8.

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La froideur des draps est la cause de mon réveil. Je cligne des yeux, désorienté. Pourquoi Marcus n'est pas dans le lit ? J'entends du bruit provenant de la cuisine et me rassure. Je prends le temps de m'étirer en profitant de toute la place ; Marcus m'a collé toute la nuit, je ne le croyais pas aussi affectueux. Je prends mon portable pour envoyer un message à mes amis en disant de ne pas s'inquiéter et que je rentrerai pour déjeuner avec moi.

Alors que je m'apprête à me lever, je me rends compte que je suis nu sous la couverture. Je me penche et cherche mon caleçon qui doit sans doute se trouver au sol... mais ne parviens pas à mettre la main dessus. Dépité, j'appelle Marcus d'une voix hésitante.

— Tu sais où est mon caleçon ? demandé-je quand il me répond.

— Attends !

Je l'entends bouger dans la pièce d'à côté et il apparaît alors, mon sous-vêtement au bout de son doigt tendu.

— Tu dois parler de ça.

— Oui, je parle de ça. Tu peux me le donner ? S'il te plait ?

— Viens le chercher ! lance-t-il, triomphant.

— Marcus ? crié-je quand il repart dans la cuisine. Marcus !

— Je ne t'entends pas, chantonne-t-il.

Je serre les dents. Il va me tuer, c'est sûr. Il veut m'humilier, me rabaisser, se moquer de moi... Bon, j'y vais un peu fort. Et je ne fais certainement pas lui faire ce plaisir.

Je pose le pied à terre et le rejoins, le menton haut et droit comme un I, aussi fier que je le peux. Lorsqu'il m'aperçoit, un sourire gourmand apparaît sur ses lèvres et ses yeux dérivent dangereusement jusqu'à mon entrejambe.

— J'aime admirer ton corps nu, susurre-t-il en s'approchant de moi.

La vision d'un félin prêt à bondir sur sa proie me vient en tête. Je ne bouge pas et attends qu'il soit prêt de moi avant d'agir. Je jette un coup d'œil là où se trouve mon caleçon, posé sur le meuble... Mais Marcus intercepte mon regard et bondit en même temps que moi.

— Dis donc, tu ne crois pas que ça sera aussi facile que ça.

— Marcus, rends-le-moi, ordonné-je d'une voix sourde. Pourquoi toi, t'as le droit d'être en caleçon et pas moi ?

Je prends conscience avec mes paroles que Marcus se dresse devant moi, fier comme un paon dans la lumière du jour et sa beauté me coupe le souffle.

— J'aime te voir nu, je pensais que tu l'avais compris.

Je rougis devant son allusion à la nuit mouvementée qu'on a eu. Il me regarde avec appétit et je sens une érection pointer le bout de son nez. Mais je me contrôle et reste impassible.

— Et moi, j'aime prendre mon petit-déjeuner habillé. Maintenant, donne-le-moi.

Marcus grogne et me tend mon sous-vêtement, vaincu. Je l'enfile aussitôt.

— À quoi ça sert, si je te l'enlève dans quelques minutes ? marmonne-t-il.

— Tu prépares quoi ? demandé-je.

— Œufs au plat, bacon et tranches de melon.

— Ce n'est pas vraiment ce que j'ai l'habitude de manger le matin.

— Eh bien, on est chez moi donc c'est moi qui décide, conclut Marcus.

Il frappe le bord de sa poêle de sa spatule pour appuyer ses dires.

— D'accord. Je mets la table.

J'installe les couverts sur la table basse du salon en face du canapé. Marcus me rejoint et se glisse dans mon dos pour enserrer ma taille de ses bras.

— Tu fais quoi ? soupiré-je alors qu'il parsème ma peau de petits bisous.

— Je t'ai dit que je te l'enlèverai...

— Marcus, pas maintenant.

« Pas encore », j'ai voulu prononcer, mais je me suis rattrapé.

— Et pourquoi pas ?

