Chapitre 7

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Après une nuit agitée par l’angoisse, on vint chercher Jake et Kaufman pour les enfermer dans une carriole.

Ils se retrouvèrent sans personne pour les surveiller depuis leur retour à Abta.

— C’est la merde, soupira Jake.

— Ouais, répondit simplement Kaufman en regardant d’un air morose à travers la petite fenêtre du véhicule.

Ils avançaient à bonne allure, se rendant à leur lieu d’exécution.

— Enfin, souffla l’épéiste, tu vas peut-être avoir une chance de te tirer d’ici avec ton pouvoir.

— M’est avis que cet enfoiré de vieux Gérald m’aura réduit en miettes avant que j’aie pu transformer le quart de mon corps, répliqua son camarade.

— Pas faux, admis Kaufman. Dis, je peux te demander un truc ?

— Qu’est ce qui t’en empêche, ironisa Jake.

— Pourquoi tu ne m’as jamais demandé quel était mon Pouvoir ?

— Pourquoi je l’aurais fait ?

— Après plusieurs mois ensemble tu ne m’as jamais vu m’en servir ni le mentionner. Tu ne manques jamais une occasion de fourrer ton nez partout, mais sur ce point tu m’as toujours laissé tranquille. J’appréciais cette discrétion mais maintenant que nous… Bref, maintenant, j’aimerais savoir.

— Tu y as répondu toi-même, à ta question. Si tu ne voulais pas en parler ni le montrer, j’ai supposé que tu avais une bonne raison à cela. Ma précédente partenaire… Elle n’utilisait pas son Pouvoir non plus.

— Anna, c’est ça ?

— Tu m’as entendu la mentionner à Mandra hein ? fit Jake, un sourire triste sur les lèvres. Ouais, c’était son prénom. Le meilleur partenaire que j’ai jamais eu de ma vie. Elle se battait avec style et une intelligence que je n’avais jamais vu ailleurs. Je lui dois beaucoup.

— Après moi, ajouta Kaufman.

— Quoi ?

— Le meilleur partenaire que tu n’aies jamais eu, après moi, affirma l’épéiste.

Jake acquiesça d’un rire léger.

— Dis, Jake.

— Quoi encore ?

— On n’a pas rêvé, hein ?

— Hm, tu parles de ce type, Gale ? Je me faisais la remarque aussi pendant que tu ronflais hier soir. Je sais pas, camarade. Tout s’est passé tellement vite à l’intérieur de cette caverne, une part de moi doute bel et bien de tout ce qui est arrivé là-dedans.

— Ouais, admit Kaufman. Et le fait qu’il ait disparu sans aucune trace rend la chose encore moins crédible…

La carriole s’arrêta et on marcha vers eux pour leur ouvrir.

— En tout cas, renchérit l’épéiste, on est peut-être devenus tarés, mais je peux t’assurer que si quelqu’un ronflait hier soir, c’était bien toi, salopard.

— On essaye de tromper l’angoisse de la mort avec des banalités mes petits ? fit le vieux Gérald en ouvrant la porte de la carriole. C’est commun pour votre situation, mais ne vous inquiétez pas, tout sera bientôt terminé !

Le duo pris pied sur un gazon bien taillé et entretenu. Ils étaient entourés d’une muraille circulaire et devinèrent être dans un jardin royal proche du palais d’Abta.
Les chasseurs de primes furent agenouillés au centre de la place et deux bourreaux tenant une hache massive prirent place derrière eux.

En face d’eux, la Reine Marjorie, sa cour, Yakor, Anita et une quinzaine de Défenseurs étaient présents pour assister l’exécution. Sur leur droite, comme à son habitude assis dans un fauteuil confortable, Gérald souriait à Jake avec un regard tranquille comme pour lui signifier : « Ne songe même pas à transformer un millimètre de ton corps si tu veux avoir une mort honorable ».

Marjorie débuta un discours récapitulant les fautes qu’avaient commises le duo.

— Bon, chuchota Jake à son compère sans prêter attention à sa souveraine. J’espère que tu ne vas pas t’apitoyer sur ton sort comme la dernière fois.

— Aucun risque, je suis trop remonté contre ces enfoirés. Ma sœur, Yakor et la Reine, tout particulièrement.

— Elle me tape sur les nerfs également, acquiesça Jake. Bon, voilà ce que je propose : je me transforme et j’essaye de me séparer en un grand nombre de masses de sable pour les faire hésiter. Je devrais pouvoir faire quatre ou cinq entités différentes, suffisamment pour te faire gagner assez de temps et t’échapper.

— Jamais entendu un plan aussi pourri, réfuta Kaufman. Nan, c’est à moi de te rendre la pareille cette fois. Personne ici ne connait la nature de mon Pouvoir à part Anita et je ne suis pas sûr qu’elle ait pris le temps de le révéler à qui que ce soit. Elle et mes parents le jugeait insignifiant, à juste titre, mais si je fonce sur eux en l’activant, l’effet de surprise te permettra sans doute de t’envoler loin d’ici.

Jake fronça les sourcils et secoua la tête :

— Hors de question que je te laisse te sacrifier pour moi. Non, c’est moi qui fais diversion et toi qui t’échappes.

— Arrête un peu Jake, tu n’y crois pas toi-même, s’énerva l’épéiste. Celui de nous deux qui a le plus de chances de s’en sortir c’est évidemment toi !

— Rien à foutre, insista Jake.

La Reine arrivait à la fin de son discours et les bourreaux raffermirent leur prise sur leurs haches.

— Eh ben les gars, vous avez un sacré don pour vous mettre dans le pétrin à ce que je vois ! fis une voix étrangement familière dans leur dos.

