Chapitre 2

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Abta était le nom d'une ville ainsi que celui d'une aire géographique. Les villages, ponts, routes ainsi que les zones agricoles qui s'établissaient autour de la cité appartenaient à celle-ci. Toute l’organisation de la région s’articulait autour de la capitale.

Les habitants d’Abta avaient toujours connu les Monstres : ils apparaissaient à intervalles irréguliers, venant du ciel, du sol ou de la Frontière.

Leur puissance était variable : les plus faibles étaient généralement gérés par les chasseurs de primes tandis que les plus puissants nécessitaient l'intervention des Défenseurs.

Ces derniers étaient très discrets et le grand public ne connaissait pas grand-chose à leur fonctionnement, sachant qu'il était formellement interdit par la loi de regarder un Défenseur combattre si l'on était pas soi-même un Défenseur d’un rang supérieur ou équivalent.

Il existait quatre rangs de Défenseurs, chacun identifiable par des cercles brodés sur leurs uniformes : les rangs 0 non cerclés, les douze rangs 1 avec un cercle, les quatre rangs 2 avec deux cercles et enfin, un seul individu portant le rang 3, le Commandant Yakor, marqué de trois cercles.

L'intervention des Défenseurs restait heureusement rare et la plupart des monstres restaient l’affaire des chasseurs de primes qui combattaient avec deux principales ressources.

La première était le Pouvoir : une capacité unique révélée chez chaque individu durant l’enfance. Le Pouvoir pouvait prendre différentes formes et personne n’était jamais parvenu à en trouver l’origine.

Le deuxième moyen de combattre les Monstres était les Artefacts : objets aux attributs surnaturels, les Artefacts étaient extrêmement rares et ne s'obtenaient qu'en en achetant à un prix exorbitant ou en faisant parti des Défenseurs d’Abta.

Cette ville était principalement constituée de bâtiments de bois et de pierre blanche et rouge. Son relief en forme de cône était particulier : où que l'on soit, il fallait monter pour approcher du centre ou descendre pour s'en écarter. Les rues courbées étaient creusées pour permettre aux bâtiments d'être droits.

Quatre grandes avenues en pente raide menaient au centre et coupaient les autres rues aux quatre points cardinaux.

Au point culminant de la cité se dressait un grand palais, circulaire lui aussi, surplombant le reste des édifices.

Jake et Kaufman se dirigeaient vers le quartier militaire, adossé au palais. Devant eux se dressait un large bâtiment de pierres rouges, très bien entretenu.

Le duo le dépassa et marcha vers une grande structure en bois, beaucoup moins bien préservée que la bâtisse rouge à sa gauche.

Un groupe de trois individus sortit juste avant que Jake et Kaufman aient pu s'engager. Ils portaient tous une tunique bleue marine de très bonne facture. Les vêtements étaient dépourvus du moindre détail excepté celui de l'homme au centre, qui arborait un cercle doré brodé au niveau de l'encolure.

Le groupe cessa d'avancer et bloqua l'entrée aux deux chasseurs de prime. L'homme au centre pris la parole d'un air moqueur.

— Tiens ! Voici notre destructeur adoré, Jake Ling en personne ! Le chasseur de prime aussi efficace pour anéantir les monstres que les quartiers d'Abta ! Combien de pauvres gens as-tu réduis à l'état de mendiants, ce soir ?

— Eh ! fit Kaufman en fronçant les sourcils devant cet inconnu qui se permettait de les juger. On a sauvé des gens ce soir. Et si seulement vous autres, Défenseurs, nous avaient averti plus précisément où et quand...

L'épéiste n'eut pas le temps de finir sa phrase qu'il fut projeté violemment de l'autre côté de la rue par une force invisible, se fracassant lourdement contre le mur d'une bâtisse dont une partie vola en éclat sous l'impact, écrasant Kaufman sous les débris.

L'instant d'après, Jake braquait son arme sur l'homme.

Une brillante et menaçante lumière verte émanait du fusil de l’homme barbu, mais cela ne sembla pas perturber sa cible outre mesure. L'homme était détendu et regardait avec satisfaction le tas de poussière soulevé par l'impact du corps de Kaufman, inerte.

— Ça lui apprendra, ricana-t-il. Allons, mon bon Jake, pas de ça entre nous, baisse donc cette arme. Tu sais bien qu'il est interdit par décret de la reine de s'attaquer à un Défenseur et que quiconque brave ce décret encours la peine de mort, n'est-ce pas ?

— Si je t'emporte avec moi dans la tombe ça vaudra peut-être le coup, Kurtis, menaça Jake.

Les deux autres Défenseurs firent mine d'avancer mais leur chef leva la main pour les stopper.

— Inutile, railla le cerclé 1. Vous ne feriez pas le poids de toute façon, Jake Ling est le chasseur de primes le plus efficace de tout Abta ! Il excelle à se débarrasser des monstres, des édifices, et de ses coéquipiers ! Cela m'étonne beaucoup que tu réagisses aussi promptement pour défendre ce bouseux. J'avais pourtant l'impression que tes collègues étaient aussi remplaçables que tes chemises ?

Il se tourna vers ses deux acolytes avant de poursuivre.

