3 Suspicion

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Le lundi soir je rentrais chez moi tranquillement. J'étais passé juste avant à la supérette et avait parlé à son directeur. Il m'avait raconté que son magasin était devenu une attraction devant laquelle les curieux défilaient mais hélas sans entrer. Quand à ses clients j'étais un des rares à oser venir faire ses courses ici et en tout cas le seul parmi les témoins de l'affaire.

A ma demande il me donna des nouvelles de Mademoiselle Antonin. La pauvre était très choquée et était partie vivre quelques jours dans sa famille. Elle était remplacée provisoirement par une quinquagénaire efficace mais beaucoup moins aimable. Et je ne parlerai pas de son physique ce serait discourtois.

Je m'enquis aussi de l’enquête en cours. Si le malfrat était bien sûr sous les verrous, la police essayait maintenant de comprendre comment sa chaussure avait pu être ainsi détruite. C'était du jamais vu et cela les tracassait beaucoup. Je masquait mon amusement par une blague éculée : « C'est l'homme invisible qui a fait le coup », ce qui ne fit pas rire le directeur qui haussa les épaules et retourna à ses occupations.

Lorsque je débouchais dans ma rue j'apperçu une voiture garée en face de chez moi. J'ai déjà dit que j’habitais en grande banlieue loin du centre ville, et ici tout le monde se connaît. Et pourtant ce véhicule m'était inconnu. Que devais-je faire ? M'enfuir comme un homme à la conscience pas très nette ? Et pour aller où ? Je préférais faire front, un peu par bravade un peu par lassitude morale. Si la présence de cette voiture avait un rapport avec ce que j'avais fait vendredi autant assumer mes actes.

Je marchais vers ma maison et ouvrit le portail du jardinet. Aussitôt deux personnes sortirent de la voiture et se dirigèrent vers moi.

- Monsieur Lefranc ?

- Lui même.

- Police judiciaire. Je suis l'officier Gomez et voici ma collègue le lieutenant Dautun.

- Oui ?

Je jouais l'innocent surpris sans savoir vraiment si j'étais convainquant. L'officier Gomez avait une carrure impressionnante mais son gros ventre faisait douter de sa capacité à courir après les délinquants. Sa collègue était brune, large d'épaule aussi mais elle au moins semblait sportive. De quoi inquiéter le quidam qui aurait à faire à elle.

- Nous voudrions nous entretenir avec vous du braquage dont vous avez été témoin.

- Moi ?

- Oui vous.

Il sembla agacé. J'avais dû en faire trop dans le genre naïf.

- Nous vous avons identifié grâce à une caméra de sécurité. Vous étiez caché, accroupis derrière une gondole.

- Je voudrais bien vous voir à ma place. Je ne suis pas un héro et je n'avais jamais été mêlé jusque là à un tel événement.

- Bon, ne vous énervez pas. Pouvons nous entrer chez vous pour parler d'une façon plus discrète que dans la rue. A moins que vous ne teniez à visiter nos locaux.

- Vous voulez m’arrêter ?

Cette fois ma panique n'était pas feinte ce qui fit sourire le policier.

- Non, seulement recueillir votre témoignage.

Je décidais que le plus simple était de les inviter à entrer. Au fond je n'avais rien de compromettant dans ma maison, du moins le croyais-je. Deux minutes plus tard nous étions installés dans mon salon. L'officier Gomez s'était confortablement vautré dans un fauteuil. Je laissais l'autre à sa collègue en m'asseyant sur le canapé mais elle le dédaigna, restant debout et faisant le tour de la pièce avec curiosité.

Gomez me posa des questions sur ce que j'avais vu. Il ne semblait pas vouloir me piéger aussi lui répondis-je avec franchise. Je commençais à me détendre lorsque sa collègue m'interpella depuis le hall d'entrée.

- Dites, c'est quoi ce trou dans le mur ? Mon sang se glaça. Je n'avais pas pris le temps de réparer les dégâts ou au moins de les masquer avec un poster. Ma procrastination chronique se retournait contre moi.

- Heu... Je ne suis pas doué en bricolage...

L'officier Gomez se leva pour voir la chose et je le suivis, accablé. Arrivé devant le trou il ricana.

- Pas doué ? C'est un doux euphémisme ! Je ne vous embaucherais pas pour faire des travaux chez moi.

Il secoua la tête avant de retourner s'asseoir. Le lieutenant Dautun continua à examiner les dégâts. Elle passa d'abord un doigt sur le pourtour du trou parfaitement circulaire avant de frotter les traces de brûlures. Elle me jeta un regard inquisiteur mais ne pipa mot.

L'officier Gomez était préoccupé surtout par mon geste du bras juste avant que la chaussure n'explose. Il me montra une photo agrandie extraite de la vidéo.

- Que faisiez vous avec le bras, pourquoi le tendre comme cela ?

- Heu.. C'est à dire.. Je ne souviens pas vraiment de ce que j'ai fait. J'avais peur pour la caissière. Mademoiselle Antonin est une personne adorable et...

- C'est bon, c'est bon. Mais vous avez fait ce geste et puis boum ! C'est bizarre non ?

Je haussais les épaules, fataliste. Que répondre à ça ? L'officier Gomez laissa le silence s'éterniser puis, brusquement, il se leva et appela sa collègue.

- Allez viens. Je t'avais bien dit que cette photo ne prouvait rien. Nous avons perdu assez de temps. On y va.

Il se dirigea vers la porte d'entrée et l'ouvrit sans vérifier si elle le suivait. En passant devant moi elle me regarda avec insistance. Elle ne semblait pas dupe de mes explications mais sortit à son tour sans rien dire. Une fois la porte verrouillée je m'écroulais dans un fauteuil, tremblant de tout mon corps. Ah il était beau le super héro !

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