Chapitre 8

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Mandra se rua sur Anita, regard, mains et pieds infusés d’énergie, et envoya son poing tout droit vers le visage de la Défenseure.

Le coup fut adroitement paré par la jeune femme qui eut tout de même besoin de ses deux mains pour bloquer l’impact.

— Je vais te faire la peau, Bergen, cracha la cheffe des chasseurs de primes avec un sourire carnassier.

La lumière de sa main s’intensifia et Anita fut contrainte de s’écarter.
Mandra réagit instantanément en s’accroupissant et s’élançant avec une vélocité telle que la terre sous ses pieds se craquela : elle prit appui sur le sol avec ses mains et utilisa son inertie pour se retourner et envoyer ses jambes en direction de son adversaire.
Elle plia les genoux en une fraction de seconde pour les déplier au moins aussi rapidement et envoya toute l’énergie accumulée vers le plexus solaire d’Anita, qui croisa les bras sur son torse pour parer le coup.

La Défenseure regretta son choix : dans un fracas assourdissant, elle fut violemment projetée vers le haut de muraille de la cité, heurtant celle-ci avec tant de violence que son corps resta muré dans l’anfractuosité générée par l’impact.

Tout ceci n’avait pas duré plus d’une seconde. Même Kurtis était bouche-bée et aurait sans doute défailli si il n’avait pas entendu la voix de sa supérieure retentir avec force au-dessus de lui :

— Mandra Lakas, directrice des chasseurs de primes depuis plus de trente ans. Personne ne taris d’éloges quant à vos prouesses militaires, mais on a toujours refusé de me parler de votre passé avec détail.

Anita s’extirpa facilement de la pierre et se laissa tomber, une chute de plus de dix mètres de laquelle elle atterrit avec souplesse dans un grand éclat sonore, soulevant terre et poussière à l’impact.

— Quel dommage que je sois obligée de vous tuer, j’aurais aimé en savoir plus sur vous, lança-t-elle en se relevant avant de foncer vers Mandra.

Le duel n’était pas à la portée de Jake, Kaufman et Kurtis qui peinaient à suivre les enchaînements de coups envoyés, esquivés et bloqués de la part des deux femmes. Le Défenseur paru se souvenir brusquement de sa mission et avança vers le duo de chasseur de primes, menaçant.

Jake se transforma en un nuage de sable qu’il sépara en deux, se reformant derrière Kurtis. L’homme barbu apparu derrière son opposant, le poing armé, et s’apprêta à l’attaquer dans son angle mort.

Puis il fut brusquement heurté et jeté sur le côté par une force invisible.

Kurtis n’avait pas bougé d’un millimètre et un sourire cruel apparu sur son visage.

— C’est toujours pareil avec les types qui peuvent se transformer, fit-il. Ils pensent que rien ne peut les atteindre, qu’ils sont invincibles et peuvent se permettre de s’attaquer à plus fort que soi. Quel ramassis de crétins !

Le Défenseur se dirigea vers Jake qui tentait de reprendre son souffle et abatis le pied de toutes ses forces sur son moignon. Les yeux du chasseur de prime se révulsèrent, il hurla de douleur et s’évanouit l’instant après.

— Enfoiré, cria Kaufman qui s’élança vers Kurtis.

De la même façon que son camarade, il fut frappé et violemment projeté à terre par une force invisible lorsqu’il arriva à proximité de sa cible.

— Ne t’inquiète pas Kauffie, je m’occupe de toi maintenant, fit le Défenseur d’un ton menaçant.

L’épéiste se releva et étudia son adversaire. Il n’arrivait pas à décerner l’origine du coup qu’il avait reçu et ce n’était pas en fonçant tête baissée qu’il y parviendrait. Prenant une grande inspiration, il avança lentement vers lui, déterminé à ne pas faire la même erreur deux fois.

Kaufman n’était pas spécialisé dans le combat à mains nues mais son agilité et sa force physique lui permettait de se débrouiller dans le domaine. Avec une garde plus que correcte, il bloqua un crochet du droit du Défenseur. Il eut alors le souffle coupé par un impact brutal sur son flanc et roula plusieurs mètres plus loin.

