CHAPITRE 7

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« Je veux vivre comme un cristal, je m’en briserai, peut-être » (Françoise Dolto)

L’auberge « La ferme d’Anémone » 16 juillet vers 9h00

Valérie, les yeux dans le vague, soufflait sur la vapeur de son thé brûlant. La nuit avait été atroce ! Elle n’avait pu s’empêcher d’imaginer les pires scénarios concernant ses enfants. Elle voulait se rassurer en les sachant ensemble mais rien n’y faisait. Max, qui avait essayé de la consoler une bonne partie de la nuit, avait rejoint, dès l’aube, l’équipe de recherche. Il lui avait promis de revenir la prendre vers neuf heures. A son départ, elle s’était sentie perdre pied, se laissant tomber dans les méandres d’un sommeil sans rêves et sans repos. A son réveil, elle avait soigneusement évité la salle du petit déjeuner. Affronter les regards, qu’ils soient compatissants ou accusateurs, était au-dessus de ses forces. Elle demanda un thé à la réception puis se dirigea vers le petit salon. Cette pièce, un peu défraîchie avec ses canapés de velours bordeaux et son papier peint vieux rose, l‘apaisait. C’était inexplicable et pourtant, il y régnait une ambiance sereine. Elle s’avoua que c’est dans ces lieux qu’elle se sentait le mieux depuis la disparition de ses enfants. Perdue dans la contemplation des pics montagneux, elle ne prit conscience de la présence d’une autre personne que par un léger râle venant de l’embrasure de la porte. Valérie sortit de sa torpeur.

  • Bonjour Madame Braumercier, vous demander si vous avez bien dormi serait très inconvenant, n’est-ce pas ? ironisa une vieille dame en entrant dans la pièce.

Valérie eut un ricanement avant de répondre :

  • Non pas vraiment, Madame, sauf si, bien sûr, vous êtes au courant de la disparition de mes enfants.

Valérie marqua une pause tout en continuant à scruter le paysage face à elle.

  • Oh, mais comme je suis idiote, railla-t-elle en levant les yeux au plafond, bien sûr que vous êtes au courant ! Tout le monde connaît l’histoire de cette mère imprudente qui n’a même pas pu préserver la chair de sa chair ! Je suis, à moi seule, une belle supercherie, vous ne trouvez pas ? Soi-disant experte en éducation positive et même pas fichue de canaliser ses propres ados !

La vieille dame vint s'asseoir, non sans mal, auprès d’elle.

  • Ne vous flagellez pas comme ça ! Beaucoup vous plaignent et peu vous jugent. Surtout, les gens habitant notre région. Ici, tout le monde connaît la fourberie de nos chères montagnes. Mais, rassurez-vous, concernant vos enfants, je suis persuadée qu’ils vont bien.

La jeune femme se leva et se dirigea vers la porte fenêtre.

  • Ils sont là ! Quelque part sur cette immense montagne ! Combien de personnes s’y sont perdues ? Et combien en sont revenues saines et sauves ?
  • Vous répondre, Madame Braumercier, ne ferait qu’augmenter votre inquiétude. Ce que je peux vous dire c’est qu’il vaut mieux se perdre sur cette montagne à cette époque de l’année qu’en décembre.

Valérie se tourna vers l’aïeule et prit enfin le temps de la regarder. Un petit chignon bas blanc comme neige était posé sur un châle bleu criard. Ses yeux, tout aussi bleu, la fixaient avec une grande douceur. Elle lui sourit avant de lui demander :

  • Vous avez toujours vécu ici, n’est-ce pas ?
  • Oh oui, cette bâtisse m’a même vu naître. C’était la ferme familiale avant de devenir une petite auberge. Moi et mon mari avons voulu vivre avec notre temps et après la deuxième guerre mondiale, nous avons décidé d’arrêter la ferme et de faire découvrir nos chères montagnes aux touristes. Depuis, mon mari est décédé et c’est ma fille et mon gendre qui ont repris les rênes. Je ne quitterais cette maison pour rien au monde ! conclut-elle d’un air de défi.

Valérie ne put s'empêcher un petit rire. Cette inconnue lui ferait presque oublier l’horreur de la situation. Elle revint s’asseoir auprès d’elle et lui demanda :

  • S’il vous plaît, parlez-moi de vos montagnes.

L’ancêtre fut surprise. Percevant son regard interrogateur, Valérie poursuivi :

  • Comprenez-moi, vous connaissez certainement la région mieux que quiconque et vos récits me permettront de me sentir.... près d’eux.