Je me tourne pour lui faire face mais ma détermination fond comme neige au soleil quand je croise ses yeux gris.

— Ça va brûler... protesté-je d'une voix faible.

Même moi, je n'y crois pas.

— Je surveille, promis.

Son mensonge éhonté ne me choque même pas. Il m'embrasse et ses mains s'activent aussitôt sur mon corps. C'est impossible pour moi de lui résister, il sait d'un tour de main réveiller en moi le désir qui brûle pour lui au fond de mon cœur et l'appât du plaisir qu'il va m'offrir me fait basculer. Mes dernières barrières cèdent, et il m'entraîne sur le lit.

— Alors, tu as prévu de faire quoi, aujourd'hui ?

Je lève les yeux de mon assiette et regarde Marcus avaler une grosse part de melon.

— On ne fait plus ce que tu décides, maintenant ? Ce n'est pas possible, tu n'es pas Marcus. Rendez-moi notre Marcus ! crié en levant les bras.

Il manque de s'étouffer et vole ma serviette pour tousser dedans. Il a plutôt intérêt s'il ne veut pas changer les draps du lit. Notre.. séance de sport nous a creusé l’appétit et nous nous sommes jetés sur le petit-déjeuner que Marcus a préparé une heure plus tôt.

Il reprend son sérieux, me lança un regard avant de baisser les yeux sur sa nourriture et de jouer avec.

— Ce n'est pas ça. Je suppose que tu veux retrouver tes amis et passer du temps avec eux. Tu es en vacances, après tout. Et elles passent vite.

— Marcus, soufflé-je en percevant son trouble.

Il lève les yeux.

— Ne me dis pas que tu n'y penses pas.

— Je...

Bien sûr que j'y pense. Je n'ai pas cessé d'y penser depuis que nous nous sommes embrassés la première fois dans son lieu secret à flanc de falaises. Mais c'est la première fois qu'il en parle et le fait de l'entendre l'exprimer à voix haute me procure le sentiment d'avoir reçu un coup de poignard en plein cœur.

— Nous le savons, murmure-t-il, sans cesser de me regarder. Et c'est ce qui rend tout ça spécial, tu n'es pas d'accord ?

Ses yeux se voilent et ses iris gris autrefois brillants, s'assombrissent pour devenir de la même couleur que la pierre. Je hoche la tête et déglutis pour chasser la boule qui se forme au creux de ma gorge.

— Il nous reste un peu de temps, chuchoté-je parce que je sais que ma voix se serait brisée.

Il sourit furtivement.

— Evidemment. Mais ça n'exclut pas que tu dois te priver de tes amis.

Soudain, il se redressa et me pointe de son couteau.

— Alors c'est décidé, tu vas voir tes amis aujourd'hui !

Puis, il attaque à nouveau son repas comme s'il n'a pas mangé depuis trois jours.

— Mange, ou c'est moi qui vais te manger, me menace-t-il lorsqu'il surprend mon regard posé sur lui.

Un sourire coquin apparaît sur son visage et la même lueur brille au fond de ses yeux. Comme si nous avions parlé du beau temps et de la pluie. Je lui souris en retour, mais je sais que je ne suis pas convaincant.

— Je préférerais que tu me manges.

En vérité, je n'ai plus très faim. Il écarquille les yeux, surpris de ma réponse mais lâche vite son assiette pour contourner le plateau-repas à quatre pattes. Il se jette sur moi et m'écrase de tout son poids. Je lâche un cri de protestation mais il resserre les bras autour de ma tête et se met à butiner mon visage de baisers, avant de trouver mes lèvres et de m'embrasser longuement.

Je sais que je fais ça pour chasser les nuages qui s'amoncellent au loin et viendront ternir notre futur. Mais le vent s'est déjà levée et souffle fort dans notre direction.

XXX

Je pousse la porte d'entrée de l'appartement lorsque des bruits mats me parviennent de l'intérieur. Deux secondes plus tard, je vois arriver deux formes qui se ruent sur moi.

— Alors, c'était comment ? Vous avez baisé ? Il est doué ? Vous aviez fait quoi ?

