4 Interrogatoire

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A mon grand soulagement les jours suivants se passèrent sans incident , ceci jusqu'à mardi soir. Ce jour là grande nouvelle : Mademoiselle Antonin était de retour ! Elle était loin de s'être remise de son agression. Son regard d'habitude pétillant de malice était maintenant éteint. Elle ne répondait que par monosyllabes et ses yeux gonflés et rouge prouvaient qu'elle avait beaucoup pleuré. Comme j'aurais aimé pouvoir la prendre dans mes bras pour la consoler mais j'avais l'impression qu'elle ne me reconnaissait même pas, faisant son travail comme un robot sans croiser mon regard. Je fis donc rapidement mes courses et rentrais chez moi le coeur serré.

La sonnette de l'interphone m’interrompit dans mes occupations culinaires. Un grand mot car elles consistaient en fait à réchauffer le contenu d'un bocal de conserve dans une casserole. Des petits pois/carottes si vous voulez tout savoir. J'adore les petits pois/carottes. Et puis c'est facile à préparer. La cuisine n'est pas vraiment mon truc alors je fais ce que je peux. Je suis sûr que mademoiselle Antonin... Mais bref, je m’égare.

En maugréant je reposais la casserole à coté de la plaque chauffante et me dirigeais vers ce maudit engin de communication.

- Oui ? Vous désirez ?

- Bonsoir monsieur Lefranc. Je suis le lieutenant Dautun de la police judiciaire. Vous vous rappelez de moi ?

Comme si je pouvais l'oublier. Que voulait-elle encore ? Avoir plus d'explications sur le fameux trou ? Avait-elle trouvé autre chose dans son enquête ? L’angoisse qui s'était peu à peu apaisée me reprit d'un coup.

- Oui, très bien. Que me voulez-vous ?

J'avais l'impression que ma voix chevrotait.

- M'entretenir un peu avec vous. J'espère que je ne vous dérange pas.

Sa voix était trop mielleuse pour être honnête. Mais la jeter comme une malpropre n'était guère politique. Je déclenchais l'ouverture à distance du portail et sortis sur le perron pour l'accueillir.

Elle s'approcha avec un grand sourire et me broyat la main avec enthousiasme plutôt que de me la serrer poliment. Voulait-elle déjà m'impressionner ? Après ces salutations musclées je la conduisis dans le salon. En passant devant le trou elle remarqua la photo qui le masquait maintenant. Elle me désigna l'emplacement en gloussant.

- Alors comme ça vous l'avez masqué ?

- Je ne suis pas assez doué pour faire autre chose que ce cache-misère.

- Tss tss, c'est de la paresse. Chez moi je répare tout, électricité, plomberie, tapisseries etc.. Il suffit d'avoir la volonté de s'y mettre et de regarder quelques tutos sur internet.

Je soupirais, agacé. Ma parole elle se moquait de moi ! Nous allâmes nous asseoir . Cette fois elle accepta le fauteuil et je repris le canapé pour être en face d'elle.

Cela me donna l'occasion de la regarder plus attentivement que lors de sa première visite. Cette fois là j'étais accaparé par l'officier Gomez et trop inquiet pour être attentif à son physique. C'était donc une grande femme brune, athlétique mais néanmoins féminine de par ses formes généreuses que ne parvenait pas à cacher l'uniforme qu'elle avait mis aujourd'hui. Je n'irais pas jusqu'à dire que c'était une belle femme mais enfin elle avait de quoi justifier quelques fantasmes. Elle attendit quelques secondes puis, constatant que je n'étais pas décidé à ouvrir les débats, elle se décida à parler.

- Monsieur Lefranc, je vous demanderai d'être digne de votre patronyme.

Voyant la stupéfaction se peindre sur mon visage elle ajouta, goguenarde:

- Je veux dire soyez franc avec moi. Je n'ai pas été vraiment satisfaite par le témoignage que vous avez fait à mon collègue vendredi dernier.

- Pourtant lui semblait l'être. Je ne vois pas quoi y ajouter.

- Bon, pour commencer que pouvez-vous me dire sur le trou dans l'entrée ? Par exemple comment l'avez-vous fait ? Avec quel outil ?

- J'ai déjà avoué être un piètre bricoleur...

Elle me coupa la parole avec une impatience soudaine.

- Avec quel outil ?

Bien sûr je ne savais pas répondre à sa question. Je n'avais même pas pensé à chercher une explication qui tiendrait la route. Je bafouillais lamentablement.