L’émotion lui cassa la voix. Elle baissa les yeux et prit conscience à quel point ses mains tremblaient. La vieille dame posa alors la sienne sur l’une d’elles et commença à raconter les histoires qui avaient bercé son enfance. Valérie fut surprise par la douceur de sa peau. Elle caressait cette main diaphane et si légère tout en écoutant, comme parole d'évangile, l’histoire incroyable d’une petite fille des montagnes.

Max traversait la terrasse de l’auberge lorsqu’il entrevit sa femme par la porte fenêtre. Il s’y dirigea naturellement puis, stoppa net son pas, intrigué par ce qu'il voyait. Valérie était assise, immobile, les mains jointes simplement posées sur les genoux et la tête baissée. Il vit ses lèvres bouger doucement.

  • Mon dieu, se dit-il, chérie, tu es si désespérée que tu te mets à prier.

Pour la première fois depuis leur rencontre, Max, exténué, admit ne pas avoir la force d’affronter la situation. Il se sentait comme un chevalier sans armure, comme superman sans sa cape. Valérie était athée depuis toujours et la voir prier était plus que surprenant. C’en était même dérangeant. Impuissant à la soutenir et trop troublé pour l’interrompre, il demanda à la réceptionniste de joindre sa femme, prétextant un appel important, et sortit sur le parvis de l'hôtel pour l’attendre.

Il ne fallut que quelques minutes à Valérie pour rejoindre Max à l’extérieur. Une brise lui caressa le visage. Max parut surpris de voir sa femme si calme comme résignée par la situation.

  • Chérie, comment vas-tu ? As-tu pu te reposer quelques heures ?
  • Oui mon cœur, j’ai dormi et j’ai surtout fait la connaissance d’une vieille dame qui connaît très bien la région. Elle m’a un peu rassurée sur cette montagne. Elle m’a dit que mes enfants avaient des alliés là-haut et que je n’avais pas à m’en faire. J’ose espérer qu’elle a raison.
  • Oh, chérie....

Max lui caressa les cheveux en l’attirant vers lui. Comment lui expliquer que les recherches n’avaient rien donné ? Comment lui avouer que même les gendarmes étaient à bout d’idées pour les retrouver ? Comment lui dire qu’il y a quelques années tout un pan de la montagne avait été ravagée par un éboulement et que, même le plus téméraire des alpinistes de la région n’oserait aller y mettre les pieds ? Comment expliquer à sa femme, la personne qu’il aimait le plus au monde, celle pour qui il donnerait sa vie, que si ses enfants avaient pris la direction de cet éboulement, on les retrouverait très certainement le cou rompu des suites d’une chute violente ?

  • Chérie, viens avec moi, le responsable des recherches voudrait te parler.
  • Où est-il ?
  • A la gendarmerie, il voudrait te....

Elle ne le laissa pas terminer.

  • Non, Max, s’il veut me voir, il doit venir sur les lieux de leur disparition.

Elle lui prit les clés des mains et le toisa d’un air interrogateur afin qu’il lui montre quelle était la voiture qu’il avait louée plus tôt dans la matinée. Il lui pointa une berline noire, garée près de la terrasse.

  • Tu viens ? Ou tu veux rester ici pour te reposer un peu ?
  • Je viens, voyons ! Quelle question, chérie !

En la suivant, il envoya un texto à l’officier : Je n’ai pas pu lui dire. Nous sommes en

route vers la montagne. Deux mots en retour : J’arrive.

Les gendarmes et les chiens grouillaient sur le petit terre-plein où le car, la veille, avait fait escale pendant quelques minutes. « Ces quelques minutes mêmes qui ont suffis pour perdre mes enfants », songea Valérie. « Quelques minutes pour que ma vie, leur vie changent à tout jamais. » Car, elle en était convaincue, quel que soit l’issue de cette histoire, il y aurait un avant et un après. Une jeune gendarmette vint vers elle, très étonnée.

  • Madame Braumercier ? Que faites-vous ici ?
  • Comment ça ? Je viens chercher mes enfants, voyons ! Avez-vous avancé ? Avez-vous plus de pistes ?

La gêne se lisait dans le regard sombre de l’agent qui ne put soutenir celui, plein d’espoir, de Valérie.

  • Madame, nous mettons tout en œuvre pour retrouver vos enfants. Cependant... Elle marqua une pause comme pour chercher la meilleure façon de s’exprimer.
  • .... Nous sommes allés jusqu’au niveau des éboulements des années quatre-vingt. Vous voyez, nous avons subi de nouveaux détachements rocheux il y a quelques jours et le terrain n’est toujours pas sécurisé. Les lieux sont encore beaucoup trop dangereux pour y déployer nos équipes. Ne croyez pas que nous allons arrêter de chercher, nous allons voir de l’autre côté de la route et explorer les moindres recoins possibles.