Je ne sais même pas laquelle des deux posent les questions.

— Vous pouvez peut-être me laisser le temps d'arriver, non ? Et où sont Antoine et Claude ?

— Dans le salon mais on s'en fout, ils n'ont pas besoin d'écouter, eux, explique rapidement Manon.

Je lance un coup d'œil à Camille.

— Je suis prêt à parier que les deux autres seront vite au courant de tout, n'est-ce pas ?

Camille ouvre la bouche et la referme.

— Bon, raconte-nous.

Je me rends plus par obligation que par réelle volonté dans ma chambre et mes amis s'assoient sur mon lit, pendues à mes lèvres. Je soupire ; elles ne lâcheront pas l'affaire.

Je leur raconte la matinée d'hier dans les moindres détails parce que j'en suis moi-même encore agréablement surpris. Ça a été le meilleur date que j'ai eu, et je le dis avec du recul. Tout a été parfait, il n'y a pas eu une ombre au tableau. Marcus et moi, ça s'est fait naturellement, comme si c'était une évidence. Je me suis senti libre d'être moi avec lui, de dire ce que je pensais, ce que je voulais et même s'il ne l'admettrait sûrement jamais – j'ai bien saisi son petit côté « chef de famille » – , il a fait tout ce que je voulais faire. À aucun moment, il s'est montré insistant ou impatient. Mais si je dois être honnête avec moi-même, il n'a pas eu l'occasion de le montrer ; j'ai répondu à ces moindres désirs parce que c'étaient les miens aussi.

Lorsque mon récit arrive à la sieste improvisée, je ne parle pas du réveil et quand nous arrivons au soir, j'omets volontairement nos parties de jambes en l'air et tout ce qui s'y rapproche sans pour autant leur cacher que nous avons couché ensemble. De toute façon, elles ne le croiraients pas si je leur disais le contraire.

— Par pitié, Jules, ne nous parle pas de ce que t'as mangé au petit-déjeuner, m'interrompt Manon alors que j'étais en pleine description de ce que contenait mon assiette, soit un œuf au plat, deux tranches de bacon, et une de melon. Raconte-nous comment c'était ?

Ses yeux marron qui me fixent brillent de curiosité.

— C'était... Bien.

— Bien ?

— Oui, bien.

— Camille, retiens-moi où je tue ton pote.

— C'est aussi le tien, rappelle-t-elle comme si ce n'était pas une évidence.

— Qu'est-ce que vous voulez savoir ? m'écrié-je en levant les mains. Les positions que nous avons fait ?

— Par exemple. Et le nombre de fois. Et si son...

— Stop ! crié-je en me bouchant les oreilles. Je ne vous dirais rien. Tout ce que vous avez besoin de savoir, c'est que c'était très bien et que j'ai beaucoup aimé. Et qu'il est aussi vachement affectueux, plus que ce que je pensais, ajouté-je après un silence.

Je ne sais pas ce que j'avais imaginé, mais je ne voyais pas Marcus noyer quelqu'un sous de petites attentions. Il donne l'air d'être tellement... nonchalant et frivole. Du genre à ne pas se rappeler de ce qu'on a pris au déjeuner la veille ou de notre couleur préférée.

— Alors, c'est le mec parfait ? souffle Manon.

Mon cœur se serre brusquement et la conversation de la matinée me revient en tête, ainsi que les yeux peinés de Marcus.

— Il semblerait, murmuré-je en baissant les yeux.

Le silence se fait dans ma chambre et je sens mes amies s'agiter sur mon lit.

— Il nous reste une semaine de vacances, lance Camille d'une voix hésitante. Et puis, on n'est pas si loin que ça...

Elle m'adresse un petit sourire qui se veut réconfortant quand je relève les yeux. Je le lui rends.

— Oui, oui, bien sûr, réponds-je un peu trop vite.

Elle n'est pas dupe mais je ne veux pas parler de ça. Je ne veux tout simplement pas y penser.

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