6.

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— Tu as faim ?

Je tourne brusquement la tête.

— Non, pas spécialement, pourquoi ?

Marcus hausse les épaules.

— Tu ralentis le pas devant chaque restaurant depuis que nous sommes revenus en ville.

Je me mordille la lèvre, coupable d'avoir été pris la main dans le sac. Je pensais que j'avais été plutôt discret à lorgner sur les assiettes des clients assis en terrasse. Ce n'est pas que la faim me tenaille le ventre mais c'est vrai que les odeurs qui se rependant dans l'air sont alléchantes.

Après cette petite parenthèse enchantée en haut des falaises, nous sommes redescendus en ville. J'aurais aimé rester là-bas un peu plus longtemps et pourquoi pas, pour toujours. Après ce nous nous sommes embrassés, j'en ressens encore les sensations dans tout le corps, nous avons échangé sur notre vie. J'ai vainement essayer d'expliquer à Marcus la complexité de mes études alors qu'à chaque fois que j'osais le regarder, ses yeux gris rivés sur moi m'ont déstabilisé. Il faut croire qu'il en était pareil de son côté car il a fini par m'interrompre pour m'embrasser, encore une fois. Et encore une fois, j'ai cru que mon cœur allait sortir de ma poitrine.

À partir de ce moment, nous nous sommes plus embrassés que parlés, ce qui n'était pas pour me déplaire. Il m'a tiré à lui et je me suis retrouvé adossé contre son torse. Alors, nous sommes restés là, à regarder l'océan et à écouter les sons de la nature que le vent nous emmenait. Marcus a passé sa main dans mes cheveux pour jouer avec mes mèches châtaines.

— J'adore tes cheveux, m'a-t-il dit et son souffle est venu caresser ma nuque.

— J'ai cru comprendre.

Il m'a frappé gentiment la cuisse pour me punir de m'être moqué.

C'est lui qui a donné le top départ pour qu'on quitte son endroit. Je ne me suis pas fait prier, la proximité de nos corps a le don de me mettre dans tous mes états et ça devenait de plus en dur de cacher mon excitation malgré tout.

Alors que je croyais que la bulle dans laquelle nous avons été jusque-là allait éclater dès que nous allons rejoindre la civilisation, ça n'a pas été le cas. Bien entendu, il n'a fait aucun geste pour se rapprocher de moi comme sur les falaises, et je ne lui demande pas ça. Mais pourtant, quelque chose entre nous a changé : nous marchons plus proches qu'avant, nos épaules se touchent presque et il lui est arrivé de glisser une main dans mon dos pour me guider dans la direction que nous devions prendre. Je frémis à chaque fois que sa peau effleure la mienne et je doute que ça change pour le moment. Mais le signe évident que les barrières ont été rompues est le regard qu'il pose sur moi et que j'intercepte de temps en temps. Ses yeux brillent plus que d'ordinaires, ils sont moins ternes, comme allumés d'une lueur qui rend son regard plus vivant, plus énigmatique. Et lorsque j'arrive à le supporter assez longtemps, je peux distinguer mon reflet qui oscille à l'intérieur.

Si les yeux sont le miroir de l'âme, alors ceux de Marcus sont un passage vers un autre monde. Un monde dans lequel j'y ai ma place.

— Jules ?

Je cligne des yeux plusieurs fois. Marcus me fixe, comme s'il attend une réponse.

— Oui ? demandé-je innocemment.

— Tu ne m'as pas écouté.

— Peut-être, admets-je dans un sourire.

Il secoue doucement la tête et mon regard est captivé par sa langue qui passe sur sa lèvre.

— Je disais donc... (il marque une pause pour être sûr que je l'écoute cette fois-ci) que je peux aller nous chercher quelque chose à manger. Tu peux m'attendre sur la plage, je te rejoindrai.

— Oh non, non ne t'inquiète pas pour moi, je mangerai quand je retournerai à l'appartement, je suis sûr que mes amis ont...

— Qu'est-ce qui te fait croire que tu peux me faire faux bond comme ça ? me coupe-t-il d'une voix sèche.

Il franchis l'espace déjà minime entre nous et m'écrase de sa stature et de sa prestance. Je me sens comme un petit oiseau pris au piège dans sa cage. Il me transperce d'un regard supérieur et je me maudis à y trouver du plaisir.

