Chapitre 3

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Trois coups de poings violent sur du bois usé tirèrent Jake d'un sommeil profond.

— Jake Ling, fit une voix autoritaire de l’autre côté de la porte. Vous êtes convoqué auprès du Commandant Yakor qui souhaite vous voir dans l’heure.

— Merde... jura-t-il en se relevant difficilement.

Il croisa Kaufman dans le couloir qui semblait s’être fait réveiller d’une manière similaire. Ils échangèrent un regard entendu sur leur destination commune, sortirent du QG des chasseurs de primes et se dirigèrent tout deux vers le grand bâtiment des Défenseurs. Deux gardes ouvrirent les portes et ils se présentèrent au comptoir d'accueil.

— C'est pour ? demanda négligemment un Défenseur sans lever le regard de la fiche qu'il consultait. Il portait la traditionnelle cape bleue, ornée d'un cercle au niveau du col.

Kaufman pris la parole :

— Nous sommes convoqués par le Commandant.

L'homme daigna relever les sourcils pour regarder ses interlocuteurs sans pour autant relever la tête. Un sourire en coin sur le visage, il leur indiqua le chemin.

— Vous prenez l'un des escaliers en colimaçon dans l'axe de l'entrée après avoir monté les marches derrière moi, puis vous continuez tout droit.

Les deux hommes empruntèrent donc l’escalier de gauche, franchirent un couloir et se retrouvèrent face à une gigantesque double porte en bois gravée de motifs complexes.

— C’est ta première fois ici, partenaire ? lança Jake.

— Mmh. Je suppose que tu es un habitué ?

— J'ai rencontré ce bon vieux Yakor plus d'une fois effectivement.

— Pourquoi ?

Jake plissa les yeux.

— Depuis quand tu poses autant de question, monsieur sérieux ?

— Depuis quand tu ne profites pas d’une occasion pour te la ramener ?

— Ah ! T'as entendu ce que j’ai dit à Mandra hier, n’est-ce pas ?

— Accouche.

Jake soupira.

— Oui, admit-il. Je suis venu ici à chaque fois qu’un de mes partenaires s’est fait tuer. Et crois-moi, c’est pas une partie de plaisir. Il est pas commode, le chauve.

La double porte s'ouvrit soudainement en un fracas assourdissant, laissant apparaître un homme à l'air sévère.
Son apparence dénotait du reste des Défenseurs du bâtiment : par sa taille, deux bons mètres de hauteur et deux fois plus large que Kaufman, mais aussi par sa tenue. Il n’arborait pas la traditionnelle tunique bleue des Défenseurs mais portait des bottes noires, un pantalon beige ainsi qu'une veste kaki au col à larges revers sur laquelle étaient disposées de multiples insignes.

Son col était bien ouvert, laissant apparaître le haut d'un buste excessivement musclé, sur lequel étaient tatoués trois cercles dorés.

L'homme portait trois anneaux également dorés à chaque oreille et était complètement chauve.

— Avez-vous un commentaire à faire sur ma capillarité Monsieur Ling ? dit-il d'une voix grave, ayant manifestement entendu la remarque de Jake.

— Mais non, pensez-vous, monsieur le Commandant ! répliqua Jake en agitant négligemment la main de droite à gauche. Au contraire, je ne pense jamais avoir vu un crâne aussi bien entretenu. Voyez-vous, je me prends presque, parfois, à regretter ne pas connaître la bénédiction qu’est calvitie. Non pas que j'insinue que vous en ayez une, bien au contraire ! Je suppose bien que votre discipline de fer vous impose un rituel matinal stricte de rasage et...

— Suffit.

En un regard, il cloua Jake sur place et mit fin à son monologue de façon abrupte.

Kaufman fut extrêmement surpris. C'était la première fois qu'il voyait quelqu'un parvenir à faire taire Jake au milieu d'une telle tirade.

C'est avec une pointe de jalousie qu'il s'avança avec son partenaire dans une salle majestueuse. Les murs étaient couverts de bibliothèques et le mobilier en bois sombre était parfaitement préservé.

Le Commandant s'assit à un grand bureau au milieu de la pièce et fit un signe aux deux Défenseurs à la porte. Ils sortirent en manipulant avec grande difficulté les deux lourds battants que Yakor avait déplacé aussi facilement qu’une cagette de bois.

Le géant les dévisageait.

— Messieurs. Y prenez-vous du plaisir ?

Kaufman fronça les sourcils, interloqué. De quoi parlait-il ?

Jake semblait moins perdu mais son visage n'exprimait pas la moindre émotion.

— Et bien ? J'écoute ?

— Je ne vois pas bien de quoi vous voulez parler Commandant Yakor, répondit Kaufman. Du plaisir à faire quoi ?

