Retrouvailles

de Image de profil de Emilie SamainEmilie Samain

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Ce jour-là, tu avais prétexté avoir oublié ton téléphone à la maison pour y retourner déposer ta lettre.  Comme d’habitude, j’étais d’humeur maussade. Comme d’habitude je ne voyais rien. Car comme tu l’as si bien écrit, il n’y avait que moi qui comptait dans ma vie. 

Tu te sentais seule avec moi. Tous les jours. Depuis tellement longtemps.

Tout était préparé. Une valise chez une amie. Je te déposerais à la gare comme d'habitude .Un train. Un dernier train, faisant semblant de t’amener au travail alors que tu avais démissionné la semaine précédente. Et puis la liberté, enfin.

Quelles pensées ont traversé ton esprit ces quelques minutes de trajet jusque la gare? Du soulagement? De l’impatience? J’aime penser qu’il y avait aussi du doute. Peut-être même des regrets. 

J’ai trouve ta lettre en rentrant ce jour là. Tu étais désolée, tu avais tenu ce que tu avais pu, mais ma froideur et mon égoïsme avait eu raison de tes sentiments .

Notre fils m’en a énormément voulu. Il m’a reproché ton départ. Ta vie, ton malheur quotidien, ça et tout le reste. Il savait que j’étais responsable. Ca fait un an maintenant que tu es partie avec lui. Et aujourd’hui, c’est le jour de nos retrouvailles. A tous les trois. 

Pas un jour sans que je ne pense à toi. Ta présence, ton parfum, ta peau, tes yeux... Même si ces dernières années, ils se détournaient sans cesse des miens quand ils se croisaient.  

J’ai compris mon erreur, bien au-delà de ce que tu pourrais croire. Je le paierai toute ma vie. On ne répare jamais vraiment ce qui est cassé n’est-ce pas? 

Mes mains tremblaient ce matin quand je me suis habillé. J’attends dans le salon, debout à la fenêtre, de vous voir enfin arriver. 

Je repense sans cesse à ce trajet vers la gare. Je me demande quelle est la dernière chose que tu t’es dite en sortant de la voiture. “Je regrette de l’avoir épousé”?  “Tout recommencer, enfin”? Ou bien comme je l’espère parfois :  “je pars jusqu’à ce qu’il ait compris son erreur et qu’il ouvre les yeux?” 

Je n’ai jamais cessé de t’aimer. J’ai juste oublié qu’il fallait le montrer. Que l’amour qu’on garde caché ne vaut rien. On finit par douter de l’existence de ce qu’on ne voit plus. 

Ce jour-là, comme tous lesjours, je t’ai déposée sans un regard à la gare, tout pressé que j’étais. 

Sauf que tu ne pouvais pas le prévoir, mais il n’y avait pas de train, il avait été supprimé, alors tu t’es dit qu’il suffisait d’attraper le bus qui passait deux rues plus loin. 

Il y a des choses qu’on ne peut pas prévoir. Comme une voiture qui brûle un feu rouge.

Si j’avais été un meilleur mari, tu aurais attendu le train suivant, pour aller au boulot. Tu as choisi le bus. Me quitter.

Je vois notre fils sortir de sa voiture, le visage fermé. Il ne m’a pas pardonné, qui le pourrait? Même pas moi. Il a enfin accepté qu’on se revoit, tous ensemble.

Il avance, et je te vois enfin, nichée au creux de ses bras, dans cette urne que j’ai choisie pour toi. 

Si je te prends dans mes bras, que je ferme les yeux, seras-tu là?

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RetrouvaillesChapitre4 messages | 4 ans

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