— Et oui messieurs ! Sachez que l'espérance de vie d'un partenaire de Jake Ling est courte, très courte ! C'est le combientième lui, Jake, hein ? Huitième, neuvième ? Combien encore vas-tu en envoyer au cercueil avant de les y rejoindre ?

Le regard de haine que Jake portait à Kurtis s'intensifia en même temps que la lumière verte de son fusil, pointé vers le Défenseur. Ce dernier fléchit légèrement les genoux en se préparant au combat.

— Mon bon Kurtis, fit une voix féminine à l’intérieur du bâtiment en bois.

Une femme aux cheveux longs et grisonnants, noués chaotiquement en une énorme tresse, posa une main sur l'épaule du Défenseur.

— Je sais bien que tu es quelqu'un d'ô combien important pour notre bel ordre des Défenseurs : faire partie des cerclés 1, ce n'est pas rien n'est-ce pas ? Bon, tu m'excuseras mais je te demanderais malgré tout de cesser d'importuner mes pauvres chasseurs de primes qui sont sans doute épuisés par la rude bataille qu'ils ont menée.

Kurtis repoussa violemment la main de la femme.

— Je n'en ai pas fini avec eux Mandra, aboya-t-il. Mêle-toi de ce qui te regarde.

— Eh bien… soupira l’intéressée. J'aurais au moins essayé d'être polie.

Son regard se fit soudain plus dur et elle reprit la parole d’un ton autoritaire :

— Tu en as fini avec eux espèce d’imbécile, je te l'assure. Va passer ta frustration de ne pas avoir obtenu ton deuxième cercle ailleurs que sur ce bon Jake et sur ...

Elle s'interrompit pour étudier le tas de décombre dans lequel reposait Kaufman.

— Ah ! Et Kaufman Bergen en personne. Je comprends mieux maintenant ! De la jalousie envers sa sœur, hein Kurtis ?

— Ferme là, vieillarde, cracha le Défenseur. Rien à foutre d’Anita.

Son comportement plein d'assurance changea cependant brusquement lorsqu'il croisa le regard de Mandra. Jake aperçu une lueur dorée surnaturelle qui commençait à naître dans les yeux de la femme et un sourire naquit au coin de ses lèvres.

—C’est bon, c’est bon, paniqua soudainement Kurtis en reculant. Ça ira pour cette fois...

Le Défenseur fit rapidement demi-tour, appela ses acolytes et s’en alla, la tête aussi relevée que possible, jetant un dernier regard noir à Jake.

Ce dernier, soulagé, salua avec respect sa sauveuse.

— Je te remercie, murmura Jake. Mais je sais que ça va te valoir des problèmes.

Elle secoua la main pendant que la lueur de ses yeux diminuait.

— Boarf, ça me fait plaisir d'envoyer bouler cet abruti, ne t'en fait pas. Je ne mériterais pas le titre de cheffe des chasseurs de primes si je ne pouvais pas aider mes petits. Va donc chercher ton camarade. Ce cher Kaufman... Ça fait combien de temps maintenant ?

— De temps que quoi ? demanda Jake.

Mandra regarda le chasseur de prime avec une expression calme et déterminée, presque tendre.

— Ne joue pas les imbéciles avec moi mon petit.

— ... Six mois, murmura le chasseur de prime.

— C'est celui qui a tenu le plus longtemps avec toi depuis Anna. Prends soin de lui, Jake. Tu as failli ne pas t'en remettre la dernière fois. Et prends soin de toi également...

Elle continua en chuchotant.

— Cela fait longtemps que je t’avertis qu'il faut que tu diminues le nombre de Monstres que tu chasses. Et au lieu de cela, toi, tu continues au contraire à te jeter corps et âme dans des chasses dont personne ne veut. Tu m’inquiètes, qu'est-ce que tu cherches à la fin, Jake ?

L’homme grommela pour toute réponse et se dirigea vers Kaufman qui tentait de se relever pendant Mandra rentrait dans l'abri, l’air maussade.

— Alors comme ça tu as une frangine Défenseure ? demanda Jake à Kaufman tout en lui tendant la main pour l'aider à se relever.

L'épéiste toussa et refusa la main que lui offrait Jake. Il se releva difficilement.

— Qu'est-ce que ça peut te faire ? Je ne parle plus à cette enfoirée.

Jake tenta de détendre l'atmosphère en voyant la mine décomposée de son acolyte.

— Oh ! Je ne crois jamais t'avoir entendu insulter qui que ce soit, intéressant ! Dis-moi tout, vous vous êtes embrouillés car tes parents la préféraient à toi ? Ça serait logique, tu me diras, vu ta tronche...

Kaufman ne répondit pas et boita laborieusement vers le grand bâtiment en bois. L’homme barbu comprit qu’il était inutile d’insister.

Le bâtiment en question était un hangar de grande taille qui servait de quartier général aux chasseurs de primes. Une vingtaine de chasseurs de primes étaient en train de bavarder, manger, boire et jouer. Certains saluèrent Kaufman qui monta directement au dernier étage du bâtiment. Il traversa le long couloir du dortoir, ouvrit la porte de sa chambre et s'effondra sur son lit, s'endormant aussitôt.

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