Valérie perdit toute contenance. Son optimisme du matin laissa place à une colère noire.

  • Ne me dites pas que vous n’allez pas monter sur cette montagne pour retrouver mes enfants ! C’est là qu’ils sont ! J’en suis certaine !
  • Madame, il y a beaucoup de chance qu’ils aient décidé de prendre la route en sens inverse et ...
  • Arrêtez donc d’inventer des excuses ! Mes enfants étaient poursuivis ! Tout laisse penser qu’ils ont réussi à prendre la fuite vers la montagne et non vers la route. C’est plus que logique ! Vous ne pouvez pas arrêter les recherches dans la montagne ! Ils sont là, j’en suis sûre !

La jeune femme regarda Max, l’air désespéré. Il vint à son aide tout en soutenant sa femme.

  • Merci, Mademoiselle. Faites ce que vous avez à faire, nous restons ici au cas où, ils reviendraient.
  • Je vous en prie Madame, Monsieur, ne vous aventurez pas seuls dans cette montagne. C’est dangereux.
  • Vous osez me dire que c’est dangereux et vous n’hésitez pas à laisser des adolescents de quatorze et seize ans là-haut ! C’est ignoble ! cria Valérie avant de s’effondrer en pleurs dans les bras de son mari.
  • Mon coeur, je t’en prie, il faut faire quelque chose, il faut les retrouver. Je sais qu’ils sont là. La vieille dame me l’a dit. Ils sont dans la montagne.
  • Chérie, de qui parles-tu ? Pourquoi penses-tu qu’une vieille dame en saurait plus que les autorités ?
  • Elle m’a expliqué l’histoire de cette montagne. Elle m’a expliqué que tout un versant était devenu presque inaccessible depuis l’éboulement. Elle en a été très affectée car elle aimait aller se promener sur les anciens lieux d’estive de sa famille. Elle m’a dit que, peut-être Antoine et Simone se seraient réfugiés dans l’ancienne bergerie de son grand-père. S’ils ont pris cette direction, ils sont très certainement là-bas. Si l’équipe de recherche abandonne, on ne les retrouvera jamais. Tu comprends ? Max, tu comprends ?

Face à la détresse de son épouse, Max l’amena doucement vers la voiture et lui dit :

  • Chérie, assieds-toi et attends-moi. Je vais parler au responsable.

A cet instant, un inconnu vint à leur rencontre. C’était un homme rond aux cuisses courtes, à l’air aussi intelligent qu'intransigeant.

  • Madame Braumercier, C’est un plaisir de vous rencontrer, bien que j’aurais aimé que cela soit dans d’autres circonstances. Ma soeur ne parle que de vos bouquins à longueur de journée. Moi, la seule vue de mes neveux, me fait remercier Dieu de ne pas avoir d’enfants. Permettez-moi de me présenter, je suis l’Officier Lemarquis et suis chargé de l’enquête concernant cette malencontreuse affaire. Puis-je vous faire part de la situation ?
  • Me faire part de la situation ? répéta ahurie, Valérie. Vous allez m’expliquer pourquoi vos équipes stoppent les recherches car la montagne est trop dangereuse, c’est ça ?
  • La situation est plus compliquée que cela, Madame. J’aimerais tout vous expliquer mais je voudrais avoir votre parole que vous n’allez pas m’interrompre. Voyez-vous, j’ai tendance à perdre le fil si je suis interrompu et....
  • A perdre le fil ? Vous vous foutez de moi, là ? J’ai perdu bien plus que le fil, moi ! J’ai perdu mes enfants ! Vous comprenez, ça ???
  • Ecoutez, si vous ne vous calmez pas, vous resterez là à vous morfondre sans explication ! Je suis monté jusqu’ici pour vous parler et croyez bien, Madame, je ne suis pas obligé de le faire. Quand je pense que ma sœur est convaincue que vous êtes la reine de la patience, Eh ben dites-donc !
  • Chérie, calme-toi et écoute-le, s’il-te-plaît. Je suis persuadé qu’il a beaucoup de choses à nous apprendre.