- Heu.. Heu... Vous savez, une perceuse, pour faire des gros trous.

- Je peux la voir ?

- N..non, on me l'avait prêté. Vu le résultat j'ai préféré la rendre.

- C'est cloche.

Son petit sourire moqueur m'inquiéta. Qu'avais-je manqué dans notre discussion.

- Heu oui, dommage, je suis désolé.

Elle me regarda avec cette fois de la colère dans le regard.

- J'ai horreur qu'on me prenne pour une conne monsieur Lepasfranc. Si vous aviez vraiment fait ce trou en bricolant vous auriez utilisé une scie-cloche. Hors ma remarque « c'est cloche » vous a laissé dans l'incompréhension. Visiblement vous ne connaissez pas cet outil. Alors vous allez tout me dire maintenant, sans rien omettre sinon j'appelle l'identité judiciaire qui va passer votre maison au peigne fin et en particulier examiner ce fameux trou, prendre des échantillons et les comparer à ce que l'on a trouvé sur la chaussure.

Je me tassais sur mon siège. Elle était vraiment impressionnante lorsqu'elle se fâchait. D'autre part j'étais coincé, plus j'inventais des réponses plus je m'enferrais. Par lassitude je lui déballais toute l'histoire. Sans rien omettre comme elle me l'avait demandé.

Elle m'écouta en silence, prenant des notes sur un calepin au fur et à mesure. Lorsque je me tus elle resta silencieuse, relisant rapidement ce qu'elle avait écris. Puis elle me regarda avec ce que je perçus comme étant de l'intérêt.

- Il y a une chose que je ne comprends pas bien. Comment faites-vous pour faire un trou à distance. Y a t' il une flamme un rayon lumineux ou autre chose...

Elle venait de mettre le doigt sur un point qui m’intriguait.

- En fait je concentre mon attention sur le point d'impact puis je décide de tirer même si ce terme n'est pas très adéquat. Le mouvement du bras n'est pas indispensable mais il m'aide à bien viser. J'arrive maintenant à moduler plus ou moins bien la force destructrice par la pensée mais pour autant je n'ai aucune idée du processus physique mis en branle.

- Il y a un bruit ? Sifflement, explosion ou autre ?

- Oui, j'entends les premières mesures de « La Cucaracha ».

Elle me regarda stupéfaite.

- Je vous demande pardon ?

Je souris, satisfait de l'avoir pour une fois déstabilisée.

- Je plaisantais. Disons que c'est une petite vengeance pour vos jeux de mots sur mon patronyme.

Elle hésita entre colère et amusement avant de sourire un peu.

- Vous m'avez eu, je le reconnais. Mais vous n'avez pas répondu à ma question.

- En fait le bruit dépend de la matière visée. Il ressemble souvent à une petite détonation mais je pense qu'il est provoqué par la destruction de la cible et non par une libération d'énergie sortant de mon corps. J'ai l'impression d'être dans un jeu vidéo. Vous savez, on vise, on appuie sur un bouton du joystick et poum la cible explose sur l'écran. Je dois avouer que si je n'étais pas freiné par la crainte de blesser quelqu'un j'y prendrais goût facilement.

- Vous avez fait des progrès dans l'utilisation de votre don ?

- Hum... Ce matin j'ai réussi à enflammer une boule de papier sans toucher autre chose. Une vraie combustion spontanée.

- Et les dégâts maximums que vous êtes capable de produire ?

- Holà doucement ! Je ne tiens pas à provoquer une catastrophe et surtout j'essaie de rester discret.

- Et la portée de tir ?

- Décidément vous me traitez comme une arme dont vous explorez les performances possibles.

- Il y a de ça.

Elle avait répondu avec sérieux sans chercher à cacher son intérêt. Elle commençait à m'inquiéter. Je répondis prudemment.

- Une dizaine de mètres à peu près.

En fait j'avais réussi des « tirs »deux fois plus longs et je pensais pouvoir faire mieux encore. Elle parut un peu déçue. Comme elle semblait perdue dans ses réflexions je décidais de la faire revenir sur terre.

- Qu'allez vous faire maintenant. Que risque t'il de m'arriver ?

- Je vais y réfléchir. En attendant je vous demande de ne pas quitter la région et bien sûr de vous abstenir d'utiliser votre don autant que faire ce peut. Nous sommes d'accord ?

J’acquiesçais bien sûr. Elle prit congé rapidement non sans me lancer un « Je reviendrai vous voir » lourd de sous-entendus.

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