Il se releva instantanément, se remis en garde et avança de nouveau vers Kurtis, une détermination froide dans le regard. Nouveau blocage d’un coup de pied et nouveau coup reçu en pleine figure sans rien voir venir.

Le nez en sang, Kaufman se releva et répéta la manœuvre. Agacé, le Défenseur intensifia la violence de ses coups et Kaufman ne fut bientôt plus qu’une masse d’hématomes tremblante. Projeté pour la énième fois loin de son adversaire, l’épéiste s’assis en tailleurs et regarda Kurtis avec un sourire satisfait.

— La projection, c’est ça ? demanda-t-il.

— Je te demande pardon, morveux ?

— Les coups que j’ai reçus avaient tous un point commun, observa le chasseur de primes. Je sentais des poings, des pieds ou des coudes me frapper. Ça a mis un peu de temps, mais je crois comprendre ton Pouvoir : tu peux projeter ton corps en dehors des limites physiques de ce dernier, matérialisant un de tes membres depuis n’importe quel endroit partant de toi pour frapper à des angles impossibles.

— Bravo, bravo, applaudit un Kurtis qu’à moitié amusé. Crois-tu que connaître mon Pouvoir te donne une quelconque chance de me vaincre ?

— On verra, affirma calmement Kaufman en modifiant sa garde.

Ce dernier se plaça de profil face à son adversaire, les jambes fléchies, et attendis. Sûr de lui, Kurtis avança, bien décidé à en finir.

Il se rapprocha de l’épéiste et pivota les épaules en armant son poing. Le Défenseur pu observer pendant une fraction de seconde les motifs de la semelle des chausses de Kaufman.

Kaufman avait attendu l’instant précis ou Kurtis entrait dans son rayon d’attaque et avait déployé un coup de pied aussi rapide que puissant.

L’attaque laissa cependant le chasseur de primes à bout de souffle et il dut s’agenouiller pour ne pas s’effondrer.

Il ne gagnerait pas ce combat en bloquant son adversaire, mais en le frappant avant qu’il n’ait le temps de réagir. Ce plan avait malheureusement un principal inconvénient : si Kurtis était capable de bloquer ou au moins encaisser le premier coup, il serait alors libre de riposter sans aucune garde valable pour minimiser les dégâts.

— Si seulement j’avais un sabre je pourrais en finir rapidement et aider Mandra… réfléchit tout haut le chasseur de prime en constatant que les deux femmes se battaient toujours sans qu’aucune ne semble prendre le dessus sur l’autre.

Kurtis éclata d’un rire furieux.

— Ce qu’il faut pas entendre ! déclara l’homme, la bouche et le nez en sang.

Il lui manquait une ou deux dents et semblait fou de rage. Il se dirigea vers un petit cabanon adossé au mur d’enceinte de la cité qui devait servir d’avant-poste pour les Défenseurs chargés de la sécurité de la porte sud. Il défonça la porte dans un grand bruit de bois éclaté et ressorti un sabre à la main, qu’il lança aux pieds de Kaufman, stupéfait.

— Je t’ai sous-estimé, Kauffie, je l’avoue, déclara le Défenseur. Mais ne vas pas te croire tout puissant juste parce que tu as pu me toucher une ridicule petite fois. Avec ou sans sabre, tu ne m’arrives pas à la cheville et je vais te le prouver immédiatement, petite merde.

Ravi d’avoir pu provoquer son adversaire et trop intelligent pour laisser son égo l’empêcher de ramasser l’arme à ses pieds, Kaufman dégaina le sabre et se remis en garde face à son opposant, attendant calmement comme précédemment.

Avec une légère différence à présent : son premier coup ne sera surement pas bloqué et il sera ravi que Kurtis encaisse sa lame en pleine poitrine.

Son adversaire s’avança comme précédemment et Kaufman projeta en un éclair son sabre vers le torse de son adversaire dès qu’il fut à portée.

Égalisant avec la vitesse de l’épéiste, le Défenseur pivota à l’ultime moment et saisit Kaufman par les deux bras.
De sa jambe droite, il enfonça son genou avec force dans l’abdomen de l’épéiste. Utilisant son Pouvoir pour projeter deux autres bras invisibles, il fit pleuvoir les coups sur le visage de Kaufman sans interruption, jusqu’à ce que les jambes de son adversaire cèdent. Il continua son assaut, le maintenant debout à bout de bras sans aucune difficulté jusqu’à ce que la tête de sa victime ne soit plus qu’une masse de chair boursouflée.