Prenant le mutisme de la mère comme un signe d’armistice, l’inspecteur se racla la gorge et commença son monologue :

  • Nous avons vérifié dans tous les villages environnants à la recherche d’une voiture et d’un individu suspect. Une enquête de voisinage est en cours actuellement. Pour l’instant, nous n’avons aucun retour. Nous avons également cherché un individu accompagné de deux adolescents, chou blanc. Nous avons fait des patrouilles dans tous les villages et vérifiés tous les hôtels, campings, auberges de jeunesse où vos enfants auraient pu descendre, chou blanc ! Nous avons fait une battue, policiers et gendarmes compris, une bonne partie de la nuit et toute cette matinée. Nous sommes allés aussi loin que nous pouvions aller sans mettre en danger nos équipes, là encore, chou blanc. Comme vous avez dû l’entendre, des hélicoptères de la brigade des montagnes continuent à scruter les endroits les plus abrupts au-delà des éboulements, au cas où vos enfants auraient pu se frayer un chemin. Pour l’instant, les recherches sont sans résultat. Croyez bien, Madame Braumercier, que nous faisons l’impossible pour les retrouver mais il est difficile de croire que vos enfants aient pu s'aventurer au-delà des éboulements et être sains et saufs à l’heure actuelle. Ce versant est devenu un ‘no man’s land’ Madame. La nature y a repris ses droits. Il n’y a plus un seul humain qui s’y trouve. Les éboulements répétés de ces dernières années ont créé des précipices immenses et les derniers détachements rocheux n’ont fait qu’accentuer l’instabilité du terrain. Si vos enfants sont arrivés jusque-là, ils n’auraient eu aucune chance de s’en sortir vivants, d’autant plus qu’il faisait nuit et qu’ils sont totalement inexpérimentés et sans matériel adéquat.
  • Vous voulez dire que si mes enfants ont pris le chemin de la montagne, ils sont certainement morts, c’est ça ?

Les larmes de Valérie inondaient son visage et pourtant, au fond de son regard, on pouvait y lire l’espérance. Cette petite étincelle d’espoir qu’une vieille dame lui avait insufflé quelques heures auparavant.

  • Oui, Madame, c’est cela. J’espère qu’ils ont décidé de suivre la route et non de s’engouffrer dans cette montagne. Nous aurions plus de chance de les retrouver. Croyez bien que nous ne lâcherons rien et que si les recherches pédestres sont stoppées vers la montagne, nous la surveillons du ciel.
  • Monsieur, merci pour votre franchise. Je suis quelqu’un d’assez cartésien et pourtant savez-vous en quoi je crois le plus ?
  • Non, Madame.
  • En l’instinct maternel, et le mien me dit que mes enfants ont pris cette direction, celui de la montagne et il me crie qu’ils sont vivants ! Ils sont là-bas, ils se sont réfugiés dans les anciennes estives.
  • Madame, vous ne m’avez pas compris. Ces estives sont hors d’accès. Il y a bien une vieille bergerie mais elle n’est plus accessible depuis des dizaines d’années. Sa dernière utilisation date de la fin de la Seconde Guerre Mondiale. Même si elle était encore debout, c’est une ruine.

Valérie se mura de nouveau dans le silence, le regard perdu vers la sombre forêt qui les séparait des rocs montagneux. Max connaissait bien cette expression : celle de la détermination. Il prit sa femme dans ses bras et lui murmura :

  • Fais pas ta tête de mule, chérie. On ne peut rien faire.

Mais Valérie n’en avait pas fini avec cet officier. Elle se tourna vers le rondouillard bonhomme :

  • Monsieur, c’est votre droit d’arrêter les recherches. Soit ! Je vais continuer de mon côté et je....
  • Chérie, tu es folle ! Tu ne connais pas la région ! Monsieur Lemarquis vient de t’expliquer à quel point c’est dangereux et...
  • Max ! Je n’abandonnerai pas mes enfants là-haut ! cria la jeune femme en pointant la cime des montagnes. Soit, tu me suis, soit tu restes ici !

L’inspecteur mesurait l’opiniâtreté inflexible de cette mère qui se laissait guider plus par l’instinct que par la réflexion.

  • Je ne peux pas vous empêcher d’aller vous aventurer là-haut, comme vous dites ! Mais je vous en conjure, n’y allez pas seule ! Je ne connais qu’une personne assez tête brûlée pour vous accompagner dans ces montagnes.

L’homme sortit de sa poche un petit calepin en moleskine et y nota un numéro de téléphone et une adresse, suivi d’un nom : Fred. Monsard. Il tendit la feuille déchirée à Valérie.

  • Tenez ! Appelez de ma part. C’est la seule personne qui pourra vous aider dans cette histoire. Mais je vous préviens, je l’ai contacté ce matin pour lui demander sa coopération. Et j’ai fait chou blanc ! Bon courage !

Et sans attendre, il clopina vers ses équipes.

La jeune femme composait le numéro sur son portable lorsqu’elle fut interrompue.

  • Bonjour, Val ! C’est quoi encore cette histoire ?

Elle blêmit. L’un des moments qu’elle redoutait le plus se produisait. Elle leva les yeux s’apprêtant à se confronter à la colère de son ex-mari.

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