Castratrice

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L’Éducation Nationale, un peu à l'image de la société dans laquelle nous vivons, est très castratrice: dès qu'il vous arrive un truc sympa, elle s'arrange, par basse jalousie, pour vous casser le truc sympa dont vous étiez si heureux-se. 


Par exemple, à une époque, je participais au jury du recrutement de professeur des écoles.

C'était bien.

Déjà bien payé (non, non, ce n'est pas négligeable, même si je suis plutôt dans une veine décroissante, l'argent est quand même important), stimulant intellectuellement (les candidats sont plus ou moins civilisés, même s'il y a de tout, et même si ce dont je parle se situe à une époque où les examinateurs n'étaient pas obligés de recruter des professeurs des écoles avec un niveau en orthographe douteux) et donnant l'impression (l'illusion?) de participer à une mission, recruter les futurs éducateurs de demain, notre avenir en dépendait.

Bref, j'adorais ça.

Donc, une année, je reçois ma convocation, très bien, normal, tout va bien.

Quinze jours plus tard, je reçois une convocation pour aller faire passer le bac. Deux demi-journées, payées peut-être dix euros.

Au même moment que les épreuves de prof des écoles.

Ah, ben, non, c'est hors de question.

Je ne peux pas être à deux endroits différents au même moment, ce n'est pas possible.

J'écris pour informer les autorités de la chose.

Bien sûr, comme tout courrier passe forcément par le chef d'établissement (la dite voie hiérarchique), mon chef d'établissement est donc au courant de ma démarche.

Elle vient me voir.

Ah, non, ce n'est pas possible (jusque là, j'étais d'accord), vous ne POU-VEZ pas vous désister comme ça de votre mission de baccalauréat qui est pri-ori-tai-re, vous irez faire passer le baccalauréat et vous vous désistez du jury de professeur des écoles.

Quoi? Mais c'est quoi ce délire? C'est hors de question.

Et comme je suis quand même libre de mes actes, j'ai envoyé un courrier par la poste à mes autorités en leur expliquant ma situation, en leur annonçant que je n'irai donc pas faire passer le bac et que voilà. Même courrier pour l'établissement qui organisait les épreuves du bac pour ne pas qu'ils se retrouvent dans la panade le jour J et voilà.

Le matin des épreuves de professeur des écoles, je m'apprête à aller remplir ma mission, le téléphone sonne, c'est le lycée qui cherche à me joindre!

Je ne réponds pas, message. C'est ma chef d'établissement ... elle veut savoir si je me souviens bien de ma mission de baccalauréat que je suis sommée de remplir le jour même.

Mais elle me fera chier jusqu'au bout celle-là!

Je ne rappelle pas et fais ce que j'ai à faire.

Évidemment, je n'eus aucun problème.

Entre temps, je m'étais renseignée, c'est bien sûr la mission la plus élevée hiérarchiquement et à défaut, la première reçue, qui est prioritaire.


Cette année-là, je pus donc faire passer les épreuves de recrutement de professeur des écoles sereinement, mais alors à quel prix ... Mon bonheur toutefois fut de courte durée: l'année suivante, la possibilité de passer une épreuve orale de langue vivante fut supprimée à ce concours.

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