— Une moyenne de trois cent pièces d'or de réparation par mission. Une centaine de civils blessés en six mois d'exercice. Je répète ma question : prenez-vous du plaisir à semer la désolation ainsi autour de vous ?

— Mais... Non, bien sûr que non !

— Ah ! lâcha le Commandant en frappant son bureau de la paume. Expliquez-moi donc alors ! Comment deux types tels que vous peuvent provoquer autant de dégâts collatéraux à chaque fois que vous chassez un Monstre ? Votre exploit d'hier est sans doute votre record absolu.

Kaufman était furieux.

— Vous avez vu ce Monstre que nous avons combattu ? grogna-t-il. Ces gens étaient livrés à eux-mêmes, les dégâts auraient été bien pires sans nous ! Si vous voulez des résultats, recrutez plus de Défenseurs, soyez plus efficaces, débrouillez-vous mais ne rejetez pas la faute sur…

Il fut interrompu par le rire gras et bruyant du Commandant.

— Cessez, cessez ! fit-il en contenant son rire. Je me joue de vous, petit gars, bien sûr que vous faites du bon boulot, c’est pour ça que je vous ai amené ici ! Bigre, regardez, votre camarade Jake avait bien compris dès le départ, n’est-ce pas ?

Jake était inexpressif et se contenta de hocher la tête. Yakor poursuivi :

— Bon, messieurs, laissez-moi tout d’abord vous remettre ceci.

Il leur tendit à chacun une bague tout à fait sobre, un simple anneau doré sur lequel était serti une petite pierre verte.

— C’est à la base un cadeau censé être offert aux meilleures jeunes recrues parmi les Défenseurs mais, étant donné vos performances, j’ai pensé que vous méritiez largement ces honneurs.

La colère de Kaufman retomba et du soulagement ainsi qu’un peu de fierté apparurent dans ses yeux. Il hésita cependant à se saisir de l’objet :

— Ce genre d’honneur ne doit-il pas avoir l’aval de la Reine ?

— Ne vous en faites pas, le rassura le Commandant avec un sourire rassurant, tout est en ordre.

— Dans ce cas c’est un honneur, mon Commandant.

Ravi, Kaufman se saisi de la bague et la passa à son doigt. Il se tourna vers son collègue pour partager sa fierté mais Jake restait impassible. Il regardait le Commandant avec une expression indéchiffrable.

Ce dernier le remarqua et se leva pour s’approcher de Jake. Il le dominait d’au moins quatre têtes et s’adressa à lui d’une voix sombre :

— Un problème, monsieur Ling ?

Jake leva les yeux pour soutenir fermement le regard du Commandant.

De longues secondes s’écoulèrent pendant lesquelles le temps sembla aussi figé que le regard des deux hommes.

Kaufman commença à penser que son compagnon était devenu complètement fou à défier ainsi leur supérieur, jusqu’à ce qu’il baisse les yeux, soupire et passe la bague à son annulaire gauche :

— Aucun problème, monsieur. J’étais juste sous le choc. Voyez-vous je n’ai pas l’habitude de recevoir de tel honneurs…

— Très bien, très bien, expédia le cerclé 3 en retournant à son bureau. Messieurs, puisqu’une bonne nouvelle n’arrive pas sans son lot de défi, je vous envoie personnellement en mission près des Montagnes, au sud-ouest d’ici. Nous avons repéré une activité de Monstre à l’intérieur d’une grotte et nous n’avons malheureusement pas de Défenseurs disponibles pour y remédier.

— Quels sont les repères pour trouver ladite grotte, interrogea Kaufman, excité à l’idée d’une mission donnée par le Commandant en personne.

— J’ai déjà mobilisé quelqu’un le temps de vous escorter.

Une femme entra dans la pièce. Les cheveux mi longs aussi noirs que ses yeux, elle portait la traditionnelle tunique bleue des Défenseurs avec deux cercles dorés au niveau du col. Elle se déplaçait avec souplesse et dégageai une aura tout à fait remarquable.

Avec assurance, elle salua le Commandant et se plaça à côté de la table. Yakor poursuivi :

— Voici Anita. Elle vous accompagnera jusqu’à l’objectif et assurera votre protection pendant le trajet. Vous partez sur le champ. Bonne chance, soldats.

Anita se tourna vers les deux hommes et les salua.

— Bonjour Jake Ling. Bonjour petit frère. Allons y. Nous prendrons des chevaux pour y être avant le coucher du soleil.

Petit frère ? s’interrogea Jake.

Il étudia attentivement les traits de Kaufman et de la femme et compris instantanément.

Son acolyte s’était mué en une façade d’incompréhension. Il emboita machinalement le pas à Anita et Jake, le regard vague.

Le trio quitta le bâtiment et se dirigea vers les écuries. Trois chevaux étaient déjà préparés et ils quittèrent Abta rapidement.

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