Sachant son adversaire vaincu, Kurtis l’expédia négligemment sur le sol comme un vulgaire chiffon.

Chiffon qui toussa et se releva.
Un rictus de haine sur le visage, Kurtis s’avança de nouveau vers le chasseur de prime. Tentant le tout pour le tout, Kaufman se rua vers son adversaire, le sabre levé.

Usant de toutes les feintes, bottes et techniques qu’il lui restait, l’épéiste assaillait le Défenseur sans interruption avec l’énergie du désespoir.
Kurtis paraissait souvent dépassé et n’esquivait parfois qu’à l’ultime moment grâce à des réflexes et une vitesse surhumaine. Quelques entailles apparurent tout de même le long de son corps qui ne pouvait se permettre de riposter à la danse mortelle de son ennemi, toutes ses facultés mentales occupées à assurer sa survie.

— Fais chier, chuchota Kaufman au moment inévitable où il fatigua et ralentit le rythme de ses attaques.

La punition fut instantanée. Un poing invisible fit apparaître des étoiles devant ses yeux et l’épéiste s’effondra, sonné et incapable de se mouvoir.

Extasié devant sa supériorité martiale, Kurtis était aux anges. Il s’empara du sabre et présenta sa pointe devant la gorge de Kaufman.

— Je te l’avait bien dit, Kauffie. Une dernière volonté ?

D’une main tremblante, l’intéressé se contenta de dresser un doigt d’honneur à son opposant, qui gronda et écrasa cruellement la main de l’épéiste qui hurla de douleur.

Il était probable qu’en gardant son sang-froid et en ne faisant pas autant durer un combat gagné d’avance dans le seul but d’humilier son adversaire, Kurtis aurait vu arriver la lumière dorée se rapprochant dangereusement de lui.
Malheureusement pour le Défenseur, un poing gorgé d’énergie le percuta au visage avec tant de violence que sa tête emporta le reste de son corps en heurtant le sol : ses jambes se soulevèrent vers le ciel avant de retomber lentement aux pieds de Mandra.

Le KO avait été instantané.

— Quand pourras-tu te passer de quelqu’un pour surveiller tes arrières, Kaufman ? demanda la femme en souriant, le visage couvert de poussière et de marques de combat.

Haussant les épaules, le chasseur de primes parvint à s’assoir en tailleurs en gémissant de douleur.

— Enfin, je suppose que tu as au moins réussi à faire diversion, continua sa supérieure. Tu peux marcher ?

— ‘Sais pas. Pense pas, parvint à articuler l’épéiste.

— Va bien falloir. Cette émanation démoniaque que tu as pour sœur ne va pas tarder à sortir de la tonne de gravas que je lui ai fait tomber dessus. Je vais continuer à l’occuper, toi, tu prends Jake et vous vous barrez d’ici.

Comme pour lui répondre, une silhouette s’extirpa des décombres d’un bâtiment effondré à quelques pas de là. Propulsant les blocs de granit hors de son chemin comme si ils étaient en paille, Anita dégageait une aura terrifiante, glaçant le sang de Kaufman et le figeant encore plus sur place que la fatigue ou que les innombrables blessures qu’il avait reçues de Kurtis.

Réflexe primaire de survie, adrénaline en dose massive dans le corps, choc psychique trop important pour être ignoré, le chasseur de prime ne compris jamais exactement le phénomène qui lui permis de se mouvoir à cet instant.

L’origine de ce phénomène, par contre, resta à jamais gravé dans sa mémoire.

Le regard de sa sœur était une promesse.

Une promesse de mort.

Kaufman sprinta vers Jake, le ramassa avec difficulté tant sa panique était grande et couru plus vite qu’il n’avait jamais couru. Dans un état second, il ne remarqua pas malgré leur extrême proximité les violents échanges de coups entre Anita et Mandra, qui faisait de son mieux pour bloquer la Défenseure et couvrir les chasseurs de primes.

C’est sans se retourner que Kaufman franchit la porte sud de la capitale, avec dans la bouche le goût acide du sang se mêlant désagréablement à celui amer de la défaite.

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