— De toute façon, je ne te laisse pas le choix, susurre-t-il. Va m'attendre, je reviens vite.

Sans crier gare, il me vole un baiser si vite que j'aurai cru qu'il n'en était rien si je n'avais pas senti ses lèvres sur les miennes, et me libère.

— Aller file, je fais au plus vite, m'assure-t-il d'une voix douce.

Je réponds à son sourire et nous nous séparons, mon cœur chancelant. Ses changements de comportement sont imprévisibles et je sais qu'il ne sont qu'une partie de son caractère et qu'il n'aura jamais l'intention de me nuire mais je ne sais pas si cela me fascine ou me met mal à l'aise. Un peu des deux je suppose, car c'est impossible de savoir à quoi m'attendre et pour le coup, je trouve ça assez excitant, comme un défi à relever.

Une fois les pieds et les fesses dans le sable, mon téléphone vibre. Mes amis m'ont envoyé un message dans lequel ils me disent qu'ils vont passer l'après-midi à la plage. En vérité, les filles ont écrit un pavé rempli de questions sur mon « date » mais j'ai décidé de l'ignorer. Je leur propose spontanément de venir nous rejoindre puisque Marcus et moi avons prévu de manger sur la plage avant que le soleil ne tape trop fort, avant de me rétracter. Marcus sera d'accord pour passer l'après-midi avec mes amis ? Peut-être a-t-il prévu quelque chose et il ne veut pas être coincé avec alors que nous sommes censés passer la journée tous les deux. Je lui envoie donc un message en premier. La réponse ne se fait pas tarder, positive. J'en informe mes amis et demande à ce que les filles emmènent mes affaires de plage, au cas où. Puis j'attends patiemment Marcus en jouant avec le sable.

— Votre repas est servi, monsieur !

Je m'empare du sac que me tend Marcus sans un regard pour lui et l'ouvre.

— Tu as pris quoi ?

— Un burger. C'est ce que tu avais pris au restaurant, je me suis dit que c'était une valeur sûre.

Je suspends mon geste, et le regarde. Il se souvient de ce que j'ai commandé lorsque nous étions tout ensembl.

— Je ne pensais pas que tu allais te rappeler de ça...

— Et pourquoi ?

— Je ne sais pas, murmuré-je, trop touché pour pouvoir dire autre chose. Merci.

— Mange, répond-il.

Il m'adresse un sourire affectueux qui gonfle mon cœur. Je n'arrive toujours pas à réaliser que je suis assis sur la plage avec un homme tel que lui qui semble ressentir un minimum d'attirance pour moi , à partager un burger fait maison, alors qu'il y a trois jours à peine, je grognais à l'idée de passer toutes mes vacances à faire la crêpe au soleil. Je ne sais pas ce qui a changé entre temps pour que je mérite ça mais je compte bien en profiter.

Je mords avidement dans le pain, mon estomac peut enfin être rassasié. J'ai peut-être minimisé ma faim, finalement.

Nos amis ne tardent pas à nous rejoindre et je sais que je n'échapperai pas à un interrogatoire musclé des filles. Mais pour l'instant je suis à l'abri de leur curiosité insatiable et je prends même un malin plaisir à les fixer avec un grand sourire, les yeux pétillants de malice tandis qu'elles tentent tant bien que mal de me soutirer des informations à grand renfort de regards appuyés ou de signes de tête quand Marcus a le dos tourné.

Elles finissent par abandonner non sans me promettre que je ne pourrai pas leur échapper bien longtemps. Je ne pensais pas que dans leur jargon, ça signifiait moins de dix minutes plus tard : elles m'ont sauté dessus dès qu'elles m'ont entrainé dans l'eau en laissant Marcus seul sur la plage. Il m'a assuré que ça ne le dérangeait pas et j'ai cédé aux caprices des filles. J'aurais aimé aller me baigner avec lui mais je sais que la journée est loin d'être finie et que je lui avais promis de la passer entièrement avec lui.

