empêchant tout accès. Pierrot proposa alors de chercher la clé. Axel rappela que leur mission était de trouver la coupe et de découvrir le passage, pas nécessairement d'y pénétrer. Mais comment être sûr que cette porte était bien le passage et non un placard à balais ?

— Sors la coupe, les chefs y ont peut-être caché un indice, ordonna Axel à Christophe.

Christophe la déposa sur le grand bloc de pierre. Ils se rassemblèrent autour pour l’étudier. La carte ne comportait ni inscription ni code à déchiffrer. En l’examinant, ils comprirent que celle-ci ne représentait aucun élément de l’environnement du lieu de camp. Francis avait bien précisé que le jeu se déroulait exclusivement dans les limites du hameau de Susin. Il n’y avait ni cascade, ni fleuve dans les parages et encore moins une plage comme indiqué sur le plan.

— La carte, c’est peut-être pour plus tard, lorsqu’on aura trouvé le passage, conclut Jeannot. On doit rechercher un indice, quelque chose. Fouillons l'ermitage !

Les pionniers se mirent à la recherche d'un indice, scrutant les moindres recoins de l'ermitage. Jeannot inspecta les fissures des murs, Pierrot chercha sous les blocs de pierre, et Christophe observa les poutres vermoulues du plafond. Finalement, c'est Axel qui aperçut une gravure étrange sur une grosse pierre dans l'encadrement de la porte. Deux spirales reliées l'une à l'autre pour former une sorte de S horizontal, avec deux petits cercles de chaque côté de la jointure de la lettre.

Aimé suggéra que cela pouvait simplement être la signature du tailleur de pierres, mais Axel rétorqua que des symboles religieux étaient parfois insérés dans les murs des édifices. Le mystère de la gravure restait entier, mais ils savaient qu'elle devait avoir une signification importante.

Axel se rappela avoir lu dans un livre que la spirale en S symbolisait le parcours de la vie. La spirale de gauche partait du centre et se déroulait vers l'extérieur, évoquant notre voyage pour s'ouvrir au monde. Elle se reliait ensuite à une autre spirale qui s'enroulait vers l'intérieur, représentant la découverte de soi-même au cours de ce parcours.

— Man, c’est un jeu, pas un temps spi ! s’exclama Aimé.

— Ouais, franchement, ça ne fait pas avancer le schmilblick, renchérit Bertrand.

Jeannot conclut que le symbole avait sans doute une signification cruciale dans le jeu, étant donné qu'il était le seul élément remarquable dans l'ermitage. Il émit l'hypothèse que Francis avait probablement utilisé ce symbole ou s'en était inspiré. Il souligna que cette figure n'apparaissait pas sur la gravure de la coupe, ce qui impliquait qu'ils devaient chercher ailleurs. Et surtout, ils devaient s'efforcer de trouver une interprétation plus basique.

— Les spirales, c’est peut-être des vagues qui passent dans un trou, proposa Bertrand. On verse de l’eau dans la serrure et hop ! Le tour est joué !

— Oui... c'est ça ! Et les chefs ils ont construit tout un système de fermeture et ouverture hydraulique de porte. Bébert, réfléchis un peu !

— Oui… Oui… Comme Bertrand, il est bête...

— Moi je dirais que ça ressemble plus à des escargots, proposa Aimé. Si ça se trouve, le tailleur de pierre en était friand.

— Ou alors, comme pense Axel, c'est juste la signature du tailleur de pierre, et nous sommes en train de chercher midi à quatorze heures, suggéra Pierrot.

À peine avait-il fini sa phrase que le cliquetis d'un mécanisme les fit sursauter. Ils se retournèrent en direction du bruit. Bertrand se tenait debout, triomphant devant la porte entrebâillée, une gourde ouverte à la main, d’où s’échappaient les dernières gouttes.

— Alors hein ! Mais oui ! Bertrand, comme il est bête, on ne l'écoute jamais. Et bien pour une fois… lança-t-il fièrement.

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