Jake et Kaufman se retournèrent en parfaite synchronisation et leurs yeux s’écarquillèrent.

— Surpris de me voir ? déclara un Gale allongé dans l’herbe, souriant de toutes ses dents aux deux chasseurs de primes.

— Putain de merde, eu le temps de jurer Jake avant que des cris s’élevèrent de la part des Défenseurs, s’alarmant de la présence de l’inconnu.

Cette fois un peu plus habillé que dans la caverne, l’homme portait une simple chemise beige, un pantalon en toile et des sandales en cuir. Il esquiva en roulant sur le côté deux coups de hache qui auraient dû le couper en trois morceaux et se releva souplement.

Quelque peu rassuré par la preuve qu’il n’avait pas halluciné l’existence de l’homme, Kaufman ne se considérait pas comme sorti d’affaire. Gale n’était pas un guerrier : il les aurait aidés à vaincre le drake si cela avait été le cas.

De plus, il y avait ici Yakor, Anita et Gérald, trois des cinq personnes les plus puissantes de tout Abta : aucune chance que l’inconnu puisse être d’une aide quelconque, à part pour une diversion.

Heureusement, c’était peut-être précisément ce qu’il était en train de faire.

Les mêmes pensées en tête, Jake se prépara à se transformer lorsqu’une explosion retentie sur sa gauche. Quelque chose – ou quelqu’un – venait de détruire une partie du mur ouest du jardin dans lequel ils se trouvaient. Une silhouette s’échappa de la fumée produite par l’effondrement et Jake découvrit une Mandra comme il ne l’avait jamais vue.

Les yeux de la cheffe des chasseurs de primes luisaient d’un doré éclatant. De plus, les mains et pieds de la vieille femme étaient nappés d’une lumière dorée surnaturelle, dessinant une bulle de puissance semi-opaque se mouvant avec l’inertie de chacun ses mouvements.

Rapide comme l’éclair, elle franchit en moins d’une seconde la distance qui la séparait du duo et asséna un coup de pied à l’un des bourreaux, d’une force telle que Jake entendit les côtes de l’homme se briser sous l’impact. L’homme était une montagne massive de presque deux mètres mais fut projeté comme un fétu de paille de l’autre côté du jardin.

— Je pensais que tu délirais quand tu parlais d’un inconnu rencontré dans la caverne, fit Mandra d’une voix grave. Désolé d’avoir douté de toi, Kaufman.

Elle brisa ses fers du revers de la main et repris :

— Il ne m’a pas expliqué grand-chose quand il est venu me trouver hier soir, il n’aime pas beaucoup qu’on lui pose des questions. Il m’a juste donné une heure et un lieu. J’ai honnêtement longtemps hésité, croyant à une mauvaise blague – il n’arrêtait pas de se moquer de moi. Puis je me suis rappelé ta description : un homme très musclé, couvert de cicatrices. Ça correspondait, alors j’ai décidé de le croire, mais je vous avoue que j’ai toujours l’impression de m’être jetée dans la gueule du loup… J’ai beau me débrouiller en combat, je ne suis pas capable de faire face à Yakor et deux cerclés 2.

Le duo opina, partageant son inquiétude sur la gravité de la situation.

De l’autre côté du jardin, la Reine était folle de rage et ses notables s’agitaient dans tous les sens. Gérald s’était levé de son fauteuil et Yakor avançait d’un air menaçant vers eux.

— Après tout ce que j’ai fait pour toi, tu oses te rebeller ainsi, Mandra ? gronda le Commandant. C’est dommage, tu semblais toute désignée.

Un rictus de peur sur le visage, l’intéressée paru rapetisser devant la menace, et l’intensité de la lumière dorée sur son corps diminua.

Depuis l’arrivée de Mandra, personne ne semblait faire attention à Gale qui réalisait milles cabrioles pour esquiver toujours de justesse les attaques du bourreau qui le poursuivait, sa fuite dansante l’approchant par hasard de l’estrade de la Reine.

Les trois chasseurs de primes se placèrent en garde, bien décidés à défendre leur peau.

Puis un cri affolé capta brusquement l’attention des Défenseurs présents dans le jardin royal.

Perché sur le mur d’enceinte du jardin, à la vue de tous, Gale faisait de grands signes de sa main droite, la Reine Marjorie balancée sur son épaule gauche. La souveraine faisait pleuvoir les coups de points sur le dos de Gale, qui ne paraissait même pas conscient des mouvements de sa prisonnière.

Il sauta soudainement avec souplesse de l’autre côté du mur.

Ahuris, l’ensemble des Défenseurs mirent quelques secondes avant de se ruer à la poursuite de l’individu qui venait de capturer leur souveraine. Yakor hurla un ordre tout en sprintant à une vitesse irréelle vers Gale, Gérald et la totalité des Défenseurs à sa suite.

Il ne restait bientôt plus dans le jardin qu’un bourreau inconscient, Jake, Kaufman et Mandra, qui prirent leurs jambes à leur cou. Hors d’haleine, ils arrivèrent à la porte sud de la Cité avec une étrange sensation.

— C’est trop facile, remarqua Jake.

Comme pour lui répondre, deux silhouettes se dévoilèrent devant les énormes doubles portes de la Cité.

Anita et Kurtis leur faisaient face, l’air bien décidés à ne pas les laisser sortir.

— Le commandant Yakor nous a ordonné de nous charger personnellement de l’exécution, annonça la sœur de Kaufman, le regard froid et déterminé.

— Et c’est ce qu’on va faire avec plaisir, ricana Kurtis avec un rictus mauvais. Nous n’allions pas faire ça dans le jardin royal au risque de détériorer les lieux, c’est gentil à vous d’être venus jusqu’ici aussi rapidement !

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