Lorsque nous sortons de l'eau, je m'approche de lui. Il est allongé sur le dos et a enlevé sa chemise pour bronzer, le bras sur son visage pour se protéger du soleil. Il ne m'a pas entendu. Je me penche alors sur lui et secoue mes cheveux pour que l'eau dégouline sur lui. Il grogne de surprise en se redressant et quand il m'aperçoit, un sourire aux mauvais éclaire son visage. Je regrette aussitôt mais c'est trop tard : il me saisit par les jambes et je crie de surprise quand je me sens tomber à la renverse. Je me retrouve au sol, et évidemment, avec du sable collé sur tout le corps. Mes amis éclatent de rire devant mon air affligé et le sourire triomphant de Marcus. Je retourne dans l'eau pour me nettoyer et pour cacher mes ronchonnements. Je déteste avoir du sable sur moi, surtout quand je sors de l'eau et que je suis encore dégoulinant. Il s’infiltre partout et c'est un vrai calvaire à faire partir. Au bout de quelques minutes, je ressors, satisfait de ma toilette et rejoins mes amis. Je prends alors ma serviette qui se trouve à côté de Marcus dans le but de l'étendre près de Manon, qui s'était installée un peu plus loin pour nous laisser un peu d'intimité.

— Tu fais quoi ?

Je jette un regard éloquent à Marcus.

— Ça ne se voit pas ?

— Tu boudes.

— Non, marmonné-je.

Il saute alors sur ma serviette et s'assoit dessus pour m'empêcher de la récupérer.

— Si, tu boudes.

— Marcus, tu peux t'enlever s'il te plait ? soupiré-je.

— Tu m'as caché que tu étais rancunier. Je te rappelle que tu l'as cherché.

Je l'assassine du regard.

— Je suis désolé, Jules. Reste avec moi.

L'espace d'un instant, il ressemble à un enfant qu'on aurait grondé et qui essaye de se faire pardonner. Je réprime un sourire moqueur devant le décalage entre l'image qu'il donne et la réalité.

— D'accord, abdiqué-je, surtout parce que je ne peux pas à lui tenir tête.

— Tu l'avais cherché, lance-t-il tout bas en retournant à sa place.

Je préfère ne pas répondre et fait semblant de n'avoir rien entendu même s'il sait qu'il a parlé assez fort pour que je l'entende. Il se rallonge dans la position qu'il avait adoptée plus tôt, mais cette fois-ci, sa main frôle juste assez ma cuisse pour qu'il sente ma présence à ses côtés. Je me mords la lèvre, attendri. Depuis qu'on s'est embrassés, il n'a cessé de rechercher le contact physique avec moi, s'assurant toujours que nos corps soient en contact lorsque nous avons marché ou qu'on était assis ou qu'il puisse le faire dès qu'il pouvait. Et je dois bien avouer que cela me touche bien plus que ce qu'il croit.

Ainsi, ton langage de l'amour est le contact physique, Marcus ?

Lorsque la chaleur se fait trop insupportable, nous décidons de plier bagage et je n’éprouve aucune culpabilité à abandonner mes amis.

— Tu veux qu'on passe chez moi pour que tu puisses te doucher ? lance Marcus lorsque nous remontons les marches qui mènent à la plage.

Je m'arrête, surpris. Il veut qu'on aille chez lui ? Tous les deux ? Pour que je me... douche ?

— Pourquoi je devrais prendre une douche ? demandé-je, soudain plus méfiant que je ne devrais l'être.

— Je voulais dire... Je t'ai poussé dans le sable et peut-être que tu as encore du sable sur toi et tu voudrais l'enlever... hésite-t-il. Enfin, je ne sais pas, peut-être que tout va bien, dans ce cas, c'est cool.

Il parle toujours trop vite quand il est embarrassé.

— C'est vrai qu'une douche serait la bienvenue, admets-je. Surtout si tu as prévu quelque chose et que je n'ai pas le droit de rentrer chez moi.

Marcus retrouve le sourire et me fait un clin d'œil.

— J'ai bel et bien prévu quelque chose pour clore cette journée mais on a encore un peu de temps devant nous.

— Alors, on va chez toi ?

— Alors, on va chez moi. Ce n'est pas très loin, tu verras.

Je lui emboîte le pas sans pouvoir chasser le stress qui s'empare de moi. Je ne sais pas pourquoi je le suis, mais n'est-ce pas toujours stressant de se retrouver seul avec quelqu'un chez lui ? Surtout quand ce quelqu'un nous plaît.

— Entre vas-y.

Je franchis le seuil du petit chalet. L’obscurité m'encercle aussitôt et je sens Marcus se déplacer derrière moi. Puis, la lumière naturelle perce à travers le volet qu'il ouvre. Je regarde autour du moi. Le chalet est en vérité construit sur la base d'un petit appartement : une grande salle de séjour qui fait office de salon et de chambre en même temps au vu du lit qui trône contre le mur du fond. À ma droite, le salon, et je distingue à gauche une cuisine. Enfin, la porte à droite doit mener à la salle de bains.

— C'est petit, je sais, grimace Marcus une moue sur le visage.

— Toi, tu n'as pas vu mon appartement ! Ça fait le triple de chez moi.

— La salle de bains est par là, si tu veux, dit-il en montrant la porte, confirmant mon hypothèse.

— Merci, je fais aussi vite que je peux.

— Prends ton temps. Je vais préparer de quoi grignoter en attendant.

Je me tourne vers lui.

— Tu as encore faim ?

— J'ai toujours faim, s'exclame-t-il en bombant le torse.

— Pas sûr que ce soit une qualité, raillé-je.

— Même si cela signifie que je dois un cuisinier hors pair pour assouvir mon insatiable estomac ?

Je prends le temps de réfléchir, plus pour le taquiner que par réelle nécessité.

— Un point pour toi.

Il me sourit, fier de lui.

— Aller file, je te promets de ne pas te déranger.

Je ne dit rien et m'apprête à le laisser seul lorsqu'il m'interpelle.

— Maintenant qu'on est seul, je peux faire ce que j'ai eu envie de faire toute l'après-midi ?

Il ancre ses yeux dans les miens et mon cœur s'emballe aussitôt. Lorsqu'il me regarde comme ça, je perds tous mes moyens. Je me force à cacher mon trouble et à lui répondre :

— Pourquoi tu ne l'as pas fait quand tu voulais alors ?

Son regard fuyant m'indique que j'ai visé dans le mille.

— Je ne sais pas... mais j'aurais dû, tu as raison. Laisse-moi rattraper le temps perdu.

J'admire sa capacité à retourner la situation à son avantage d'une simple pirouette. Il s'approche de moi et caresse ma joue de la main avant de s'emparer de mes lèvres. Je m'abandonne complètement et réponds à son baiser en lui mordillant la lèvre. Il passe sa main dans mon dos et je me liquéfie. Il a dû le sentir car il me plaque contre lui et me tient fermement tandis que nos langues s'amusent à se chercher. Mes doigts agrippent les pans de sa chemise ouverte avant de se poser sur ses hanches. Son corps chaud contre le mien inonde de sensations mon cerveau et l'annihile. Je ne sens plus que ses mains qui parcourent fiévreusement mon corps, ses lèvres qui dévorent les miennes et...

Je souris contre sa bouche.

— Qu'est-ce qu'il y a ? chuchote-t-il.

La pointe de sa langue remonte jusqu'à mon oreille et il suçote mon lobe comme un enfant le ferait avec sa tétine, ce qui m'arrache un gloussement.

— Je... je crois que tu bandes.

Ses yeux gris plongent dans les miens. Alors que j'aurai cru qu'il s'écarterait, bien trop gêné d'avoir été pris en flagrant délit de plaisir, il plaque mon bassin contre le sien.

— Toi aussi.

Sa voix grave retentit en moi et c'est impossible de faie s'échapper à son regard acier mes joues qui rosissent.

— Je...

Il me fait taire avec un baiser.

— File à la douche où je ne te lâcherai jamais, grogne-t-il en me repoussant.

— Qu'est-ce qui te fait dire que ça ne me dérangerait pas ? Bon d'accord j'y vais, ajouté-je devant son sourcil arqué et la lueur de désir qui se met à briller au fond de ses yeux.

Je bats en retraite dans la salle de bains et ferme la porte. Je sais que je suis tranquille, il n'osera jamais en franchir le seuil. Je m'appuie sur le lavabo et observe mon reflet dans le miroir. J'ai très chaud et le corps en feu. Mon esprit en ébullition ne cesse de diffuser encore et encore les mêmes vagues de plaisir que me procurent les baisers de Marcus et si je ne me contenais pas un minimum, j'aurais déjà imaginé toutes les sensations que ses careresses pourraient m'offrir. D'autant plus que Marcus a raison, une vilaine érection commence à tendre mon short.

Ça sera une douche glacée pour toi, mon Jules.

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